Les mélanges de céréales sont-ils appelés à se développer ?
Attendue par certains opérateurs, l’évolution de la réglementation a permis, depuis juin 2018, de commercialiser des mélanges de semences de céréales. Si les agriculteurs peuvent y voir une utilité pratique, des freins existent en matière de production et de débouchés.

En 2018, 400.000 hectares de surfaces de blé étaient cultivés en mélanges, a indiqué Philippe du Cheyron, ingénieur chez Arvalis, à l’occasion de la Rencontre filière Semences Céréales et protéagineux, organisée par le Gnis. Si une bonne partie de ces semences sont probablement des semences de ferme, la tendance est en croissance également pour les semences certifiées. « Chez Epilor, la demande existe depuis deux ans, elle n’est pas énorme, mais on ne peut pas l’ignorer, surtout dans un contexte où la vente de semences certifiées n’est pas en augmentation », explique Céline Canet, directrice d’Epilor-Semences. Pour elle, ces niches de marché ne sont pas à négliger, d’autant que les fournisseurs peuvent, par leur expérience, proposer des mélanges les plus adaptés possibles au projet et au terroir de l’agriculteur.
L’intérêt des mélanges
« Pour moi, la première motivation, c’est l’aspect pratique », explique Luc Vermersch, agriculteur qui a réalisé ses premiers semis en mélange l’automne dernier. Mais les mélanges de céréales ont aussi des avantages dans la résistance aux pathogènes : la diversité génétique complique la tâche à un pathogène spécialisé, par exemple. « C’est dans les situations à forte pression maladie que l’on voit les meilleures performances des mélanges », explique Philippe du Cheyron, avec des résultats probants pour les rouilles (mais beaucoup moins sur les septorioses). Pour certaines utilisations, « les mélanges de plusieurs variétés répondent la plupart du temps aux problèmes de variabilités – climatique, différence entre les parcelles… » indique Philippe Camburet, secrétaire national « Grandes cultures et semences » de la FNAB. « Bien sûr, on va perdre un peu de potentiel de production, mais l’intérêt est aussi d’apporter de la biodiversité dans nos parcelles », poursuit-il.
Quel marché ?
Néanmoins, du côté des débouchés, ce n’est pas forcément évident de valoriser les mélanges, par exemple pour la meunerie : « l’hétérogénéité est difficile à gérer. On se pose la question de la maturité globale du champ au moment de la récolte, puisque certaines variétés, en fonction de l’année, n’arrivent pas à maturité au même moment dans le même champ, ce qui peut entraîner des problèmes de taux de chute de Hagberg », explique François Guion, responsable Matières premières à l’Association nationale de la meunerie française (ANMF). Même réticence pour Philippe Heusele, président de France Export céréales, qui estime que « techniquement, ça n’apporte pas grand-chose, mais cela amène beaucoup d’inconvénients notamment sur certains critères importants pour nos marchés ». Cependant, au-delà de la meunerie, des demandes existent en alimentation animale, ou en agriculture biologique, avec en ligne rouge, les blés de population, indique Philippe Camburet. Quoiqu’il en soit, si les mélanges trouvent un débouché, ils devraient être amenés à se développer. « Je sais que ce ne sera pas demain l’ensemble du marché, mais avec les cours du blé actuels, tout ce que l’on peut gagner sur chaque poste, on va le gratter », souligne Luc Vermersch.