Hervé Lapie, Secrétaire général adjoint de la FNSEA
« Réussir nos transitions phytosanitaires »

Hervé Lapie sera l'invité principal de la prochaine assemblée générale de la FDSEA qui se déroulera le vendredi 10 mars matin à la salle des Griottons à Cluny. Secrétaire général adjoint de la FNSEA, Hervé Lapie a succédé en juin dernier à Éric Thirouin à la présidence du Contrat de solutions. Si l'objectif de la table ronde est de faire ressortir les opportunités liées au changement climatique, Hervé Lapie revient ici sur les contraintes réglementaires qui empêchent de les voir.

« Réussir nos transitions phytosanitaires »

Hervé Lapie, vous avez pris la présidence du Contrat de solutions. Quelles sont vos premières impressions ?

Hervé Lapie : Je tiens tout d’abord à rendre hommage à Éric Thirouin qui, en quatre années de présidence, a réussi à asseoir les fondations d’une efficace collaboration avec nos 44 partenaires, dans la perspective de répondre aux enjeux de la transition phytosanitaire.

Ensemble, nous avons identifié des solutions concrètes : machinisme, robotique, biocontrôle, sélection végétale, pratiques agronomiques, formation, conseil, … Les fondations sont très bonnes et nous permettent de poursuivre notre progression, dans une ambition collective partagée. Nous nous organisons et nous avançons pour assurer notre part dans la transition.

Quels sont vos objectifs à moyen terme ?

HL : Notre objectif est de déployer l’ensemble de nos solutions, aujourd’hui au nombre de 105, sur l’ensemble du territoire dans les trois années qui viennent. D’ailleurs, plusieurs de ces solutions sont déjà appliquées au quotidien, dans les exploitations, quelles que soient les productions : grandes cultures, cultures légumières, arboriculture, vigne, horticulture, plantes aromatiques et médicinales… Le Contrat de solutions est une boîte à idées collective et constitue un véritable marqueur de progrès de la ferme France.

Nous allons également poursuivre la valorisation de nos actions auprès des institutions publiques. Nous travaillons actuellement avec le ministère de la Transition écologique pour ancrer notre reconnaissance d’interlocuteur privilégié. C’est ainsi que les ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique ont confié au Contrat de solutions le pilotage de l’axe 6 du Plan pollinisateur, avec l’objectif de recenser les bonnes pratiques entre les agriculteurs et les apiculteurs et plus généralement en faveur des pollinisateurs, puis de les déployer sur l’ensemble du territoire.

Car, à la fin des fins, c’est que nous puissions réussir nos transitions sur nos exploitations.

Le gouvernement a publié le 26 janvier, au Journal officiel, un décret et un arrêté sur les distances d’épandage des produits phytosanitaires, les zones de non-traitement (ZNT). Quelle est votre première réaction à la lecture de ce texte ?

Hervé Lapie : Très clairement, cet arrêté ne fait plaisir à personne, surtout pas aux agriculteurs, qui sont victimes d’une surtransposition de textes de l’Union européenne. Ce que nous dénonçons à la FNSEA. Marché unique Européen = règles uniques !

En quoi ce décret et cet arrêté ne vous conviennent-ils pas ?

HL : Ces nouveaux textes introduisent une obligation d’information préalable avant les traitements, des ZNT le long des lieux accueillant régulièrement des travailleurs et des ZNT spécifiques pour les produits classés CMR2 (cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques). Ils sont la transcription juridique d’une injonction politique et non celle d’un raisonnement technique, scientifique à la fois argumenté et éclairé. Je rappelle que tous les produits que les agriculteurs utilisent font l’objet d’une autorisation de mise sur le marché (AMM). Nous respectons les doses et les efforts de réduction des intrants des agriculteurs qui ont été considérables ces vingt dernières années. Dans la mesure où ce sujet intègre le champ de la santé/environnement, il est logique que l’ANSES ait à définir les conditions d’utilisation des produits, dont les distances. Cependant, j’ai du mal à comprendre comment elle peut rendre des décisions sans tenir compte des innovations techniques.

C’est-à-dire ?

HL : Nos voisins européens, notamment allemands pour ne citer qu’eux, ont intégré les matériels anti-dérives pour homologuer leurs produits phytosanitaires, notamment les CMR2. L’ANSES le fait également, mais sur des matériels datant des années 80-90. C’est incompréhensible. Il nous semble indispensable de tenir compte des évolutions technologiques pour prendre une décision conforme aux réalités du terrain. Ce minimum de bon sens permettrait en outre d’éviter des impasses sur nombre de cultures, y compris orphelines. Nous nous assurerons par ailleurs que les industriels de la protection des plantes déposent bien des données pour compléter l’autorisation de leurs produits CMR2 avant le 1er octobre prochain. Nous aurons d’ailleurs une clause de revoyure avec le gouvernement au printemps prochain pour faire un état d’avance de ces demandes de renouvellement.

Ces textes remettent-ils en cause les chartes départementales ?

HL : Les chartes restent valides jusqu’à juillet prochain. Elles devront ensuite être mises à jour, en lien avec les préfets, pour y inclure le sujet de la prévenance que nous souhaitons le plus simple et le plus réaliste possible (le gyrophare au champ devrait pouvoir être reconnu), et surtout en dehors de tout système de délation comme certains outils (Phytosignal, N.D.L.R.) tentent de le faire. Nous devrons également approfondir la difficile question de la définition des lieux accueillant des travailleurs présents de façon régulière à proximité de nos parcelles. À la FNSEA, nous avons toujours défendu le dialogue et comptons bien suivre cette voie pour convaincre nos interlocuteurs des dangers d’une réglementation trop contraignante. Le risque est qu’à terme, nous ne puissions plus produire, ce qui mettrait à mal notre souveraineté agricole et alimentaire, sans compter les conséquences induites sur le bilan carbone, la perte de biodiversité, etc.

Qu’attendez-vous finalement du gouvernement ?

HL : Nous attendons qu’il tienne compte des difficultés de notre métier et qu’il ne rajoute pas des contraintes supplémentaires à des réglementations franco-françaises. Nous attendons en particulier qu’il valide le principe de réciprocité, c’est-à-dire le fait que les règles de ZNT s’appliquent aussi aux aménageurs, aux constructeurs. Nous attendons également qu’il compense les pertes subies dès le premier centimètre. Nous nous réunirons le 4 février au ministère pour travailler ce sujet de la compensation. Chaque hectare doit être productif et doit produire. Il faut sécuriser l’outil de travail et le revenu des agriculteurs. Tout le réseau FNSEA qui a déjà fourni un remarquable travail est mobilisé sur ce sujet des ZNT.

Le secrétaire général adjoint de la FNSEA, Hervé Lapie sera aux côtés de Jérémy Decerle, éleveur charolais et eurodéputé de Saône-et-Loire ainsi que de Thierry Desvaux, agriculteur dans l'Yonne et ayant participé à la dernière Cop 27 en Égypte pour représenter l'Afdi et les agriculteurs.