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Vignoble : quelles sont les causes de dépérissement ?

Amandine Priolet
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Le Tour de France du plan national contre le dépérissement du vignoble, qui a fait étape à Montélimar le 18 novembre dernier, a été l’occasion d’évoquer les projets LongVi et Dep Grenache, visant à déterminer les causes des bas rendements et de la mortalité des ceps.

Vignoble : quelles sont les causes de dépérissement ?
Symptômes d’esca-BDA sur grenache : décolorations (tigures) et chutes de feuilles et parfois, dessèchement de rameau et de grappes (crédit photo : Marion Claverie, IFV).

« Le dépérissement se définit comme la baisse pluriannuelle subie de la productivité du cep et/ou sa mort prématurée brutale ou progressive liée à une multiplicité de facteurs », explique Marion Claverie, ingénieur-œnologue à l’Institut français de la vigne et du vin (IFV) – Pôle Rhône-Méditerranée. Des projets, financés grâce à la mise en place du plan national contre le dépérissement du vignoble (PNDV), ont permis entre autres de comprendre les causes de mortalité (projet Dep-Grenache) et de bas rendements (projet LongVi). Le programme de recherche LongVi (2017-2020) a permis de mettre au point une méthode de diagnostic des causes des bas rendements, afin d’améliorer la longévité du vignoble. « Depuis un certain nombre d’années, les viticulteurs de différentes partenaires du projet n’arrivent pas à atteindre les rendements autorisés, stipule Marion Claverie. À son lancement en 2015, le plan national estimait une perte de rendement imputable au dépérissement de 4,6 hectolitres par hectare et par an ».

Un diagnostic agronomique

Dans ce projet LongVi, il a été question de répertorier l’ensemble des facteurs pouvant expliquer des situations de bas rendement, à l’aide d’un diagnostic sur la plante du mois d’avril jusqu’à la récolte, afin de les hiérarchiser par rapport à leur impact sur le rendement : ceps manquants et improductifs, charge en bourgeons, état nutritionnel de la plante, entretien du sol, maladies de dépérissement (maladies du bois, court noué), maladies annuelles (mildiou, oïdium, vers), coulure, accidents climatiques, etc. Ainsi, depuis 2016, l’IFV et ses partenaires chambres d’agriculture ont réalisé ce diagnostic agronomique sur huit réseaux test en France.
Les résultats sont bien sûr particuliers à chaque réseau, mais il est apparu que le niveau de ceps morts ou manquants et des jeunes improductifs est parfois important, pouvant aller jusqu’à 35 à 40 % de ceps improductifs !
En parallèle, il s’avère que les apports en eau, azote et herbe (couverture) présentent une corrélation importante avec le rendement, en termes de nombre de grappes, de poids des baies et de poids moyen des grappes. « En 2022, année séchante, sur le réseau-test suivi en côtes-du-rhône en syrah, aucune parcelle avec un enherbement important ne dépassait les 30 hl/ha. Pour autant, certaines parcelles, à l’inverse, ne peuvent se passer d’herbe ! Il y a nécessité de piloter davantage la couverture (herbe) sur rangs et inter-rangs », alerte Marion Claverie.

Jusqu’à 95 % de perte de rendement due au court-noué

Parmi les causes de mortalité, les maladies comme l’esca-BDA (92 %) et le pourridié (25 %) sont les plus présentes au sein des vignobles tests. Le court-noué, maladie virale pouvant conduire à l’arrachage prématuré de la parcelle, fait également l’objet de nombreuses expérimentations. Le projet Coupré (2019-2021) permet d’élaborer une méthode pour évaluer la présence et la nuisibilité du court-noué dans une région, basé sur des notations visuelles et des vérifications par le biais de tests effectués en laboratoire. « Dans le cas que l’on a étudié, le petit réseau situé en vignobles anciens était plus régulièrement atteint que celui en vignobles récents, qui était cependant lui-même déjà bien touché », déclare l’ingénieure-agronome de l’IFV. Pour ce qui est de la nuisibilité du court-noué, le projet JASYMPT (2020-2023) fait quant à lui état de pertes de rendement pouvant aller jusqu’à 95 % sur les ceps touchés par le virus. « Selon la parcelle et l’année, on peut estimer une perte de récolte entre 5 et 50 % dans notre échantillon d’une dizaine de parcelles en France », indique-t-elle.
In fine, parmi les différents essais réalisés ces six dernières années, le court-noué et le triangle eau-azote-herbe apparaissent en tête des causes de dépérissement du vignoble. « Cependant, il n’existe pas un seul angle d’attaque pour limiter les facteurs, mais plusieurs pistes sont possibles. Sur l’esca-BDA, on travaille notamment sur le recépage, le curetage, la taille. Sur le court-noué, plusieurs pistes sont explorées par les différents organismes de recherche, mais une meilleure reconnaissance des symptômes par le vigneron serait un point important. Enfin, en termes d’alimentation hydro azotée, un meilleur pilotage de l’enherbement et de l’irrigation s’avère précieux », conclut Marion Claverie.

Ceps improductifs, court noué et enherbement comme facteurs clés

Dans un deuxième registre, le projet Dep-Grenache (2020-2023) vise à comprendre les causes de mortalité du principal cépage de la région méditerranéenne. Il s’étend sur trois réseaux test, avec chacun une centaine de parcelles. Dans un objectif de freiner la mortalité et de regagner de la productivité en luttant contre les maladies du bois, des notations de mortalité et de maladies du dépérissement ont été faites au printemps 2021, puis durant l’été 2021. « Nous avons relevé une grosse variabilité de la mortalité dans des parcelles qui ont entre 15 et 30 ans. Au bout de 30 ans, un vigneron a au mieux renouvelé 10 % des ceps, au pire 50 % », remarque Marion Claverie.
Cependant, les chandelles / bras manquants (es) se rajoutent à la mortalité de ceps. « Sur les parcelles âgées de quinze à trente ans, on estime à 41 % le nombre de ceux qui disposent de 25 à 50 % de chandelles manquantes. Les premiers résultats semblent montrer que le pourcentage de chandelles mortes est aggravé par l’âge de la parcelle, mais aussi la sécheresse et la présence de grosses plaies de taille sur le cep ». Il est donc conseillé de reformer des chandelles et des coursons à la taille pour limiter l’impact sur le rendement.