Environnement
L’Afdi BFC à la COP 27

Ariane Tilve
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Créée en 1975, à l’initiative de la FNSEA, l’ONG Agriculteur français et développement international (Afdi) a pu envoyer l’un de ses membres, originaire de l’Yonne, à la COP 27 qui s’est tenue en Égypte fin novembre. Thierry Desvaux témoigne de ce qu’il y a vu mais aussi et surtout du rôle que peut jouer l’agriculture dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Thierry Desvaux
Thierry Desvaux

Thierry Desvaux est membre de l’Afdi de Bourgogne-Franche-Comté depuis plus de 20 ans. Responsable d’un groupe consacré à l’agroécologie et au climat, au niveau national, c’est à ce titre qu’il a pu participer à la Cop 27 de Charm el-Cheikh. L’organisation se base sur les échanges paysans à travers le monde (lire encadré), et c’est à la demande de paysans des pays du Sud, premières victimes du changement climatique, qu’ils ont abordé ce sujet et se sont retrouvés à la Conférence des Nations unies (ONU). « Notre rôle n’était pas d’être partie prenante, mais d’influer vers ce que l’on qualifie de traçage des financements climatiques vers l’agriculture », explique Thierry Desvaux. Pour 1 $ versé à l’adaptation climatique, 12 $ sont consacrés à l’atténuation du changement climatique. En clair, la priorité de la COP 27 est de tenter d’inciter les pays à sortir de l’industrie carbonée, malgré les lobbys pétroliers. Lorsqu’un pays s’engage à réduire ses émissions, il reçoit des aides. À titre d’exemple, l’Indonésie a reçu 20 milliards de dollars. Mais où vont ces aides ? À qui sont-elles destinées ? Pour quelle efficacité ? Afin de récompenser les bons élèves, l’année prochaine la COP pourrait prendre des allures de bilan pour priver d’aides les pays subventionnés qui n’ont pas tenu leurs promesses et récompensé ceux qui ont tenu leurs objectifs, à l’instar de l’Afrique du Sud qui s’était engagée à faire baisser sa consommation de charbon et a bénéficié pour cela de huit milliards de dollars.

Toutes ces discussions tournent principalement autour du secteur de l’énergie. L’agriculture n’était pas, ou peu, représentée. « Pourtant le monde agricole est l’une des principales victimes et il a, de surcroît la possibilité d’atténuer les conséquences du changement ».

Le paiement pour service environnemental

Lors de la COP 25, un programme baptisé 4/1.000 a été élaboré avec l’appui du ministre de l’Agriculture de l’époque, Stéphane Le Foll, et l’Inra. Ce programme part du principe qu’il serait possible de compenser les émissions de gaz à effet de serre en augmentant le stockage de carbone dans les sols. Il y a du stockage naturel dans le végétal et les océans. La différence entre émission de GES et l’actuelle capacité de stockage est évaluée à 3,5 gigatonnes chaque année, ce qui correspond à 4/1000e des émissions. « Le nombre de pays qui s’impliquent dans cette démarche ne cesse de croître, selon le représentant de l’Afdi. Des capteurs devraient être disposés à l’avenir pour évaluer le stockage des sols et donc la rémunération des agriculteurs ».

Car c’est bien là l’objectif de cette démarche, que le monde agricole puisse bénéficier de paiement, notamment pour services environnementaux grâce au stockage de carbone dans les sols et les arbres (agroforesterie). Aujourd’hui, seuls 1,5 % des financements climats sont adressés aux agriculteurs, mais Thierry Desvaux se veut optimiste : « Je pense très sincèrement que nous serons entendus dans les prochaines COP. Il y a une prise de conscience générale due à l’accélération des changements et des aléas climatiques qui ne peuvent plus être ignorés ».

À titre personnel, Thierry Desvaux pratique, depuis 14 ans, une agriculture de conservation. En assolement commun dans l’Yonne, au sein de la Société en participation (Sep) de Bord, il voit aujourd’hui les bénéfices de cette culture agroécologique. « En semi-direct, nous ne travaillons pas les sols, que nous couvrons en permanence, et valorisons les effluents d’élevage, insiste-t-il. Nous avons, jusqu’ici, cherché à spécialiser les régions, mais demain, nous aurons besoin de complémentarité avec les élevages, les légumineuses dans les rotations et les intercultures, et ne plus travailler le sol pour utiliser moins d’engrais ». Résultat, la Sep émet moins de gaz à effet de serre et stocke du carbone en augmentant le taux de matière organique. Capable de générer plus de 1.000 crédits carbones, elle espère obtenir des paiements pour services environnementaux, grâce notamment au label bas carbone. Leur système de culture, qui permet de stocker plus d’une tonne de carbone par hectare et par an, a été audité par l’Association pour une agriculture durable (Apad) mais n’a pas suffisamment de financeurs pour valoriser ses crédits. Pourtant, selon Thierry Desvaux, il y a en France de nombreuses exploitations agricoles qui pourraient proposer ce service environnemental. « Cela change du schéma classique ou les paysans demandent à être rémunérés pour leurs produits. Aujourd’hui, ils pourraient être rémunérés, aussi, pour un service environnemental. C’est un changement de paradigme », note le représentant de l’Afdi.

Le bilan de la Cop 27

Les résultats de la COP 27 sont mitigés. D’abord parce qu’il n’y a pas de volonté commune de réduire les énergies fossiles, l’un des plus gros volets du dossier du changement climatique. 100 milliards de dollars sont consacrés au financement climat, dont une grosse partie destinée à l’atténuation des énergies fossiles, mais la pression des lobbys pétroliers présents en Égypte était telle que cela n’a pu figurer sur la déclaration finale. En revanche, Thierry Desvaux note deux volets positifs. D’abord, la création d’un fonds "Pertes et préjudices". Pour la première fois, l’ONU acte que les efforts d’atténuation ne suffisent pas. Il faut maintenant obtenir des financements pour aider ceux qui sont victimes des aléas climatiques. Reste à savoir qui va financer et qui va en bénéficier, ce qui devrait être précisé lors de la COP28. Enfin, pour la première fois, l’agriculture figure dans la résolution finale. On considère donc que l’agriculture a la possibilité d’atténuer le changement climatique et qu’elle n’en est pas uniquement victime.

Qui est l'Afdi ?

L’Adfi s’est professionnalisée pour devenir une ONG de développement avec plus de 6.000 bénévoles, 16 pays d’interventions, principalement en Afrique francophone à l’instar du Bénin. Au niveau régional, l’Afdi BFC compte plus de 250 adhérents individuels et institutionnels et 90 bénévoles actifs. L’association dispose d’un budget moyen de six millions d’euros pour ses deux objectifs : accompagner les transitions des organisations paysannes vers leur autonomie dans les pays du Sud et sensibiliser les pays du Nord au développement et à la solidarité internationale. L’Afdi défend l’agriculture familiale, le développement durable et rural, les organisations paysannes et la souveraineté alimentaire.