Manifestation du 6 avril à Dijon
« Dès qu’on trouve des solutions, ils sont là pour nous barrer la route ! »

Le 6 avril avait été annoncé comme un jour de colère par les représentants agricoles de Bourgogne Franche-Comté. La manifestation régionale qui a convergé à Dijon fut effectivement à la hauteur du sentiment d’exaspération qui touche une profession fatiguée d’être en permanence confrontée à une conception punitive des choses. 

« Dès qu’on trouve des solutions, ils sont là pour nous barrer la route ! »
Les manifestants sont restés longtemps devant le siège de la Dreal, dans une ambiance parfois tendue avec les forces de l'ordre présentes.

Cette vague-là ne devait rien au Covid, mais son arrivée à Dijon a pourtant pris l’allure d’une déferlante. Aux environs de 10 heures, mardi 6 avril, le boulevard Voltaire de Dijon s’est couvert brutalement d’une armée de tracteurs venus de toute la Bourgogne Franche-Comté, de Côte-d’Or, de la Nièvre, de l’Yonne, de Saône-et-Loire, de Haute-Saône, du Doubs et du Jura. Certains, arrivés de Saône-et-Loire et de Côte-d’Or, s’étaient même payés le luxe d’emprunter l’autoroute entre Nuits-Saint-Georges et Dijon. C’est là, le long du boulevard Voltaire que se trouve le siège de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), point de fixation de toutes les colères sous-tendant cette manifestation régionale organisée par la FRSEA, les FDSEA de tous les départements et les JA. 

« Ce fonctionnement, on n’en peut plus »

« C’est le ras-le-bol des surcharges administratives et des excès environnementaux qui s’exprime aujourd’hui, soulignait Christophe Chambon, président de la FRSEA BFC. Les agriculteurs qui veulent parvenir à se dégager encore un revenu n’ont pas besoin de cette surcharge. Que ce soit sur l’arrêté zones vulnérables, sur l’arrêté sécheresse où l’on ne parvient pas à trouver des compromis, sur les attaques de loup, sur les haies, les casse-cailloux... À chaque fois qu’un agriculteur fait quelque chose, il est repéré, photographié, filmé, suspecté en permanence. Ce fonctionnement, on n’en peut plus et c’est pourquoi notre colère vise en premier lieu cette administration. Le président Macron nous a demandé de continuer à nourrir la population depuis le début de la crise sanitaire. Nous répondons présents, mais pas à n’importe quel prix ! Par ailleurs, sur des dossiers plus nationaux, nous demandons une vraie mise en application de la loi ÉGAlim. Nous exigeons que nos coûts de production soient pris en compte. Sur la Pac, il n’y a rien pour répondre aux problématiques des zones intermédiaires qui nous concernent énormément dans notre région, et sur les aides au secteur allaitant, si on coupe les aides européennes au niveau où c’est prévu, on va laisser la moitié des éleveurs sur le carreau... ». Tout au long de la matinée, un face-à-face tendu a opposé les agriculteurs aux forces de l’ordre déployées devant la Dreal pour en interdire l’accès. Des grenades lacrymogènes ont été tirées pour disperser des manifestants qui s’approchaient un peu trop de l’entrée après que la grille d’accès au bâtiment a été mise à terre. 

« Ils arrivent à tout plomber ! »

Tendue, la confrontation le fut aussi en début d’après-midi dans le quartier de la préfecture, bouclé là encore par les forces de l’ordre. Des heurts ont donné lieu à quelques interpellations, dont celle d’Antoine Carré, président des JA de Côte-d’Or, placé en garde-à-vue. Plus tôt dans la matinée, ce dernier avait livré son point de vue : « À la Dreal, ils ne sont là que pour "briser" du paysan. Il y a, chez moi, des projets bio, élevage, grandes cultures et même photovoltaïques, ils arrivent à tout « plomber » ! Dès lors qu’on trouvera des solutions économiques, ils seront là pour nous barrer la route ! » Plus de deux cents tracteurs, avec leurs bennes (dont de nombreuses ont été vidées devant la Dreal) sont ainsi venus marquer cette colère paysanne. 

Berty Robert

« Le loup, c'est la goutte de trop ! »
Marine Seckler, présidente des JA 71

« Le loup, c'est la goutte de trop ! »

Marine Seckler est la présidente des JA de Saône-et-Loire. Son intervention, lors de la manifestation de Dijon, sur les attaques de loup, a été particulièrement marquante : « Notre département a traversé une grosse sécheresse, il y a toute la problématique sur la filière bovine allaitante pas assez bien rémunérée et le loup, au milieu de tout ça, c'est la goutte de trop. C'est hyper-violent. Je suis éleveuse d'ovins et de bovins à Blanot, près de Cluny, je n'ai pas encore été affectée par ce type d'attaque, mais je sais qu'un jour ou l'autre, ça va m'arriver. J'ai des collègues présents ici aujourd'hui qui ont ramassé leurs brebis, fruit du travail de leur père ou de leur grand-père, ils étaient en pleurs. Vivre ça, c'est dégueulasse. Heureusement, en Saône-et Loire, on a pu obtenir un tir de prélèvement, mais, pour l'heure, le Plan loup est figé jusqu'en 2023. Ce plan a été fait en fonction de la situation dans les alpages, très différente de la nôtre, dans des bocages. Du coup, on ne peut pas protéger nos troupeaux correctement. On ne travaille pas pour nourrir le loup, mais pour élever des animaux ».