Gestion des risques
Aléas climatiques : une mutation profonde s'impose

La réunion organisée par le monde agricole régional avec le député du Val-de-Marne Frédéric Descrozaille, président du groupe de travail sur la gestion des risques en agriculture, a mis en perspective la Bourgogne Franche-Comté dans le contexte de changement climatique. Elle a aussi révélé la nécessité d’évoluer dans l’approche de la couverture des risques liés aux aléas climatiques.

Aléas climatiques  : une mutation profonde s'impose
Ce tableau présente des hypothèses de niveau d’intervention de l’État et des assurances en cas d’aléas climatiques et en fonction des différentes activités agricoles concernées. Il n’y a rien de définitif dans ce qui est présenté là mais ces pistes peuvent nourrir la réflexion.

Pour l’agriculture de Bourgogne Franche-Comté (BFC) la question n’est pas de savoir si elle doit évoluer face au changement climatique, qui devient chaque jour un peu plus concret et se traduit par des aléas aux conséquences parfois graves, mais de définir les modalités d’une évolution devenue inéluctable. Parmi les éléments sur lesquels un changement d’approche fort s’impose, figure la gestion du risque climatique, et donc du système assurantiel. L’État a pris le sujet en main et une loi sur la question est en préparation. C’est pour faire le point sur ce que va signifier cette évolution que la FRSEA BFC, JA BFC et la Chambre régionale d’agriculture ont organisé, le 28 septembre, une réunion en visio.

« Emmener tout le monde »


Les représentants professionnels de l’agriculture régionale ont pu y échanger avec le député (LREM) du Val-de-Marne, Frédéric Descrozaille, qui préside le groupe de travail sur la gestion des risques en agriculture, et qui est l’auteur d’un rapport sur la question, remis au ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Julien Denormandie, fin juillet. Pour Christophe Chambon, président de la FRSEA BFC « nous sommes prêts à nous investir dans la gestion des risques, mais à la condition d’emmener tout le monde, que tous les agriculteurs de la région puissent être intégrés dans le système assurantiel qui sortira de l’évolution législative… ». Cet aspect est au cœur du problème, comme l’a souligné Frédéric Descrozaille. Selon le député, l’évolution qui se dessine va impliquer un changement de mentalité et de regard sur la nécessité de s’assurer. Un changement qui ne va pas se produire d’un claquement de doigts et qui va réclamer une prise de conscience sur le terrain : « Nous comptons énormément sur l’implication des représentants du monde agricole pour que le dossier avance ». C’est d’autant plus vrai que, comme le soulignait Sylvain Marmier, du comité d’orientation économique au sein de la Chambre régionale d’agriculture, « en matière de gestion des risques, il ne peut y avoir une réponse unique et il faudra donc que l’assiette des cotisants soit la plus large possible ».

Des objectifs ambitieux


Concrètement, le Plan stratégique pour la réforme des calamités agricoles et le développement des assurances récoltes que Frédéric Descrozaille a remis fin juillet est prévu pour s’appliquer sur 7 ans (2023-2030). Il se fixe des objectifs en termes de couverture assurantielle, de l’ordre de 60 % d’assurés en grandes cultures, ou encore de 30 % en prairie. Un véritable challenge lorsqu’on sait qu’aujourd’hui, sur les prairies, l’assurance concerne moins de 1 % des exploitants. « Il faut bien avoir à l’esprit, précise le député, que ce plan, qui s’inscrit dans la cohérence du Varenne de l’Eau, est pensé pour l’agriculture de demain, qui va devoir s’adapter au changement climatique. L’État a prévu une enveloppe de 600 millions d’euros pour ses interventions, pour l’année 2023. Quant aux assureurs, le sujet pour eux est de définir ce qui n’est plus assurable ». Dans un tableau (voir illustration) qui n’est pour l’heure qu’une hypothèse de travail, on découvre qu’un taux de subvention de 70 % serait assuré par l’État afin d’inciter les agriculteurs à recourir à l’assurance. Dans la même logique, le niveau d’indemnisation des non-assurés (dernière ligne du tableau) se réduirait au fil des années. Le choix est clairement de pousser plus d’agriculteurs à s’assurer. « On va aller sur un modèle, poursuit le député, qui joue la complémentarité entre assurances et État, mais avec la nécessité de s’assurer beaucoup plus. Cela va impliquer un changement de mentalité alors que jusqu’à présent, on considérait que c’était uniquement à l’État d’indemniser les aléas climatiques ».

Disposer d’indices fiables


Le schéma qui se dessine, s’il reste encore largement à peaufiner, soulève tout de même des interrogations, par exemple sur la manière d’évaluer les pertes de production d’une prairie, alors qu’on peut y faire plusieurs coupes. Pour Frédéric Descrozaille : « il faudra sans doute avoir recours à un système indiciaire et disposer d’un indice fiable sur la pousse d’herbe… ». Un objectif plus facile à exprimer qu’à concrétiser, tant les avis semblent partagés sur les outils existants. Damien Brayotel, président de la FDSEA de l’Yonne, insistait pour sa part sur la nécessité d’imaginer un système assurantiel qui reste attaché à chacune des cultures d’une exploitation, plutôt qu’à une prise en compte globale de moyennes, précisant que, dans son département, « les rendements sont en très forte chute depuis dix ans ». « Il ne faut pas traîner sur ce dossier, ajoutait-il, parce que les élections présidentielles arrivent ». Frédéric Descrozaille s’est voulu rassurant en précisant que la loi était en cours d’écriture. Jean-Marie Hervé, le secrétaire général de la FDSEA du Jura, rappelait la nécessité de définir une feuille de route pour travailler sur le coût de la sécheresse, par rapport à la perte de fourrage, mais aussi en raison de la nécessité d’en acheter : « le coût de l’incident climatique se trouve alors démultiplié ! » En guise de conclusion, Frédéric Descrozaille soulignait que sur le débat entourant la réforme assurantielle, il faudra aussi, tôt ou tard, que les acteurs de l’aval des filières agricoles prennent leur part du travail à accomplir : « il va falloir demander aux acheteurs comment ils comptent s’adapter à ce qui se dessine pour l’avenir et faire le lien avec les contractualisations ».

Berty Robert