Patrimoine
1944 en Saône-et-Loire, une année décisive mais sanglante

Frédéric RENAUD
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Cette année 2024 sonne le 80e anniversaire de la Libération du pays. Dans tout le département, les stèles dressées à la mémoire des maquisards, résistants, FFI ou FTP, vont être soigneusement fleuries. De nombreuses associations patriotiques veilleront à rappeler les durs combats et les derniers actes de résistance nécessaires avant le départ définitif des troupes allemandes, fin août et début septembre 1944.

1944 en Saône-et-Loire, une année décisive mais sanglante
Le 23 janvier dernier, Préfet, élus locaux, habitants et porte-drapeaux ont rappelé les arrestations survenues 80 ans plus tôt, devant et dans l'ancien hôtel Jusseau.

1944 commence difficilement en Saône-et-Loire. Le pays est occupé depuis trois ans et demi et les Français font face comme ils le peuvent. Si une partie de la population fait le dos rond face aux nouveaux maîtres du pays, une petite partie de la population collabore alors qu’une autre petite partie, plus ou moins discrètement, affirme sa désapprobation quant à la présence allemande.

En plusieurs points de la Saône-et-Loire, des maquis se sont montés, alimentés par les réfractaires au STO notamment. Une lutte armée, démarrée à l’été 1943, se manifeste de plus en plus fortement au fil du temps. En Saône-et-Loire, ces actions se concentrent sur le sabotage des voies de communication, sur les voies d’eau et les chemins de fer, ainsi que sur les sources d’énergie électrique et les lignes à haute tension.

Entre Résistance et répression

Mais la Gestapo est tapie et les groupes clandestins sont pourchassés. Des agents doubles opèrent, comme les sinistres Garcia et Doussot à Beaubery puis à Blanot, présents dans les maquis un jour… avant d’aller dénoncer les acteurs de la Résistance le lendemain. Leur action entraîne les arrestations de Cortevaix et Blanot, en janvier, puis celles de Cluny, trois semaines plus tard. Entre-temps, il semble que les malheureux victimes des arrestations aient parlé… sous la torture du terrible Klaus Barbie.

Le maquis de Guerfand, dénoncé par un couple, est également attaqué, avec des échanges de tirs. Dans le hameau de la Madeleine, la population est réunie au café. Deux maquisards sont tués, ainsi que les trois frères Jouvenceau, exécutés en représailles ; et plusieurs maisons sont brûlées, avec des personnes cachées à l’intérieur. Car les troupes allemandes subissent de lourdes pertes dans cette opération. Face à cette répression continue, les groupes de résistance s’adaptent : du 2 au 4 mars, le maquis de Laives, menacé par les battues allemandes, déménage pour le secteur de Chauffailles.

Le 27 mai, sept jeunes maquisards FTP du Camp des Loups, maquis cantonnant dans les bois de Maranges, entre Genouilly et Collonge-en-Charolais, sont abattus par les troupes d’occupation nazies. Ils étaient alors environ 80, souvent originaires des villages des environs. Un peu de naïveté conjuguée au harcèlement continu de la police allemande sur les habitants font remonter les informations qui déclenchèrent l’intervention.

Pendant ce temps, les alliés prenaient en compte les projets de ceux qui, en France, refusent l’occupation allemande ; ils leur envoient parcimonieusement d’abord une aide matérielle. En Saône-et-Loire, cette contribution aérienne en armement augmente réellement pendant l’été 1944, avec trois grands parachutages en plein jour. Avant, les petits maquis du Département ne semblent pas compter comme des noyaux mobilisateurs.

Un grand souffle d’espoir

À partir du 6 juin 1944, la levée en masse populaire est presque spontanée, notamment dans le pays minier. Les maquis sont alors rejoints par des grandes quantités de volontaires. Et il faudra presque deux mois pour que ces troupes hétéroclites se transforment en formations combattantes bien armées et encadrées.

À l’annonce du Débarquement, de véritables zones franches apparaissent. Cluny est la première ville libérée ; la dernière garnison est partie en avril. Mais sa région est concernée par une dernière opération allemande d’envergure en août. Les troupes allemandes se concentrent surtout dans les villes et autour des points stratégiques comme les gares ou le long de voies ferrées. Les opérations de répression menées contre les maquis ne permettent pas de les éradiquer complètement ; pourtant des fermes, des hameaux et des villages sont pillés par des bataillons de l’occupant, alors que leurs habitants sont exécutés ou déportés.

Le 8 juin, Claude Boursier et Pierre Duthion sont capturés, puis fusillés au col du Bois-Clair. Le 12 juin, onze sapeurs allemands, qui posaient des explosifs sur le pont enjambant la Saône, sont abattus dans une auberge de Sermesse. Face aux allemands menaçant de représailles les habitants de Sermesse, Verdun-sur-le-Doubs, St-Bonnet-en-Bresse et Saunières, soit on se tait, soit on mène en bateau les « chleus ». Les allemands laissent finalement tomber.

Les 15 et 16 juin, les Allemands attaquent le lieu de regroupement des résistants FTP sur le plateau d’Uchon (Saône-et-Loire), près d’Autun. Le massif forestier de Vauvillard voit la mort de douze maquisards et la dispersion du maquis Valmy.

Plusieurs attaques se produisent ensuite entre Mâcon et Tournus : le 21 juin, une première fois sur le maquis d’Azé ; le 1er juillet, sur le maquis de Laives, avant un nouvel affrontement à Azé ; le 2 juillet, sur le maquis de Brancion.

Du 12 au 14 juillet, puis les 28 et 29, Anost subit plusieurs opérations "antiterroristes". La première attaque n’engendre que trois blessés chez les hommes du maquis "Socrate". Mais les jours suivants, les troupes nazies se vengent sur les habitants du village, tuant trois jeunes gens et déportant le secrétaire de mairie. Fin juillet, 150 allemands reviennent attaquer le maquis à la mitrailleuse et au mortier, sans perte pour la Résistance, mais 50 maisons furent pillées.

Vers la Libération

Avec le débarquement en Provence, le 15 août, la retraite de l’armée allemande s’accélère. La fuite des envahisseurs se complique avec des sabotages sur les voies de communication. Le département est libéré en moins d’une semaine. Les dernières troupes partent de Villefranche-sur-Saône le 3 septembre ; le 10 septembre, Autun et sa région sont libérés. Fin août, les allemands, privés de moyens logistiques, cessent de déporter les détenus de la prison de Chalon-sur-Saône. Ils décident alors de les abattre : le 26 août, 37 hommes périssent sous les balles à Châtenoy-le-Royal, Crissey, Fragnes, La Loyère ou Mellecey.

Mais le départ des troupes « vert de gris » ne se fait pas gentiment partout, sauf à Mâcon, le 4 septembre. Hélas, ce ne sera pas le cas pour Tournus, Sennecey-le-Grand, Montceau-les-Mines et Autun. Le 4 septembre, Tournus et Sennecey sont libérés après de sérieux combats, tout comme Chalon-sur-Saône, le lendemain. Avant de partir, les allemands font sauter tous les ponts. Sauf un qui ne figure pas sur les cartes ; et qui permet aux armées américaines et aux régiments de Résistance de partir à leur poursuite.

Du 5 au 7 septembre, à Bourbon-Lancy, Digoin, au Creusot, à Montchanin, Montceau-les-Mines, Blanzy et Saint-Vallier, les Allemands sont chassés face à la progression des Alliés et la pression des FFI. Du 8 au 10 septembre, Autun connaît d’importants combats, avec un coût humain énorme : 200 morts, 500 blessés et 3.500 prisonniers côté allemand, contre une centaine de morts et des dizaines de blessés côté français.