Département de Saône-et-Loire
Des pics de chaleur jusqu’à 55°C !

Cédric Michelin
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Du 28 novembre au 2 décembre, le Conseil départemental de Saône-et-Loire a tenu son premier Forum Agriculture et changement climatique. Avec la volonté d’accompagner et d’aider les agriculteurs et viticulteurs à s’adapter (lire notre précédente édition), et avant de donner des exemples lors de 7 portes ouvertes (dans nos prochaines éditions), l’ingénieur agronome, Bruno Parmentier a expliqué l’horizon à 2050. Cela s’annonce chaud !

Des pics de chaleur jusqu’à 55°C !
Bruno Parmentier ne rassurait pas sur l'impact du changement climatique sur nos agricultures...

« Notre agriculture arrive à un tournant face au changement climatique. On a besoin de tout le monde », débutait Frédéric Brochot, vice-président du Département en charge de l’agriculture. Même message pour sa collègue, vice-présidente en charge de l’Environnement, Catherine Amiot sur l’urgence « d’impulser une dynamique à l’échelle des territoires, à commencer par comprendre et bien cerner les problèmes ». C’était exactement pour cela que le Département avait demandé à l’ingénieur agronome, ancien directeur de l’école supérieure d’agriculture d’Angers, de venir planter le décor « à court, moyen et long termes ». Ce qu’il fit pendant 2 heures passionnantes. Filmée, la vidéo sera bientôt partagée gratuitement en ligne, volonté du président Accary de partager un maximum les connaissances de ce Forum pour que chacun trouve encore plus de solutions. Car il y en a !

+200.000 habitants/jour

Mais avant, qui dit changement climatique, dit échelle mondiale. « La planète se réchauffe, l’agriculture est la profession qui va en souffrir le plus, en être la principale victime », débutait Bruno Parmentier qui rassurait immédiatement, sur le sort de la France et de la Saône-et-Loire en zone « tempérée ». Avec une population en croissance, et des zones devenant incultivables de par le monde, même si de nouvelles apparaissent, « il faudra produire à manger malgré tout et les agriculteurs sont les seuls à pouvoir nous sauver », saluait-il, « et pas les traders » fustigeait-il en référence à la Cop27 au Qatar.
Agronome dans l’âme, le défi ne lui fait pas peur, bien au contraire. « Tout ce qu’on a enseigné depuis 100 ans ne marche plus. Alors, on se retrousse les manches et on demande aux ingénieurs de bosser ».

Sur l’équation de base déjà. Avec un milliard d’humains sur terre en 1800, 2 en 1930, 3 en 1944,… et « 4 bébés/sec, 360.000 naissances/jour », la planète bleue va probablement franchir les 11 milliards d’êtres humains, avant de redescendre « doucement ». Avec 160.000 décès/j, la hausse réelle est de 200.000 habitants en plus par jour, soit 75 millions/an. Une hausse de +1,1 %. « Donc le mot d’ordre est d’augmenter la production agricole d’autant ». Car, on ne va pas se mentir, Bruno Parmentier ne croit pas à la décroissance et au véganisme généralisé même s’il ne mésestime pas le rôle de l’élevage dans le réchauffement climatique.

Un monde plein de paradoxes

En 2050 toujours, l’Afrique comptera autant d’habitants qu’en Inde et en Chine aujourd’hui (2,5 milliards). « Problème, l’Afrique va avant morfler avec le climat », prévenait-il. Côté Chine, si la seule alimentation était avant le riz « ou rien », les paysans sortants de la pauvreté deviennent « carnivores : cochons, poulets, bœufs… ». « Heureusement, ils n’aiment pas le lait », ironisait-il car à l’inverse, les Indiens en raffolent, à défaut de « manger des vaches ».
Reste que comparativement, le « Bourguignon est un désastre pour la planète avec sa gastronomie : charcuterie, viande, fromages, desserts aux œufs ». Dans son style décapant, Bruno Parmentier se faisait cynique. « Heureusement qu’il y a les interdits religieux et la pauvreté ». Car, oui, les marchés de l’offre et de la demande ne fonctionnent qu’avec une demande… solvable.

Ou déjà, limiter le gâchis. Bruno Parmentier s’interrogeait sur la réalité des aides occidentales envers les pays en développement : « en 70 ans, où sont les silos à grains, les tanks à lait réfrigérés à l’énergie solaire… pour les aider à conserver le peu qu’ils ont ? ». Pas mieux, dans l’hémisphère Nord où « on jette 1,3 milliard de tonnes d’aliments par an, soit le tiers. Les riches gâchent plus que les pauvres », rappelait-il.
Toujours est-il qu’en 2050, il faudra augmenter la production agricole de +70 % « et pas de la même ampleur selon le continent ». Multiplié par 5 en Afrique – « impossible » -, par 2,4 en Asie, par 2 en Amérique du Sud… et par 0,91 en Europe qui va voir sa population vieillir, avec moins d’enfants et plus d’obèses.

Réaliser l’exploit passé

Là encore, Bruno Parmentier se montrait confiant. « +70 %, entre 1961 et 2020, l’Europe l’a fait ». Prenant l’exemple de la France, les rendements en blé ont triplé, multiplié par 5,4 en maïs ou en volailles… Ces exploits seront-ils faisables à l’avenir ? C’est là où le changement climatique vient compliquer la donne. « Les années chaudes sont devant nous », à plus d’un titre. Il listait les sept plaies climatiques (cyclones…). Mais la France va elle devoir faire face surtout à « des canicules et sécheresses plus fréquentes ». 33 jours de canicules ont été recensés en 2022. Il y en aura 45j d’ici la fin du siècle avec des « pointes à 55°C, soit la zone la plus chaude de France » en 2050, alertait Bruno Parmentier. La Saône-et-Loire va donc fortement souffrir car aux canicules se rajoutent des sécheresses. Mais aussi les excès d’eau ! Il posait clairement la question de la gestion de l’eau à l’avenir car « la mer n’a pas soif ».
« En Saône-et-Loire, il pleuvra pareil en mm mais avec plus d’inondations et moins de pluie l’été ». Pour l’agronome, rien de mieux que de stocker l’eau dans les sols, haies…
Autre fléau, les maladies des pays chauds et les risques sanitaires vont remonter. Le « pire tueur d’humains » n’est pas « Poutine mais le moustique », relativisait-il avec 800.000 morts/an avec les virus (chikungunya, dengue, zika…). Côté animal et végétal, la liste va s’agrandir aussi (leptospirose, fièvre de la vallée du Rift…). « Dans un climat humide et chaud, sans migration des cultures, ce sera bien plus difficile ». Les rendements dans le monde risquent de chuter (riz, café…) « sauf chez nous à condition qu’on se décarcasse », nuançait-il pour l’agriculture « au Nord de Valence ». Tirant à grands traits des conclusions hâtives, pour autant, « le maïs est compromis sans irrigation, le blé souffrira et les forêts à l’Est risquent l’incendie ».

Éloge de l’extensif plus plus

À ce stade de sa présentation, le moral du public à Charolles n’était pas au mieux. Quelles solutions ? Choisir de manger des fruits et légumes locaux et de saison. Passer du « bœuf carotte aux carottes au bœuf ». Revenir au jambon beurre, « 17 fois moins de CO2 que le double cheeseburger »… Sinon, « pas de problème pour produire de la viande pas cher », disait-il sérieusement en montrant des images de feed-lots ou d’un immeuble de 26 étages avec 600.000 porcs élevés dedans en Chine. Imbattable économiquement mais risqué.

Car son autre argument est aussi de mieux répartir les élevages. Moindre qu’en Bretagne, néanmoins, « 13 départements ont plus de vaches que d’habitants, est-ce bien raisonnable ? », invitait-il à diversifier (poulets, porcs…). Et pas trop de triomphalisme avec nos zones herbagères et élevages extensifs « aux haies riquiquis, taillées comme le faisait grand-père ».
Car, la solution vient surtout du côté des cultures végétales. Un hectare de champs nourrissait 2 personnes schématiquement contre 5 aujourd’hui. « La productivité n’est pas un gros mot ». Celui qui l’est, c’est l’artificialisation. Pas suffisante, l’agriculture Biologique. Car pour Bruno Parmentier, le blé Bio « à 35 qtx/ha – contre 75 en moyenne – ne va pas nourrir les Égyptiens ».

L’alliance de la modernité avec la Nature

Pour autant, il en convient la « révolution verte sera de faire plus avec moins », plaidant lui pour que le XXIe siècle soit celui des « biotechnologies ». Avant de reprendre les interminables polémiques sur les OGM, son autre solution est plus consensuelle. L’absorption du CO2 par les plantes. « C’est la lutte d’un milliard de paysans qui plantent et qui refixent le gaz carbonique de 8 milliards d’irresponsables », fustigeait-il. Et pas question pour lui de cultiver « pour rouler avec des biocarburants ou à l’huile de palme ». Sa solution, planter des arbres, développer les haies, couvrir en permanence les sols… En somme, « passer à une agriculture écologiquement productive », sans se priver des robots, de l’agrivoltaïque, du labour, de la chimie… mais avec aussi les auxiliaires, les bactéries, les champignons… Sans non plus écarter l’aquaponie, l’élevage d’insectes…
« L’agriculture moderne commence maintenant, et ce, grâce à l’alliance du génie Humain avec la Nature ; au lieu du bras de fer » passé, concluait-il laissant ainsi libre à chacun d’imaginer les solutions et futurs possibles.