Diversification
La châtaigne du Morvan se réinvente

Marc Labille
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Dans le Morvan, plusieurs agriculteurs relancent la production de châtaignes en misant sur la transformation et la vente directe. Des projets encouragés par le Parc Naturel Régional qui veut à tout prix diversifier les ressources agricoles du territoire.

La châtaigne du Morvan se réinvente
Avec son associé, Anselm Ibling transforme déjà 400 kg de châtaignes par an. Désireux de développer la production, il crée sa propre châtaigneraie et espère faire profiter de ses investissements à d’autres producteurs.

Natif d’Allemagne devenu apiculteur près d’Arnay-le-Duc (21), Anselm Ibing est aujourd’hui associé à Romain Gemble, sur le versant sud du Mont-Beuvray côté Nièvre. Avec son épouse, Anselm avait eu l’occasion de découvrir une crème de châtaigne fabriquée par la Ferme des Vignes à La Grande-Verrière. Ce produit délicat avait immédiatement intéressé le couple qui a voulu se lancer dans cette transformation en louant une châtaigneraie près de La Grande-Verrière. Depuis, avec un associé, Anselm Ibing a repris une ferme à Larochemillay (58) avec le projet de se diversifier dans les pommes, les châtaignes et les petits fruits.

Châtaignes transformées en crème

Fourmillant d’idée, le jeune agriculteur aimerait être moteur dans le développement de la production de châtaignes du Morvan. Pour l’heure, son exploitation transforme environ 400 kg de châtaignes par an. Des fruits qui proviennent d’une châtaigneraie louée et de ramassages. Il se transformerait un peu plus d’une tonne de châtaigne par an dans le Morvan aujourd’hui.

Anselm Ibing et son associé ont investi dans une éplucheuse. Les châtaignes sont épluchées avant d’être conduites vers un laboratoire de transformation loué à la journée à Saint-Léger-sous-Beuvray. Là, les châtaignes sont cuites en vrac dans de l’eau avant d’être sucrées puis tamisées. La crème de marrons obtenue est conditionnée en pots de conserve qui sont ensuite appertisés à l’autoclave.

Marrons séchés

Outre la crème de marrons, Anselm aimerait se diversifier dans le séchage des châtaignes. « Le fruit se sèche entier avec sa peau. Une fois sec, il peut se conserver longtemps et est facile à éplucher. Il peut être réhydraté comme un pois chiche. Ses brisures peuvent être utilisées comme riz de châtaignes. On peut aussi en faire de la farine », détaille Anselm.

Une filière à développer

Les associés créent leurs propres châtaigneraies sur des parcelles qu’ils ont achetées. Ils ont fait greffer de jeunes châtaigniers sauvages qui se sont semés tout seuls dans une ancienne plantation de douglas. « Le greffage accélère la fructification et les châtaignes sont plus grosses », fait valoir l’exploitant. Espacés de 15 m pour une densité d’environ 40 arbres par hectares, ces châtaigniers devraient côtoyer d’autres productions à leurs pieds (cassis, noisetiers, blueberry, etc.). La structure comptera à terme 6 ha de pommiers et 1,5 ha de châtaigniers associés à des petits fruits. Son outil de transformation pourrait servir à d’autres producteurs, fait valoir Anselm qui envisage une diversification dans ce sens.

L’avenir du Morvan passe par la diversification

Ce serait les romains qui auraient introduit le châtaignier dans le sud du Morvan. Cette essence est bien présente dans le paysage et la culture morvandelle, comme en témoigne le secteur du Beuvray avec ses châtaigniers bien visibles dans les haies, le bocage, les forêts. La fête des marrons à Saint-Léger-sous-Beuvray en est tout un symbole. Le châtaignier représente une ressource pour son bois (construction, meubles, piquets, etc.). Ses fruits sont très prisés des ramasseurs qui les consomment en légumes, soupe, gâteaux, crème… La farine de châtaigne peut même servir à faire du pain. Ancrée dans les traditions, la châtaigne morvandelle ne faisait pourtant pas l’objet d’une production digne de ce nom. Et ce, en dépit de quelques initiatives louables émanant d’un syndicat des producteurs ou du Parc du Morvan. Mais depuis quelques années, des projets de transformation de châtaignes voient le jour. L’un des premiers d’entre-eux fut celui de la Ferme des Vignes à la Grande-Verrière. Aujourd’hui, plusieurs agriculteurs se lancent dans la transformation de châtaignes et créent des châtaigneraies. Le Parc naturel régional du Morvan les accompagne, soucieux de la diversification de l’agriculture du territoire. Il encourage l’émergence de nouvelles filières à l’image des porcs plein-air du Morvan et de la tomme fromagère Cabrache. Parmi les autres projets suivis par le parc, figure aussi la relance des cultures de céréales anciennes et de pommes de terre. La production de fruits et de petits fruits est également encouragée dans le cadre d’un projet alimentaire territorial. Le territoire du parc pourrait aussi fournir de la bière locale, du vin et même du whisky, informe le président du PNR Sylvain Mathieu.

Olivier Sablot à Saint-Léger-sous-Beuvray
Olivier Sablot se lance dans la production de châtaignes sur les pentes du Beuvray.
Cabrache de brebis, châtaignes et noix

Olivier Sablot à Saint-Léger-sous-Beuvray

Originaire de Saulieu (21), Olivier Sablot a pourtant navigué pendant 20 ans sur les mers du monde ! Sans rompre avec ses racines morvandelles, le jeune homme s’était formé au Havre pour intégrer la marine marchande. Après une expérience riche dans un métier hors du commun, la quarantaine passée, Olivier a souhaité se poser. Avec sa compagne et ses enfants, ils ont trouvé une fermette à restaurer sur les pentes du Mont-Beuvray avec 18 hectares de bois et de prés. Sur ces terrains montagneux, Olivier a eu envie de créer une activité agricole avec un projet d’atelier ovin laitier avec transformation en fromage et vente directe.

Le cheptel se compose de 66 brebis basco-béarnaises. C’est une race laitière rustique que des éleveurs utilisent déjà dans la région, fait valoir l’exploitant. Les brebis seront traites avec un équipement mobile, car une route très passante sépare les prairies de la ferme, présente-t-il. Adroit de ses mains, Olivier s’est construit lui-même sa salle de traite à partir d’une vieille bétaillère. La machine suivra les brebis au pré à la belle saison et elle sera installée près de la bergerie en hiver.

Bergerie et fromagerie seront aménagées sous les anciens corps de ferme rénovés. Olivier produira de la Cabrache, la nouvelle tomme du Morvan ainsi que des yaourts qu’il commercialisera dans un magasin de vente directe à la ferme. Cette dernière est idéalement située sur la route qui mène à la célèbre cité de Bibracte, en plein Grand Site de France.

L’autre projet d’Olivier est de produire des châtaignes et des noix. Il a planté ses premiers arbres il y a cinq ans. Espacés de dix mètres les uns des autres en quinconce, noyers et châtaigniers occupent des prairies qui sont pâturées par les ovins. La production de noix et de châtaignes devrait intervenir au bout de 10-15 ans. Et si elle ne devait être qu’un appoint à la production fromagère dans un premier temps, elle pourrait à terme rapporter plus à l’hectare que le lait de brebis, estime Olivier.