PRODUCTIONS VÉGÉTALES
Faire face à une concurrence déloyale

Pour les filières végétales, les accords de libre-échange avec l’Union européenne pèsent lourd sur le marché intérieur, et donc sur la valorisation des produits français. Les agriculteurs dénoncent la concurrence déloyale.

Faire face à une concurrence déloyale

La France, première productrice européenne de maïs grain, s’est vivement dressée contre le Mercosur, accord de libre-échange actuellement en pourparlers avec l’Union européenne. Ses conditions actuelles indignent les acteurs de la filière céréales. Florian Barge, céréalier et membre de la FDSEA de l’Ain, en fait partie : « Cela nous ferait courir un risque énorme, tant pour les producteurs que pour le maintien de la souveraineté alimentaire », affirme-t-il. Le maïs, céréale pour laquelle l’Europe est déjà largement déficitaire, est l’une des plus concernées. L’importation massive de maïs ukrainien avait déjà impacté son prix européen. « En mars 2023, la tonne coûtait 270 €, désormais, elle est au prix de 180 €, elle a perdu 90 € en un an, déplore Florian Barge. Cela fait craindre la même chose, dans les mêmes proportions, si l’on commence à importer du Brésil ou de l’Argentine. » Cette indignation, certes liée à la question économique, concerne également la distorsion de concurrence. « Les produits que l’on voudrait importer n’ont absolument pas les mêmes normes de production qu’en France, en termes de produits phytosanitaires comme d’engagements écologiques », explique l’agriculteur.

Des accords très pénalisants

« Lorsque l’on accepte de signer des accords qui permettent de faire entrer des produits de l’hémisphère Sud sans garantir les mêmes normes de production que les nôtres, on se pose vraiment des questions », lance Grégory Chardon, arboriculteur drômois et membre de la FRSEA (Auvergne-Rhône-Alpes). Pour les arboriculteurs, les accords de libre-échange contredisent les normes et réglementations françaises. « On n’a plus le droit d’utiliser certains produits pour lutter contre la drosophila suzukii, pourtant on importe des cerises de Turquie, qui les utilise ». L’arboriculteur mentionne également les imports de produits d’Espagne, du Maroc, vendus de facto à moindre coût, notamment grâce à une main-d’œuvre moins onéreuse qu’en France. Les agriculteurs pointent du doigt la concurrence déloyale qui en résulte. Pour Michel Dupeuble, maraîcher à Panissières (Loire), la présence de tels produits sur le marché français impacte à très court terme la production française, mais également la mentalité des consommateurs. « Il n’est pas rare que l’on me demande des tomates ou des fraises à Noël, ou que l’on s’étonne de certains prix, que j’essaie pourtant de serrer au maximum. Le problème, c’est que les consommateurs comparent l’incomparable, en se faisant avoir avec des prix bas », déplore le maraîcher.

En viticulture, la situation est similaire. Ludovic Walbaum, président de la fédération des Vignerons indépendants de l'Ardèche, assure que l’export de vins est primordial et structurant pour la filière. Mais l’import de vins espagnols ou méditerranéens participe également à une concurrence biaisée, « du fait des coûts de production complètement différents, pour des vins de typologie similaire sur des produits d’entrée de gamme.  Ce qui entraîne des difficultés de valorisation de produits français d’entrée de gamme, avec une baisse de consommation. Il y a un problème d’organisation des marchés, d’application des normes et des règles, qui devraient être équitables au sein de toutes les filières », assure le vigneron.

Charlotte Bayon