BSB Junior Consulting
Cocktails, bières, spiritueux s’invitent à Beaune

Cédric Michelin
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Le 18 janvier, la BSB Junior consulting (Business school of Burgundy) prenait possession du Palais des congrès de Beaune pour sa 6e édition du Wine business. Avec professionnalisme, les étudiants en commerce du vin ont proposé d’intéressants débats sur comment profiter des évolutions marketing et réglementaire, en sous-titre des nouvelles règles d’étiquetage. L’occasion d’interroger d’autres filières : bières et spiritueux qui n’ont pas la même approche.

Cocktails, bières, spiritueux s’invitent à Beaune

Car cette année, l’événement était rebaptisé Wine & Spirits business, façon de montrer que les spiritueux et notamment les bières, sont dorénavant majoritairement consommés en France. Point de sacrilège ici en Bourgogne où l’économie du vin reste omniprésente. L’animatrice, Audrey Chaillet remerciait donc les professionnels venus en rappelant en introduction quelques statistiques. Dans les années 80, 50 % des Français consommaient régulièrement du vin contre seulement 11 % en 2022. « La consommation générale individuelle a même chuté de plus de 60 % ». Aujourd’hui, 32 % des Français déclarent ne pas boire de vin. Un chiffre néanmoins « stabilisé ». Les bières sont les vrais « concurrents » : « dans les années 60, les Français buvaient moins de 10 litres de bières. Aujourd’hui, nous sommes passés à 33 l/an », en forte progression donc, avec une tendance cette dernière décennie aux brasseries artisanales. Attention toutefois aux statistiques trompeuses, car il est encore courant d’entendre dire, « je ne bois pas d’alcool que du vin », ce qui fait sourire les producteurs de spiritueux qui comptent en litre d’alcool pur. Enfin, dernière tendance à noter, intermédiaire entre régulier et abstinent, des boissons se présentant sous un nouveau jour d’une consommation « plus saine », sans alcool ou à faible teneur (no low), les prémix ou cocktails revenant aussi sur le devant de la scène avec les « bartenders » et leur mixologie.

Moins de cloisonnements

Et n’aller pas croire que les vins ne peuvent pas en tirer profit. Le kir, étant à l’aligoté ou aux crémants de Bourgogne, ce que le spritz est au prosecco. Le cinquième meilleur bar du monde fait son meilleur cocktail à base de marc de Bourgogne. La chercheuse à Dijon, Magalie Dubois voit d’ailleurs émerger aux États-Unis d’Amérique des « frizante, semi sparkling sweet au goût ananas ». Bref, des vins aromatisés, plus exotiques qu’au temps des romains néanmoins. « La société italienne Stella rossa a ainsi fait le meilleur lancement avec un vin aromatisé » en 2023, expliquait-elle, invitant à analyser plutôt le fait que ces vins ne « parlent ni de terroir, ni de cépage, ni de millésime, mais juste d’un produit facile à consommer ». Est-ce encore du vin ? Les consommateurs américains semblent ne pas « cloisonner ». « Il y a de moins de moins de frontières entre un consommateur de vin, de bière, de spiritueux ou de boisson sans alcool ou fermentées », ce que la « mentalité » Française ne comprend pas.

Ayant repris une distillerie à Beaune, Mathieu Sabbagh n’a pas peur de bousculer le lanterneau viticole en lui rappelant son rutilant passé, fait aussi d’alambics. « Le marché US est plus mature que les marchés européens », lui qui voit de plus en plus en France, les restaurants étoilés remettre des cartes de cocktails ou des bières en association avec leurs mets raffinés. Ce que confirme Nicolas Seyve, directeur de la brasserie Belenium à Beaune qui a vu le nombre d’artisans brasseurs passer en dix années, de 600 à 2.600 en France. « 10.000 bières différentes sont fabriquées en France. Si avant, elles suivaient les tendances américaines (amertume, faible degré alcool, fait avec tous les fruits et légumes possibles, sans filtrer et trouble…), depuis 5 ans, on va à l’opposé, avec des brets, des lactiques… pour aller chercher les saveurs fruitées, des pH bas, que les vignerons n’aiment pas », glisse-t-il au passage. Les grands industriels surveillent avec intérêt et surfent sur quelques tendances (kombucha, kefir…), ne voulant pas revenir à l’uniformisation passée. « Les industriels aussi cherchent à élargir les palais » des buveurs de bière. Idem du côté des spiritueux avec une « offre agrandie ».

La mixologie face aux terroirs

Sous son regard d’économiste, Magalie Dubois insiste sur ce que cela implique pour les marchés à long terme. « Les habitudes évoluent, surtout hors domicile. On arrive à un point aux USA où le prix d’un verre de vin sur table est au même prix qu’un cocktail préparé spécialement pour soi par un bartender. Les prix jouent donc en faveur des spiritueux », avec une consommation passant des vins aux cocktails. Mathieu Sabbagh tempérait néanmoins en rappelant que « le consommateur mixe. Il peut commencer par un vin, manger avec une bière et finir avec un spiritueux. Où l’inverse ».

Finalement, c’est Nicolas Seyve qui revenait à la base de la valorisation. « La seule constance à nous tous reste la qualité. Il faut raconter une histoire, s’inscrire comme écoresponsable, trouver des ressources locales… donner à vivre une expérience ». Ce que les vignerons bourguignons ont toujours su faire.