EXCLU WEB / Le bioéthanol : une occasion rêvée pour l’agriculture ?

La Collective du bioéthanol qui organisait une conférence de presse à Paris le 24 janvier, a qualifié l’année 2022 « d’année exceptionnelle » pour ce type de carburant. Mais le tout électrique prévu à l’horizon 2035 pourrait rebattre les cartes de cette énergie issue de l’agriculture.

EXCLU WEB / Le bioéthanol : une occasion rêvée pour l’agriculture ?

Le superéthanol-E85 a le vent en poupe : il a vu ses volumes vendus exploser de +83 % en 2022 par rapport à 2021, ses parts de marché sur l’ensemble des carburants vendus passe de 4 % à 6,5 %. La flotte des véhicules particuliers s’est enrichie de 120 000 nouvelles voitures équipées en technologie Flexfuel : 85 000 propriétaires ont fait installer un boitier de conversion (30 000 en 2021) et 35 000 véhicules neufs flex-E85 ont été vendus, soit six fois plus que l’année précédente. Le nombre de stations délivrant de l’E85 a augmenté de 550 unités pour un total de 3300 en 2022.

55 000 agriculteurs 

« L’E85, c’est le petit carburant qui monte, qui monte », s’est réjoui Sylvain Demoures, secrétaire général du Syndicat national des producteurs d’alcool agricole (SNPAA). Pourquoi un tel engouement pour ce carburant issu de la fermentation des sucres et de l’amidon contenus dans les betteraves sucrières, les céréales et leurs résidus de transformation (*) ? « Parce qu’il est économique et écologique », a répondu Sylvain Demoures. En effet, il affiche un prix aux alentours 1,11 euro le litre, contre 1,90 pour le gasoil et 1,80 euro pour le SP95. En plus, « il rejette 50 % de gaz à effet de serre de moins qu’un carburant fossile », a-t-il ajouté. Au plan national, ce sont 1,8 millions de tonnes de CO2 qui sont évitées par an, soit l’équivalent de 900 000 voitures.

Produire ce carburant nécessite la mobilisation d’environ 55 000 agriculteurs et 300 000 hectares, ce qui ne représente qu’environ 1 % de la surface agricole utile. Encore conviendrait-il de déduire un peu plus de la moitié (180 000 ha environ soit 0,6 % de la SAU) qui fournit les coproduits utiles à l’alimentation du bétail. « Les drêches de céréales riches en protéines et les pulpes de betteraves  pour un tonnage égal à celui de l’éthanol qui a été produit remplacent les tourteaux de soja importés », a expliqué le secrétaire général du SNPAA.

Tout électrique 

« Il n’y a d’ailleurs pas d’opposition entre les surfaces dédiées aux biocarburants et celles dédiées à l’alimentation. Elles sont complémentaires et c’est un cercle vertueux », a-t-il assuré. Le Collectif vise 8 % de parts de marché en 2023, et indique que ce 1 % de la SAU suffirait à alimenter 5 millions de voitures à l’E85 en 2035. Cependant, à cette date, l’Europe a décidé de passer au tout électrique. Plus aucun véhicule thermique ne sera produit. Certes cette décision ne signifie pas la fin des véhicules essences ou diesel (filière biodiesel). Mais le parc des véhicules thermique devrait s’amenuiser. Sauf si la réglementation autorise l’utilisation de carburants neutres comme alternative aux véhicules 100 % électriques. En fait, tout dépendra de la clause de revoyure en 2026. Les experts compareront le nombre de véhicules électriques en circulation avec celui des véhicules thermiques et hybrides. Si le rapport est favorable à l’électrique selon les critères de la Commission, les ventes de voitures hybrides (électrique/E85) et thermiques pourraient être compromises.

A contrario, si les ventes de véhicules électriques sont à la traine, la Commission pourrait être amenée à proroger la vente de voitures thermiques et hybrides. Le sort du bioéthanol et d’une partie du monde agricole est donc, en partie, entre les mains des consommateurs. La place de la France comme premier producteur européen de bioéthanol, avec 16 millions d’hectolitres aussi ! 

 (*) Ce carburant pour voitures à essence contient entre 60 % et 85 % de bioéthanol en volume, le complément étant de l’essence Sans Plomb 95.