Agriculture et plan de relance
Le gouvernement donne la priorité à la conversion écologique

Cédric MICHELIN
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Comme les autres activités économiques, l’agriculture est éligible au plan de relance à hauteur de 1,2 milliard d’euros sur les 100 milliards annoncés par le Premier ministre le 3 septembre. Il sera principalement affecté à la conversion vers une agriculture plus écologique et au développement des circuits courts ainsi qu’au plan protéines et à la forêt.

Le gouvernement donne la priorité à la conversion écologique
Jean Castex le Premier ministre lors de la présentation du Plan de relance.

« La France de 2030 devra être plus verte, plus respectueuse du climat. C’est pourquoi France Relance vise à accélérer la conversion écologique de notre économie et de notre système productif. La transformation de nos exploitations agricoles vers le bio et la qualité, l’investissement dans les énergies de demain comme l’hydrogène (saluer par la Région BFC, NDLR) sont aussi à l’ordre du jour […] La France devra être plus indépendante, plus compétitive, plus attractive. Il s’agit de ne pas dépendre des autres pour les biens essentiels, de ne pas risquer des ruptures d’approvisionnement critiques. France Relance a été conçu comme un accélérateur de souveraineté », notamment dans la santé et l’agro-alimentaire.

En introduction du document adopté en Conseil des ministres, le président de la République donne le ton sur le contenu agricole de ce plan. Sur les 100 milliards d’euros annoncés par le Premier ministre Jean Castex, 1,2 milliard est affecté à la filière agroalimentaire en donnant la priorité à l’agroécologie. Ainsi que l’a précisé le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, cette enveloppe vise, certes, à renforcer l’indépendance et la souveraineté de l’agriculture française mais surtout à accélérer la transition agroécologique et à lutter contre les effets du changement climatique.

Plan protéines, abattoirs, installations...

Sur le premier volet, l’indépendance et la souveraineté alimentaire qui « sera le fil rouge » de son action, le ministre a évoqué le plan protéines, attendu depuis longtemps et qui sera doté de 100 millions d’euros. Objectif principal : réduire les importations de soja en doublant notamment la superficie en légumineuses d’ici 2030. La filière bénéficiera également du Plan d’investissements d’avenir (PIA) recherche et développement, a précisé le ministre.

Sur ce volet, 250 millions d’euros seront affectés à la biosécurité et au bien-être animal. Le ministre a justifié cette enveloppe par « la sensibilité sociétale vis-à-vis des abattoirs ». Elle servira essentiellement à les accompagner dans leurs investissements de modernisation de façon à concilier « les injonctions sociétales aux réalités économiques de terrain », ainsi que les agriculteurs qui font des efforts en ce sens.

Dans ce volet également, Julien Denormandie a insisté sur le renouvellement des générations en agriculture. Pour la favoriser, le ministère de l’Agriculture va lancer une grande campagne de communication sur l’attractivité des métiers du vivant, de l’agriculture et de l’alimentation. Quant aux jeunes qui s’installent, ils bénéficieront gratuitement d’un diagnostic carbone de leurs sols qui permettra d’identifier les leviers d’amélioration. Les sols, par l’humus qu’ils emmagasinent, contribuent à la séquestration du carbone et à la lutte contre le changement climatique.

Prime à la casse

Mais pour le gouvernement, l’accélération de la transition écologique, deuxième volet du plan pour l’agriculture, passe surtout par le bio et l’agriculture à haute valeur environnementale (HVE). Le fonds bio sera doté de quelques dizaines de millions d’euros supplémentaires et les agriculteurs engagés dans la HVE seront éligibles à un crédit d’impôt. Surtout, les circuits courts, « qui ont été plébiscités pendant le confinement », selon le ministre de l’Agriculture, seront encouragés. « Je veux que nos concitoyens mangent des produits frais français », a-t-il insisté.

Interrogé sur RTL le 3 septembre, le Premier ministre, Jean Castex, a évoqué le développement des programmes alimentaires territoriaux (PAT) en précisant qu’il « faudra également permettre l’assouplissement des règles de la commande publique et établir des incitations financières pour que les collectivités locales puissent s’approvisionner près de chez elles ». Sur ce sujet, Julien Denormandie a annoncé un plan de soutien aux cantines scolaires pour atteindre l’objectif déjà fixé de produits bio ou de proximité dans les menus ainsi que le déblocage d’une enveloppe de 80 millions d’euros pour la structuration des filières en circuits courts.

Sur ce même chapitre, 50 millions d’euros seront également affectés à la plantation de haies qui permettent de stocker le carbone ainsi que la création d’une prime à la casse pour favoriser la conversion des agroéquipements chez les agriculteurs vers des matériels plus adaptés aux exigences environnementales (pulvérisateurs par exemple) (150 millions d’euros).

50 millions d’arbres

Quant au troisième volet, la lutte contre les effets du changement climatique, il vise à accorder une aide aux investissements, aux arboriculteurs et aux viticulteurs pour se protéger contre les aléas tels que des filets anti-grêle. 100 millions d’euros y sont consacrés. À cela s’ajoutent 200 millions d’euros pour le renouvellement et la plantation de 50 millions d’arbres sur une superficie de 45.000 hectares. Alors que la forêt piège le carbone, elle est aujourd’hui sinistrée par un certain nombre de ravageurs et par la sécheresse. Toutes ces opérations seront dotées « d’un financement additionnel » a tenu à préciser le ministre de l’Agriculture. Elles seront inscrites essentiellement dans le projet de budget de l’agriculture 2021 qui sera présenté dans quelques semaines, ainsi que celui de 2022. Elles bénéficieront pour certaines d’entre elles d’un soutien européen.

Le plan de relance agricole en bref

Accélération de la transition écologique au service d’une alimentation saine, sure, durable, locale et de qualité : 400 millions d’euros

Filières animales : modernisation, sécurité sanitaire et bien-être animal : 250 millions d’euros

Stratégie nationale sur les protéines végétales : 100 millions d’euros

Renouvellement des agroéquipements nécessaires à la transition écologique et à l’adaptation au changement climatique : 250 millions d’euros

Aide à la forêt pour s’adapter au changement climatique : 200 millions d’euros

Un premier pas vers la souveraineté alimentaire

Après l’annonce du plan de relance par le gouvernement, la FNSEA se montre relativement satisfaite de son volet agricole. Le plan de relance communiqué par le gouvernement intègre le secteur agricole. « C’est une première satisfaction pour la FNSEA qui l’avait fortement porté lors de sa première rencontre avec le Premier ministre ». Deuxième satisfaction les moyens qui y sont réservés. « La deuxième satisfaction concerne les moyens fléchés vers les exploitations agricoles, leur amont et leur aval. Un milliard d’euros est dédié à l’agriculture et il faut y ajouter les mesures transversales du plan de relance qui vont impacter très directement le secteur : relocalisation des industries agroalimentaires dans les territoires, investissements dans les technologies d’avenir, investissements dans les énergies décarbonées, plan de soutien à l’export, lutte contre l’artificialisation des sols… ». Pour la rue de la Baume, la plupart des secteurs d’avenir qu’elle avait identifiés se retrouve dans ce plan comme l’agriculture de précision, les protéines, les énergies vertes, le numérique… Au final, « les mesures du plan de relance constituent donc, non pas un aboutissement, mais une étape pour tendre vers l’objectif de souveraineté », poursuit le syndicat. Celles-ci visent à moderniser les outils de production, à accompagner les agriculteurs dans la transition agroécologique et dans l’adaptation dans la lutte contre le changement climatique, à relocaliser la production, à créer des emplois dans les territoires et à identifier de nouvelles opportunités économiques. Les priorités étant pour la FNSEA, l’agriculture de précision et les outils du numérique, le développement des énergies renouvelables issues de la biomasse, la recherche et l’innovation dont le développement de produits de biocontrôles et des autres alternatives nécessaires à la transition agroécologique de la Ferme France. « La voie de la souveraineté est maintenant tracée, mais il faut que l’intendance suive », conclut la FNSEA.

« Passer aux travaux pratiques »

Le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Julien Denormandie est allé le 4 septembre à Saint-Martin-des-Noyers (Vendée) pour parler du plan de Relance. Joël Limouzin, président de la Chambre d’agriculture de Vendée, a accompagné le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, dans sa visite de l’entreprise Carré (100 salariés, 14 millions d’euros de CA) leader du désherbage mécanique et lauréat du dernier Salon de l’agriculture pour un robot de désherbage. Le fil conducteur de cette visite s’inscrivait dans le plan de relance, en particulier dans son volet innovation et transition écologique que représente, à cet égard, l’entreprise vendéenne. L’idée sous-jacente est que les agriculteurs puissent utiliser des outils mécaniques et limiter les intrants, jugés nocifs à l’environnement. Certes les agriculteurs pourront être éligibles aux aides de l’Etat en investissant dans ce nouveau type de matériel plus écologique. Cependant, le ministre a bien pris soin de ne pas opposer les deux systèmes (conventionnel et bio) conscient, comme le souligne Joël Limouzin que « les techniques de culture simplifiée (‘TCS), ne règlent pas tout ». Le ministre souhaite en effet converser la souveraineté alimentaire du pays, « une souveraineté d’indépendance », qui corresponde aux différents engagements français et européens à l’image de la Loi Egalim, « de la ferme à la table » et « Biodiversité 2030 ». Afin que la transition écologique soit efficace, « elle devra aussi se conjuguer avec de nombreux facteurs », a insisté Joël Limouzin. Il faut, pour lui, partir du postulat que cette transition devra assurer un revenu décent aux agriculteurs. Il faut aussi assurer le renouvellement des générations et faire rimer transition écologique avec transition démographique. Pour cela, Julien Denormandie veut « accentuer les efforts sur la recherche ». Pour orienter les exploitations vers une agriculture toujours plus respectueuse de l’environnement, « il faudra changer de point de vue sur le stockage de l’eau. En Vendée, les deux-tiers des irrigants sont des éleveurs et pas des céréaliers. C’est dans ce type d’exploitations que l’on trouve le plus de conversion en bio », a Joël Limouzin, appelant le ministre de l’Agriculture « à passer aux travaux pratiques ».