Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne
Le négoce appelle à « un nouvel équilibre » des cours du vrac

Cédric Michelin
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Lors de la dernière assemblée générale du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB), la famille négoce, par la voie de son président-délégué, Laurent Delaunay a « fait un point économique », très orienté sur les cours du vrac. Un discours marqué « négoce », une fois n’est pas coutume, alors que l’Interprofession est généralement le lieu de la neutralité économique. Toutefois, ses positions méritent d'être entendues.

Le négoce appelle à « un nouvel équilibre » des cours du vrac

Pour parler de la situation économique des vins de Bourgogne, Laurent Delaunay, le président délégué du BIVB, issu de la famille négoce (Fneb), débutait classiquement par un rapide retour sur l’historique de l’offre et de la demande, côté stocks de vins et côté dynamique des marchés. Après la récolte « catastrophique » due au gel 2021, la « très bonne vendange » 2022 en qualité et en quantité, le BIVB espère une « bonne récolte » 2023.

« Et nous en avons besoin », insistait Laurent Delaunay. En effet, « le gel de 2021 est intervenu à un moment où les ventes de Bourgogne accéléraient », faisant ainsi référence à la reprise économique post-Covid partout dans le monde. Cette accélération des marchés et la faible quantité du millésime 2021 ont conduit « à une explosion des prix entre viticulture et négoce », notamment sur ce qu’il qualifie de marché « primaire », en l’occurrence les cours du vrac.

Explosion de la demande en vrac

Pour lui, cette « explosion » des cours du vrac ne s’est pourtant pas « vue en totalité » côté clients car « les opérateurs ont absorbé une partie de ce choc », analyse-t-il, plutôt côté négoce et distribution, si l’on poursuit sa pensée. « Tout comme, ils ont absorbé une partie de l’inflation des matières premières et matières sèches (verre, carton, papier…) », restant donc du côté aval, comme si l’amont et la production n’avaient subi aucune inflation.

Sur la campagne 2022, Laurent Delaunay avoue avoir « constaté une détente sur ce même marché primaire pour nos appellations les plus abondantes, mais la hausse par rapport à 2020 est restée importante », s’expliquant par une « demande soutenue » et des « stocks qui étaient au plus bas », employant le passé ici. Le négociant Beaunois reconnaît la qualité du millésime 2022 qui s’inscrit aussi dans « montée en gamme qualitative » depuis plus de vingt ans.

Éviter les à-coups

Si ces louanges sont justifiées et véridiques, le négociant mettait en garde en revanche sur la prochaine campagne vrac. « Une deuxième récolte correcte en 2023 devrait permettre de retrouver les fondamentaux plus sains », anticipe déjà la famille négoce, avec pour envie « de servir nos marchés et un marché d’achat équilibré ». Au cœur de l’analyse, les stocks à reconstituer pour « éviter les à-coups trop importants qui sont le signe d’une situation en tension qui ne sont jamais bon pour les affaires ». La viticulture pourrait lui rétorquer qu’elle est au cœur d’une adaptation au changement climatique, doublée d’aléas climatiques de plus en plus violents, obligeant à revoir l’équilibre des stocks qui ne sont plus les références de la décennie passée.

Les deux familles se rejoignent sur « ce retour à l’équilibre souhaitable », certainement au-dessus des standards des cours 2020 donc. Laurent Delaunay appelait « à dialoguer tous ensemble sereinement pour conforter la prospérité de toute la filière ». Le négociant pense également aux clients amateurs des vins de Bourgogne qui ont, eux aussi, été « perturbés par cette séquence » de hausses des prix des bouteilles de vins de Bourgogne, « malgré les amortisseurs que nous avions mis en place », redisait-il.

Pour l’heure, il est encore trop tôt pour prédire l’avenir. Le suivi des sorties des vins par le BIVB, montre une faible disponibilité sur les marchés du millésime 2021. L’arrivée des AOC régionales 2022 sur les marchés imprègne un « rythme plus soutenu » aux marchés, « avec un frémissement de reprise qui reste à confirmer », positivait-il. La demande est donc toujours là.

Laurent Delaunay se montrait donc « raisonnablement optimiste » pour les mois à venir avec des « opérateurs qui savent se repositionner sur les marchés ». Restant vigilant au contexte économique (inflation…), « les conditions de mise en marché devraient rester bonnes » dans les mois à venir.

Quel niveau de sur-stock ?

Le négociant avait ensuite des messages pour la clientèle, professionnelle et particuliers, en les prévenant qu’ils ne doivent pas s’attendre à « des baisses marquées », « car il (le client, NDLR) n’a pas vu l’intégralité des hausses suite au gel 2021 » et en raison de l’inflation des matières sèches et premières.

Seule consolation pour eux, ils ne devraient plus être « frustrés » par les allocations. « Il faut rappeler que nos vins sont disponibles et gommer l’image des restrictions de volumes et des allocations que nous avions, malgré nous, promus au cours des derniers dix-huit mois ». Le BIVB va communiquer sur ces nouvelles disponibilités à l’avenir « à des prix accessibles » pour nos appellations « socles » (bourgogne, mâcon…).

Sur le long terme, le négociant rejoint la viticulture sur la nécessité de constituer des « réserves ». Il faudra déjà débloquer le « verrou physique », la capacité de stockage en premier et lever des « verrous psychologiques » : « quand sommes-nous vraiment en surstock ? », reconnaissant que le BIVB a « du mal à répondre » à cette question, malgré les travaux engagés par le pôle Marché et Développement ou avec les outils de gestion des ODG, pour tenter de déterminer les besoins futurs des marchés.

Le négociant se permettait même d’envisager « la contractualisation à long terme, outil intéressant », pour lisser les à-coups, bâtir une stratégie commerciale… Cependant, ce mécanisme reste « peu développé dans notre région », regrettait-il visiblement, « de même que la réserve interprofessionnelle », comme en Champagne.

Faisant appel à l’agronomie pour produire plus, le négociant a bien conscience que « les aléas climatiques se traduisent par des variations de prix trop marqués comme nous avons vécu ces dernières années ». En conclusion, « même si nous sommes encore très loin d’être en excédent », « notre Bourgogne a la chance de faire partie des vignobles français qui se porte plutôt bien » grâce à ses terroirs et la qualité de ses vins. Une allusion surtout à la crise qui frappe tous les autres vignobles de France en vins tranquilles, Champagne et Cognac n’étant pas concernés donc.

Une promesse qualité (prix) à ne pas oublier au risque sinon de voir les clients tester d’autres vignobles et appellations dont les prix sont désormais plus compétitifs.