Machinisme
Retournement de cycle attendu

Source : Rapport économique 2023 - Axema
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Les années d’euphorie sont-elles définitivement passées ? La réponse reste en suspens bien évidemment, mais le moins que l’on puisse dire, c’est que l’année 2022 aura encore été atypique pour les professionnels de la filière des agroéquipements et de l’agroenvironnement.

Retournement de cycle attendu
En 2022, il s’est vendu 25 000 unités de tracteur standard en France, d’après Axema. © F. Pabst

L’année 2022 aura encore été des plus atypiques. La faute à l’inflation et au net renchérissement du coût des matières premières et des composants, essentiels à la fabrication des matériels. Mais aussi à la forte augmentation des coûts de production et des prix de vente, soulignait le Syndicat français des acteurs industriels de la filière des agroéquipements et de l’agro-environnement, Axema, dans son rapport économique diffusé en mai dernier. Le renchérissement et la pénurie de matières premières et de composants essentiels de production sont bien évidemment liés à la reprise économique post-Covid, et aux bouleversements géopolitiques mondiaux qui ont suivi, à commencer par la guerre en Ukraine et de la politique zéro Covid menée en Chine. “Alors que la demande est restée soutenue, les difficultés d’approvisionnement et de production se sont traduites par un allongement des délais de livraison, de douze semaines en moyenne au plus fort de la crise. Aujourd’hui encore, ces difficultés n’ont pas été résorbées. Les délais de livraison dans le secteur sont le double de ceux qu’ils sont habituellement. Le retour à la normale se fait très progressivement, pointe Axema.

À cela s’ajoute l’augmentation des coûts de production et des prix de vente, qui semble ne pas vouloir s’arrêter malgré quelques paliers. Et la décision des membres du cartel Opep + – dont font partie la Russie et l’Arabie Saoudite – de nouvelles réductions de production, confirmées début octobre jusqu’à la fin de l’année, pour soutenir les cours du brut. Sur un marché de l’énergie déjà bien fébrile, la situation au Moyen-Orient a encore jeté de l’huile sur le feu en octobre et ne laisse guère espérer de retour à une situation moins tendue.

Une progression portée plus par les prix que par les volumes

Résultat, en 2022, en moyenne, les prix des agroéquipements neufs ont ainsi augmenté de + 12 %, et de + 17 % depuis le début de 2021. Les hausses de prix décidées en cours d’année 2022 continueront de s’exprimer, en année pleine, en 2023. À la fin février, l’acquis de croissance – c’est-à-dire la croissance des prix des matériels qui résulterait d’un statu quo jusqu’à la fin de l’année – était de 7 %. « Au total, nous estimons que les prix auront augmenté de 30 % sur trois ans. Un tel niveau d’inflation est inédit depuis les années 80. Les industriels s’interrogent sur l’acceptabilité de tels niveaux de prix. Et ils redoutent plus que jamais un retournement du marché », pointe Axema.

Dans le même temps, les ventes de matériel neuf ont atteint un nouveau niveau record à 8,3 milliards d’euros (+ 15 % par rapport à 2021), malgré les difficultés de production et le report de certaines d’entre elles sur 2023. Cette progression à deux chiffres a été portée davantage par les prix (+ 12 %) que par les volumes (+ 2,5 % seulement). Par ailleurs, la situation a été nettement meilleure dans le secteur agricole (+ 16,5 %) que dans celui des espaces verts (+ 3,5 %).

Divergences fortes observées sur le 1er trimestre 2023

Sur le premier trimestre 2023, les tendances sont plus difficiles à établir, du fait d’une profonde divergence entre, d’un côté, les niveaux de facturations, toujours en très forte augmentation ; et, de l’autre, les prises de commandes en chute libre par rapport à l’année précédente. Dans le détail, les prises de commandes affichent ainsi des baisses qui s’échelonnent de - 15 % à - 50 % selon les familles de produits. Simple trou d’air ou prémisses d’un retournement du marché ? Il est encore trop tôt pour le dire. Les industriels des agroéquipements constatent un certain attentisme du côté des acheteurs – distributeurs et agriculteurs notamment.

Même si les prises de commandes se raréfient en ce début d’année, il est presque acquis que le marché des agroéquipements sera en croissance en 2023, de l’ordre de + 5 % à + 10 %. En effet, les carnets de commandes sont encore bien garnis – 5,5 mois de production en moyenne à la mi-mars – et couvrent quasiment l’année civile. « De plus, comme nous l’avons vu précédemment, l’effet-prix restera positif, apportant 7 à 10 points de croissance. Dans de telles conditions, le secteur s’oriente vers une nouvelle année record, mais nuancée sur le fond », conclut Axema. Il est donc fort probable que 2023 marque la fin d’un cycle et le début du retournement du marché. En effet, comme le reconnaît Jean-Christophe Régnier, président de la commission économique d’Axema et directeur général de Lemken France, « les signaux passent progressivement à l’orange : les prises de commandes sont faibles en ce début d’année 2023 ; la probabilité d’un retournement de cycle, après cinq années de croissance, prend de l’épaisseur ».

Les chiffres clés du marché français des agroéquipements

8,3 milliards d’euros (Mds€) – hors chariots télescopiques et serres – de chiffre d’affaires sur le marché français des agroéquipements en 2022 (ventes de gros), soit une hausse de + 15 % par rapport à 2021

40,8 Mds€ de chiffre d’affaires sur le marché européen à 28 des agroéquipements en 2022, soit + 14 % par rapport à 2021

5,3 mois, c’est l’équivalent en temps de production du carnet de commandes des industriels français en mars 2023, contre 2 à 3 mois habituellement

La France occupe la 1re place en Europe selon la taille du marché des agroéquipements

La France pèse 20 % dans le marché UE 28 des agroéquipements