Filières viandes
La nouvelle jeunesse de la boucherie artisanale

En dépit d’un contexte économique difficile, la profession maintient ses parts de marché. Le résultat d’un travail de valorisation de l’élevage et des viandes appréciées des consommateurs, mais aussi de transmission des savoir-faire.

La nouvelle jeunesse de la boucherie artisanale

Rassemblés à Paris les 17 et 18 novembre pour célébrer les 130 ans de la Confédération française de la boucherie (CFBCT), les artisans bouchers ont témoigné pendant deux jours du dynamisme d’une profession naguère promise au déclin. « Notre métier a traversé toutes les crises du passé en s’appuyant certes sur son savoir-faire spécifique, mais aussi en cultivant ses liens directs avec les éleveurs d’une part et les consommateurs d’autre part, et en s’investissant dans la transmission aux nouvelles générations », a expliqué Jean-François Guihard, président de la CFBCT depuis 2017 (et d’Interbev depuis 2021) lors d’un événement qui a réuni plus de 400 professionnels de toute la France.

En dépit de la concurrence de la grande distribution, des crises sanitaires comme l’ESB ou des difficultés de recrutement, le tissu des artisans reste très solide, avec un réseau de 18.000 artisans-bouchers à travers la France et un poids économique considérable dans la filière. « Pour le groupe Bigard, ce réseau pèse plus lourd, en volume de viandes commercialisées (hors produits élaborés) que celui des grandes et moyennes surfaces, avec plus de 3.000 tonnes par semaine », a témoigné Emmanuel Meunier, directeur commercial proximité chez le n°1 de la viande en France. À lui seul, l’artisanat valorise 11 % des volumes totaux de viande de gros bovins en France (contre 38 % à la GMS) selon l’étude « Où va le Bœuf » réalisée en 2023 par l’Idele.

À l’occasion de cet anniversaire, Jean-François Guihard s’est félicité pour l’inscription il y a quelques semaines « des savoir-faire de la découpe bouchère à la française au patrimoine culturel immatériel français » par le ministère de la Culture (lire encadré). « C’est le fruit de la mobilisation de toute notre communauté et d’un long travail réalisé par notre comité scientifique », a souligné le boucher morbihannais, qui compte s’appuyer sur cette reconnaissance pour « participer à la sauvegarde des savoir-faire du métier ». Le président de la CFBCT a annoncé que la profession comptait monter un dossier pour obtenir une reconnaissance internationale auprès de l’Unesco.

Un métier en voie de féminisation

En matière de transmission, la profession fait également preuve d’un grand dynamisme. Le nombre d’apprentis et de personnes en reconversion professionnelle accueillies à l’École nationale supérieure des métiers de la viande, pilotée par la profession, a considérablement augmenté ces dernières années. La profession a investi pas moins de 4 M€ pour en rénover les installations de fond en comble et ouvrir l’enseignement à l’apprentissage virtuel. Le métier, jadis très masculin, est également en voie de féminisation.

Enfin, dernière illustration de l’ambition de la boucherie à la française, c’est Paris qui accueillera, les 30 et 31 mars 2025, la prochaine édition de la Coupe du monde de la boucherie. L’équipe de France sera notamment emmenée par le rennais Nolwenn Courau, médaille d’or aux « worldskills » mondiales à Lyon, olympiade internationale des métiers.

Boucher, une définition à revoir

La Confédération de la boucherie (CFBCT) compte engager une démarche auprès de l’Académie française pour qu’elle actualise dans son dictionnaire, la notice du mot « boucher », défini aujourd’hui comme étant « celui qui abat des bœufs, des moutons, etc. » et assimilé, au figuré, à « un chirurgien maladroit » et à « un chef militaire à qui l’on impute la responsabilité d’un combat inutile et sanglant ». Des qualifications qui posent « un réel problème » à la profession, qui propose la définition suivante de l’artisan-boucher : « artisan qui sélectionne et achète des bêtes sur pied ou en carcasse, les découpe selon le savoir-faire acquis auprès d’un maître d’apprentissage et vend à ses clients des pièces de viande adaptées à leurs souhaits ».

La découpe bouchère française au patrimoine culturel immatériel

« Les savoir-faire de la découpe bouchère à la française » ont été inscrits à l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel. Ceux-ci reposent, selon la fiche d’inventaire publiée par le ministère de la Culture, « sur des techniques artisanales » qui « consistent matériellement en une reproduction d’une série de gestes précis, afin de valoriser au mieux la diversité des muscles d’une carcasse et leur emploi, en faisant appel à une connaissance anatomique poussée ». Contrairement aux pratiques d’autres pays, en France, l’artisan boucher travaille en effet à l’horizontale, la carcasse reposant alors sur un plan de travail, le billot et chaque étape de la découpe « convoque une combinaison d’outils, de compétences et de sens ». Le président de la Confédération de la boucherie, Jean-François Guihard, à l’initiative de ce projet, s’est félicité pour cette reconnaissance pour les 18.000 bouchers français. Les promoteurs du projet se sont engagés à engager des mesures de sauvegarde, et notamment de développer « les relations et les échanges entre les apprenants dans les différents métiers de la filière viande (futurs éleveurs, bouchers, cuisiniers…) » et « à faire connaitre la diversité des morceaux ».