Court-noué
Court-noué : des leviers à actionner pour gommer les symptômes

Amandine Priolet
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Problématique majeure au sein des vignobles, la maladie du court-noué est difficilement gérable. La filière travaille sur des leviers d’action afin d’apporter des solutions aux viticulteurs pour produire efficacement avec des vignes atteintes par le court-noué.

Court-noué : des leviers à actionner pour gommer les symptômes
Du vignoble au laboratoire, la filière travaille sur un projet de vaccination pour tenter de réduire au maximum l’impact du court-noué sur les surfaces viticoles françaises (crédit photo : IFV).

« Le court-noué est une maladie virale qui peut conduire à l’arrachage prématuré de la parcelle, après avoir causé pendant des années des pertes quantitatives et qualitatives », décrit l’Institut français du vin et de la vigne sur son site web. Le virus provoque des symptômes très caractéristiques de la maladie, comme des décolorations des nervures ou des déformations foliaires. Le court-noué entraîne également des pertes de rendement importantes. « Aujourd’hui, c’est une maladie d’envergure mondiale. On estime que 60 % de la surface viticole française est impactée. Dans certains secteurs historiques de la Champagne, nous avons mesuré jusqu’à 80 % de perte de récolte », indique Jérémy Follet chargé d’études au sein du comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC). Malheureusement, le vecteur, un vers invisible dans le sol, étant extrêmement résistant, la lutte est complexe.

Une maladie préoccupante

« Une étude a montré que pour les viticulteurs en Champagne, le court-noué était la deuxième maladie la plus préoccupante derrière l’oïdium. À ce jour, nous avons bien compris qu’il s’agissait d’une maladie impossible à éradiquer. Nous avons l’objectif d’apprendre à vivre avec et d’essayer de gommer au maximum tous les symptômes pour, à terme, produire des raisins en quantité et en qualité suffisantes », poursuit le chargé d’études.
Pour ce faire, la filière a étudié plusieurs leviers à actionner, avant, pendant et après la plantation de la vigne. Le premier levier concerne les jachères en inter-cultures. Cela consiste à semer des plantes dites « nématicides », qui ont pour effet de tuer les nématodes ou de libérer des molécules qui vont les éloigner, à l’image d’un répulsif (projet Vivace). Trente espèces ont été testées en laboratoire parmi lesquelles l’avoine fourragère, la vesce velue, le sainfoin, le trèfle violet, la luzerne, etc. « Le sainfoin a attiré notre attention. C’est une plante très rustique, qui nécessite peu d’intrants. De plus, elle présente un aspect fertilisant intéressant, au même titre qu’un effet nématicide. C’est une culture prometteuse ». Le CIVC teste alors cette culture, depuis 2018, au sein d’un réseau de douze parcelles réparties sur l’ensemble de l’appellation d’origine protégée Champagne, sur lesquelles le court-noué était présent de façon importante.

Le rôle majeur des jachères

« Depuis le début de l’essai, nous avons connu une série d’années atypiques, avec de la grêle, du gel, de la sécheresse et de l’oïdium, du mildiou, etc. Face à une trop grande variabilité dans les résultats, il est difficile de dégager des tendances nettes. Malgré tout, les viticulteurs sont prêts à poursuivre l’expérimentation, d’autant plus que le sainfoin présente un impact très positif pour la biodiversité puisque c’est un excellent pollinisateur ».
Le deuxième levier concerne le choix des porte-greffes. « En Champagne, le porte-greffe 41.B est ultra-majoritaire dans les vignobles, mais peu adapté face à la lutte contre le court-noué. Notre politique est aujourd’hui de conseiller aux viticulteurs, lorsque cela est possible, de planter d’autres porte-greffes plus vigoureux pour lutter contre les effets du virus », stipule Jérémy Follet. Des essais, notamment sur des porte-greffes sous-utilisés dans les régions viticoles, sont effectués pour déterminer leur résistance au court-noué. Enfin, des essais sont menés sur l’impact de la fertilisation. « Les fertilisants apportés au bon moment et en quantité suffisante permettent à la vigne d’avoir une vigueur plus importante », conclut le chargé d’études du CIVC.

Vaccination : une solution prometteuse contre le court-noué ?
Jérémy Follet est chargé d’études au sein du comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC).

Vaccination : une solution prometteuse contre le court-noué ?

Produire des plants prémunis résistants aux formes sévères du court-noué, c’est l’enjeu que s’est fixé la filière viticole pour tenter de contrer la maladie.

Les avancées dans la lutte contre le court-noué ne cessent de donner des pistes de solutions intéressantes pour assurer la pérennité et le rendement des vignobles de demain. La filière a notamment travaillé sur le sujet de la vaccination, à travers les trois projets VacciVine (2018-2020, 2022-2026 et 2027-2030). « Ce projet est certainement le plus prometteur pour la lutte contre le court-noué. Il s’agirait d’une méthode de biocontrôle, bénéfique pour l’ensemble de la filière. Son fonctionnement est simple, puisque semblable à la vaccination chez l’homme et les animaux », indique Jérémy Follet. Le processus consiste à prélever des échantillons de vignes infectés par le virus du court-noué, qui ne produit peu voire pas de symptômes. « Les variants du Grapevine FanLeaf Virus (GFLV, virus du court-noué) sont sélectionnés pour la prémunition d’après plusieurs critères : ils produisent de faibles symptômes, ils sont adaptés à différents terroirs, ils ont des caractéristiques génétiques intéressantes. Ces variants sont ensuite isolés par passages sur hôtes herbacés puis inoculés à la vigne grâce à une technique de greffage hétérologue, entre une herbacée, infectée mécaniquement par le GFLV choisi et une vigne saine. Le matériel est ensuite multiplié en serre », souligne l’Institut français de la vigne et du vin.

Plants certifiés… et infectés !

« C’est une solution prometteuse qui soulève toutefois de nouvelles problématiques », poursuit Jérémy Follet. Dans un premier temps, cette solution ne fonctionne que pour un terroir donné, le virus du court-noué disposant d’énormément de variants. De plus, « ce protocole nous oblige à produire des plants certifiés mais atteints par un virus. Pour le moment, c’est un non-sens, puisque par définition, un plant n’est pas certifié s’il est atteint par un virus », précise-t-il. Parmi les autres problématiques, il faudra s’assurer que chaque pied implanté au sein du vignoble soit porteur d’un variant « protecteur » et d’aucun virus « parasite ». Enfin, un cadre d’utilisation strict de ces plants prémunis devra être défini. « Si nous implantons un pied prémuni dans un secteur où il n’y a pas de court-noué, nous n’avons aucune garantie que le virus ne mute pas pour devenir un variant symptomatique. Il faut que l’utilisation du plant prémuni soit cantonnée aux parcelles infectées par des symptômes de court-noué », conclut Jérémy Follet. À terme, l’objectif du projet VacciVine sera d’obtenir un label « plant prémuni ».

Dans le cadre du projet VacciVine, les vignes infectées par un variant du Grapevine FanLeaf Virus (GFLV, virus du court-noué) et présentant de faibles symptômes sont sélectionnées pour la prémunition (crédit photo : IFV).