Sorgho fourrager
Les essentiels pour réussir cette culture

Économe en intrants et plus tolérant à la sécheresse que le maïs, le sorgho fourrager est une plante prometteuse. Pour réussir sa culture, il est néanmoins important de bien choisir la variété adaptée à son propre contexte pédoclimatique et à ses objectifs, de semer sur un sol suffisamment réchauffé et de soigner la qualité d'implantation en ajustant la densité de semis.

Les essentiels pour réussir cette culture
La culture du sorgho fourrager gagne du terrain chaque année.

Le 11 décembre dernier, Arvalis-Institut du végétal a consacré un webinaire au sorgho fourrager. Comme l’a souligné Jean-Luc Verdier, qui anime cette filière au niveau national, « le sorgho (Sorghum bicolor) est une espèce de graminées originaire d’Afrique de l’Est, de la région du Soudan ou de l’Éthiopie, qui présente certains atouts : plutôt économe en intrants, elle fait l’objet de recherches variétales de la part des semenciers ce qui permet des progrès génétiques en termes de productivité et de valeur fourragère. C’est une plante relativement moins sensible que les autres aux déficits hydriques, avec des variétés très diverses dans leurs profils, et qui peut donc répondre à différentes utilisations ». Le spécialiste a ainsi donné quelques critères permettant de distinguer les deux sous-espèces principales, le sorgho bicolore, monocoupe et le sorgho du Soudan (ou Sudan grass), multicoupe, et à l’intérieure de la première, les variétés à graines, les fourragers (ou sucriers), les BMR (Brown mid rib : nervure principale brune) moins ligneux, les PPS (sorghos sensibles à la photopériode)…

Plus de 30.000 hectares cultivés en France

« C’est une espèce riche et diversifiée, qui connaît un engouement de plus en plus important : si, historiquement, on la trouvait surtout dans les départements méridionaux, elle s’est développée au nord de la Loire ces dernières années. Les statistiques officielles ne différencient pas les différentes sortes de sorghos (grains, ensilage, utilisation industrielle…), mais les données des semenciers nous permettent d’évaluer à 26 % des 120.000 hectares implantés en France la part des sorghos fourragers. Ça représente donc plus de 30.000 ha en 2020, un record historique ».
Du fait de son origine tropicale, la plante a d’importants besoins en température. « C’est une des données à prendre en compte pour choisir les variétés adaptées, dans le groupe de précocité qui correspond à son contexte pédoclimatique », insiste Jean-Luc Verdier, illustrant son propos par une carte de France présentant les différentes zones climatiques au regard des statistiques météorologiques. Ainsi dans l’Yonne, dans le secteur d’Auxerre, les 1.800 °C cumulés en base 6 permettent d’envisager une récolte sous forme d’ensilage fin septembre-début octobre huit années sur 10. « Le catalogue distingue deux groupes de variétés, au regard de leur précocité, moyenne ou plus tardive. Le rapport entre rendement et valeur fourragère, en UFL, est un second élément de comparaison pour décider du choix variétal, pour une utilisation plutôt alimentaire ou la recherche d’une productivité élevée à l’hectare pour la méthanisation ».

Soigner l’implantation

L’ingénieur Arvalis est ensuite revenu sur les étapes clés de la réussite de la culture. « Une grosse partie se joue à l'implantation, début mai à mi-mai : on est sur une petite graine, qui a peu de réserves, moins de vigueur au démarrage que le maïs par exemple, et de forts besoins de chaleur, d'où l'intérêt de soigner l'implantation avec un sol obligatoirement à plus de 12 °C. C'est un élément qui explique des échecs et de mauvaises qualités de levée ». Les variétés mono-coupe se sèmeront de préférence au semoir monograine, à faible profondeur (3 cm) pour privilégier une bonne régularité et respecter les préconisations en termes de densité. « Le respect de la densité est une variable importante à maîtriser, à ajuster en fonction de la réserve hydrique de la parcelle, car la surdensité favorise la survenue de verse, en particulier pour les variétés BMR, moins ligneuses, plus digestes… mais plus sensibles ».
Côté fertilisation, le conseil des apports dépend du tonnage espéré et doit prendre en compte les éventuels reliquats et apports organiques, tout en respectant la réglementation locale en matière de nitrates. Éventuellement, pour l’azote, une quarantaine d’unités au semis dans les situations à reliquat très faible, suivi d’un apport minéral principal, autour du stade 4-8 feuilles pour atteindre 12 à 16 unités par tonne de matière sèche, selon le potentiel agronomique de la parcelle.

Maîtrise des adventices

Enfin, concernant les adventices, Jean-Luc Verdier a donné quelques pistes de travail pour soigner cette culture sensible à la concurrence précoce des mauvaises herbes. « Les solutions de désherbage mécanique sont bien valorisées, d’une part du fait de l’implantation tardive de cette culture, qui laisse la place aux faux-semis, qu’on peut compléter par un passage de herse étrille dans les trois jours qui suivent le semis, puis par des binages ». Quelques herbicides sont homologués, en post-levée pour gérer les graminées et dicotylédones à levée hâtive, dans les parcelles à forte pression adventices, puis après le stade trois feuilles pour les graminées estivales. « Enfin un créneau de rattrapage entre quatre et six feuilles va permettre de contrôler les dicotylédones annuelles ou vivaces, telles que les chardons… ».
Alexandre Coronel, d’après le webinaire Arvalis

Ensilage de sorgho fourrager : un complément possible au maïs
Les sorghos à grains, ensilés au bon stade, procurent un aliment comparable à l’ensilage de maïs en termes de valeurs.

Ensilage de sorgho fourrager : un complément possible au maïs

Récolté au bon stade et ensilé dans de bonnes conditions, le sorgho fourrager peut se substituer avec succès à une partie de l’ensilage maïs dans la ration des bovins, y compris les plus exigeants en termes d’énergie, comme le démontrent les résultats d’essais récents.
Hugues Chauvreau, responsable des essais zootechniques sur la vache laitière et les jeunes bovins chez Arvalis, où il conduit des travaux sur le thème de la valeur alimentaire des fourrages et leur valorisation, a présenté, lors du webinaire consacré au sorgho, les résultats des essais les plus récents sur cette plante. « On a du mal à classer l’aliment sorgho, selon le mode de récolte déjà en grain ou en ensilage, puis le groupe variétal (mono ou multicoupes) et enfin avec des critères spécifiques additionnels, tels que la présence ou non de panicules fertiles, la sensibilité à la photopériode ou encore le caractère BMR. C’est important d’utiliser la classification CTPS pour choisir sa variété. On arrive à six catégories selon la combinaison de ces caractères, en ce qui concerne les sorghos destinés à l’alimentation animale. Leur teneur en énergie va permettre de discriminer leur usage, plutôt orienté vers des animaux à faibles besoins, ou au contraire appropriés pour les vaches laitières ».

Entre 12 et 16 T de MS/ha

Si en termes de rendement, les sorghos les plus productifs permettent d’atteindre les 20 T MS/ha, ceux-ci sont à réserver à un usage industriel, compte tenu de leur piètre intérêt alimentaire. « Pour les sorghos typés grains et les sucriers ou mixtes, on est plutôt dans la plage comprise entre entre 12 et 16 T MS/ha, avec en gros deux profils énergétiques, selon les proportions relatives d’amidon (7-10 % pour les sucriers à 30 % pour les variétés à graines) ». Le spécialiste a insisté sur l’importance d’atteindre un taux de matière sèche suffisant pour permettre une bonne conservation. « Pour les variétés sans grains, on a du mal à atteindre 30-32 % de MS au moment de la récolte, au risque d’avoir des écoulements de jus et des pertes de valeur nutritive ». Deux modèles d’équations prédictives permettent d’établir les valeurs alimentaires du sorgho fourrager, avec d’importantes divergences qui peuvent déstabiliser l’utilisateur. « La réalité se situe sans doute entre les deux… des travaux sont actuellement en cours pour mieux comprendre l’origine des pertes d’énergies au cours du processus d’ensilage, sous forme d’alcool par exemple ».
Plusieurs essais ont été conduits au cours des dernières années pour évaluer l’intérêt des ensilages de sorgho dans l’alimentation des bovins, face à la référence que constitue l’ensilage de maïs. « Dans un essai sur des vaches laitières, incorporé à hauteur de 50 % dans une ration de maïs ensilage, le sorgho classé ‘’double usage’’ ensilé conduit à une diminution significative de la production de lait brut, de l’ordre de 6-7 %, qui n’est pas compensé par une hausse du TB, avec une augmentation de la quantité de matière sèche ingérée, qui traduit une baisse de l’efficacité alimentaire. Ce type de sorgho doit donc être réservé aux animaux moins gourmands en énergie ». En revanche, la synthèse de cinq essais conduits avec des ensilages BMR substitués à hauteur de 50 % d’un ensilage de maïs donne des résultats plus prometteurs. « On observe aussi une baisse de la production du lait brut (de l’ordre de 3-4 %), cette fois compensée par un TB supérieur. Il n’y a donc pas de différence en lait corrigé, les potentiels de production sont maintenus et on observe même une baisse de l’ingestion, ce qui signifie une amélioration de l'efficacité alimentaire ».

Peu de références en multicoupes

Après avoir détaillé les résultats d’autres essais, avec substitution totale ou sur d’autres catégories d’animaux, comme les jeunes bovins, Hugues Chauvreau conclut : « ces travaux démontrent qu’une substitution partielle de l’ensilage maïs par des ensilages de sorghos est réaliste, sans dégrader la performance. C’est un levier alimentaire qu’on peut utiliser pour compléter l’offre fourragère disponible dans un système d’élevage. On a moins de références sur les sorghos multicoupes : en termes d'exploitations sous forme d'ensilage, d'enrubannage, d'affouragement en vert, voire de pâturage, compte tenu de la période de sec… Il faut veiller au stade d'exploitation, avec des hauteurs de 50-60 cm pour limiter le risque de toxicité lié à la présence de durrhine, mais un pré-fanage de 24 h réduit ce risque. Les multicoupes ne sont pas des rolls en termes de valeur alimentaire mais gardent un intérêt pour sécuriser le système fourrager et apporter un complément en période de disette et de sec. »
AC