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Anne-Marie et Jean-Louis Segaud à Thil-sur-Arroux

A Thil-sur-Arroux, Anne-Marie et Jean-Louis Segaud sont agriculteurs et famille d’accueil

Eleveurs de bovins charolais à Thil-sur-Arroux, Anne-Marie et Jean-Louis Segaud sont aussi famille d’accueil pour des enfants placés en foyers. Une mission délicate et riche en émotion que les époux prennent très à coeur. Une belle leçon de vie que nous livre ce généreux couple d’agriculteurs.

A Thil-sur-Arroux, Anne-Marie et Jean-Louis Segaud sont agriculteurs et famille d’accueil

Silhouette imposante et caractère bien trempé, Jean-Louis Segaud élève un troupeau de 90 vaches allaitantes à Thil-sur-Arroux. Ce grand gaillard dont la ferme a la réputation d’être bien tenue ne mâche pas ses mots, surtout quand il s’agit de défendre les intérêts de la profession face aux élus ! Une authentique "grande gueule" qui n’a d’égal que son immense courage à la tâche. Car l’apparente dureté des propos coïncide avec une exigence au travail hors du commun. Dans son élevage où il aime faire naitre des charolais plutôt conformés, Jean-Louis ne laisse rien au hasard et il ne ménage pas sa peine. Une force de la nature qui a pourtant dû se mettre au repos forcé l’année dernière. Son tempérament bouillonnant a sans doute été déterminant dans sa victoire sur la maladie. Le soutien de ses proches aussi.

Le caractère tempétueux de Jean-Louis tranche avec l’attitude discrète et mesurée de son épouse Anne-Marie. Aussi menue et apaisée que son époux est imposant et volcanique, Anne-Marie veille au grain dans la vie de l’exploitation. Assurant la partie administrative de l’entreprise, comme beaucoup d’agricultrices, elle seconde son mari pour les vêlages, le pansage, la manipulation des animaux… Leur fils de 35 ans participe également aux travaux. C’est d’ailleurs lui qui a remplacé Jean-Louis durant sa convalescence en 2018. Un fils qui succèdera probablement à son père dans deux ans quand ce dernier prendra sa retraite.

Une vraie famille avec des règles

Si Jean-Louis aurait beaucoup à dire sur la situation de l’élevage, la crise, le revenu des éleveurs…, il est aussi intarissable sur les enfants que son épouse accueille à la maison chaque vacance scolaire. Car depuis 2011 en effet, Anne-Marie et son époux sont famille d’accueil pour des enfants confiés par une association. C’est une amie qui a incité l’agricultrice à se lancer dans cette activité vertueuse. Les époux Segaud ont du faire acte de candidature en justifiant d’un casier judiciaire vierge et d’un certain nombre de conditions d’hébergement, explique Anne-Marie. « Les enfants qu’on nous confient ont besoin de voir ce qu’est une vraie famille avec des règles de vie. Ce sont de jeunes gens âgés de 6 à 18 ans qui viennent de Montceau, Auxerre, Sens… On les accueille pendant les deux mois d’été et même pour les fêtes de fin d’année », présente l’agricultrice.

Recevoir des enfants séjournant en foyers, issus de familles disloquées, dont certains sont sans nouvelle de leurs parents défaillants, n’est pas une mince affaire… « Lorsqu’un enfant arrive chez nous, on ne sait rien de lui », confient Anne-Marie et Jean-Louis. Ce premier contact nécessite beaucoup d’adresse et de disponibilité de la part des accueillants et les choses ne se passent pas toujours très bien, reconnaissent les époux Segaud. Et Jean-Louis de citer cet adolescent de 16 ans, capuche enfoncée sur la tête, cicatrice de rasoir sur le sourcil, nez constamment dans le portable, ayant pour habitude de se lever à 11h du matin… Il en aura fallu du tact et de la dextérité pour que ce jeune-homme parvienne finalement à accompagner dès l’aube l’agriculteur dans les travaux de la ferme !

« Ici, on se respecte… »

Les premières journées d’approche sont parfois mouvementées. Anne-Marie se souvient d’avoir été obligée de contrôler les valises de certains de ses pensionnaires qui avaient tendance à subtiliser des objets brillants… De ne pas les reprendre pendant une période de congé avait suffi pour que ces enfants ne recommencent pas, témoigne l’accueillante. « Au début, ils nous testent tous », confie Jean-Louis qui, dès l’arrivée des enfants, sait poser le cadre en fixant fermement les règles de la maison : « ici, on dit bonjour, au-revoir, merci, pardon et on se respecte ! », énumère-t-il.

Il est arrivé que certains enfants se révèlent ingérables et que la famille Segaud soit contrainte de ne plus les reprendre. « Nous sommes famille d’accueil et non pas foyer de redressement ! », commente Jean-Louis. Cette activité implique un investissement en temps et en travail. « C’est de la pension complète », confirme Anne-Marie qui, outre les aspects éducatifs, doit assurer la nourriture, le linge, l’entretien de la maison… Parfois même, il faut éliminer les poux attrapés en collectivité !

Incontestablement, c’est une admirable mission que les époux Segaud se sont donnés. Du dévouement, une bonne dose de psychologie, beaucoup de sang-froid…, il faut avoir un véritable don pour réussir comme famille d’accueil. Parents de deux grands enfants trentenaires et grands-parents de quatre petits-enfants, Anne-Marie et Jean-Louis ont cette capacité et même toute la sensibilité qu’il faut.

En les écoutant parler affectueusement de leurs pensionnaires, on comprend que ce rôle de famille d’accueil est pour eux une vraie vocation. Une activité qui, malgré la complexité sociale, leur procure finalement beaucoup de bonheur. A tour de rôle, Anne-Marie et Jean-Louis évoquent leurs souvenirs avec Mathiew, Anthony, Betty, Angélique, Leïna, Ylian… Ensemble, ils ont partagé les repas en famille, fêté Noël et le jour de l’an, participé à la vie de la ferme…

La ferme joue un grand rôle

Dans leur mission, l’exploitation - avec ses animaux, ses tracteurs, ses naissances - joue un rôle de premier plan auprès des enfants. Peu sont indifférents à un vêlage ou à la mise bas d’un cabri. Avec ses quelques chèvres, Anne-Marie fait participer ses pensionnaires à la traite ou au moulage des fromages. Jean-Louis se souvient de ce gamin timide et introverti de 8 ans qui tous les jours filait dans la stabulation dès le repas terminé pour nettoyer les allées, les tracteurs, repérer les vaches, les taureaux… Les enfants sont aussi très sensibles aux bons petits plats que leur mitonne chaque jour Anne-Marie. Ils découvrent avec bonheur les saveurs de la cuisine traditionnelle de terroir élaborée avec les bons produits de la ferme, se régalant d’un pot-au-feu ou d’une bonne soupe… Au-delà de la découverte d’un autre mode de vie, la famille d’accueil favorise avant tout des échanges entre accueillants et enfants. Des discussions précieuses où les adultes servent un peu de tuteur à ces jeunes en reconstruction. D’un enfant à l’autre, des affinités se tissent avec l’un ou l’autre des membres du couple.

Accepter une part d’échec…

Anne-Marie et Jean-Louis ne cachent qu’au moment du départ de leurs pensionnaires, ils sont parfois émus. « On n’a pas le droit de développer des liens ni de garder des contacts après », fait remarquer Jean-Louis. La famille d’accueil doit rester à sa place, mais il est difficile de demeurer de marbre quand on a partagé de tels moments… Et puis l’âpreté de la vie entache parfois les bons souvenirs vécus dans la ferme de Thil-sur-Arroux. Malgré cette parenthèse apaisée, certains enfants finissent quand même par tourner mal. Parfois à cause d’un retour inapproprié chez des parents nocifs. Anne-Marie se souvient avec émotion de cet apprentis pâtissier qui a fini par quitter le foyer et dont elle avait tenté de retrouver la trace, en vain… Un pourcentage d’échec difficile à accepter pour les deux époux.

Loin des grands discours, c’est une vraie leçon d’humanisme que donnent Anne-Marie et Jean-Louis lorsqu’ils parlent de leur expérience de famille d’accueil. Un bel exemple qui se trouve aux confins du Morvan dans une famille d’éleveurs, pour qui tolérance, bienveillance, générosité, ouverture sur les autres ne sont pas des vains mots.