Dotation jeune agriculteur
Avec 18 mois de retard, la nouvelle DJA est enfin là !

Cédric Michelin
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Après moult réunions, concertations, négociations et même un véritable « bras de fer » avec la Région Bourgogne-Franche-Comté, la nouvelle dotation aux jeunes agriculteurs (DJA) est enfin connue, réservant son lot de nouveautés et même surprises étonnantes. Quelques critères restent à préciser.

Avec 18 mois de retard, la nouvelle DJA est enfin là !

« On est les derniers au niveau national avec 18 mois de retard », n’en revient toujours pas Joffrey Beaudot, le président du Comité d’orientation transmission installation (Coti) de Saône-et-Loire. Alors que la Région BFC a demandé la compétence des fonds Feader qu’elle a obtenue et qu’elle était censée gérer depuis le 1er janvier 2023 (avec tous les retards connus et ceux encore à venir), la Région BFC n’en finissait pas de changer d’avis sur l’orientation politique de sa nouvelle DJA.

Le changement interviendra le 30 juin 2024, avec l’entrée en vigueur d’une nouvelle programmation en juillet 2024. Ce qui boucle donc l’ancienne programmation (RDR3). La dernière commission avec les critères actuels (RDR3) évaluant les dossiers en cours est prévue en septembre. Les dossiers reçus à la Région après le 30 juin suivront, eux par contre, la nouvelle programmation (RDR4). Pour les porteurs de projets et les organisations professionnelles et partenaires suivant les dossiers, il était « temps que cela s’arrête » tous les changements annoncés officieusement depuis 18 mois.

Des reliquats de la précédente programmation

Avec « des reliquats assez importants » sur les enveloppes installation (RDR3), la profession a obtenu de « revaloriser le montant de DJA » de la nouvelle programmation. Une « revalorisation » bienvenue lorsqu’on le souvient des premières estimations proposées par la Région, autour de 30.000 € de moyenne, loin du montant historique autour de 38.000 €. Alors, quels nouveaux montants ? C’est la conseillère installation à la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire, Magali Falière qui présentait les premiers critères dévoilés par la région début février.

Notamment les critères d’éligibilité. Seront éligibles, toutes les productions agricoles sauf les activités piscicoles et aquacoles, et également les activités équines avec élevage équins minoritaires, comme auparavant. Le critère d’âge minimum a néanmoins été revu « à la hausse ». Au lieu de 18 ans, il faudra maintenant avoir minimum 20 ans et maximum 40 ans « révolus » pour solliciter la DJA. Il faut toujours un diplôme de niveau 4.

L’expérience hors agricole valorisée

En 2025 cependant, les porteurs de projets « ayant une expérience professionnelle pourraient être seulement titulaires d’un diplôme de niveau 3, agricole ou non, et justifier d’une expérience dans le secteur de la production agricole de 24 mois au cours des trois dernières années », met au conditionnel Magali Falière. Sans confirmation non plus par la Région à ce stade, la même possibilité de « prouver l’existence d’une activité pro dans le secteur de la production agricole d’au moins 40 mois au cours des 5 dernières années ». Deux évolutions qui sont « encore en discussion » mais qui n’entrerait en vigueur qu’en 2025. « L’expérience serait enfin valorisée et mieux pris en compte avec même une ouverture hors-diplôme », rejoignant ainsi les critères Pac, même si la Région réfléchit encore sur ces derniers points. Le parcours resterait le même : PAI, PPP, PE, étude économique (lire notre article de la semaine précédente).

D’autres conditions d’éligibilité sont demandées : première installation uniquement. Les cotisants solidaires ou les pré-installés sont inéligibles. Une condition « porterait » sur la souscription à un contrat d’indemnité journalière de remplacement. « À préciser » par la région qui chercherait là à « garantir une continuité du travail ». Il faudra toujours être en activité à la fin des 4 ans, avec les mises aux normes faites. Par contre, il faudra « atteindre 1 Smic en année 4 ou 1 Smic en moyenne sur 4 ans », qui sera contrôlé en fin d’engagement. Reste à préciser si ce sera une « déchéance totale de la DJA ou juste une sanction » si ce critère n’est pas respecté. Pour anticiper ces difficultés à dégager du revenu, est prévue la réalisation d’un « point d’étape » en année 2.

Quels montants ?

Tout ceci pour quel montant global ? Un montant « socle » serait variable « selon des critères validés ou non », auxquels pourraient se rajouter trois modulations indépendantes et facultatives que pourrait choisir le jeune s’il estime que ces derniers sont en adéquation avec son projet. Comme expliqué au début, le montant socle « de base » a été « revalorisé » à 25.500 €. Pourrait se rajouter un premier critère de « production agricole peu représentée », pour 3.000 €. Sont ciblées l’ensemble des productions en dehors des grandes productions de notre département, « sauf si celles-ci sont en Agriculture Biologique ». Diversification et AB en somme.

Plus étonnant, un second critère peut se rajouter en fonction de « zone de déprise (population et emploi) », selon une cartographie précise en fonction uniquement « d’où se trouve le siège de l’exploitation », sans prendre en compte les surfaces. Une sorte de critère « désert rural » qui rapporte 6.000 €. Au final, en additionnant tout, le montant socle s’élèverait à 34.500 €.

Agroécologie, Bio, GIEE, GDS…

À tout ceci peuvent également se rajouter des modulations. Une première autour de la « création de valeur ajoutée », pour 5.000 €, qui correspond à un signe de qualité ou la transformation et vente en circuits courts. Une seconde modulation se fera sur le volet agroécologie. Là il faudra valider 2 critères minimum : soit AB, soit être dans un GIEE, soit avoir une formation agroécologie ou soit souscrire à des conseils stratégiques (bas carbone, audit performance…). Là encore pour 5.000 €. Enfin, pour 2.500 euros, la troisième modulation possible, à condition de respecter 3 des 5 critères parmi : adhérer à un service de remplacement ou un groupement d’employeur ; Cuma ou groupe de développement ; GDS ou passage en commission des pairs.

Au final, la DJA sera au minimum de 25.500 € et pourra monter jusqu’à 47.000 €. Les montants DJA sont plus resserrés, car sur la précédente programmation, les montants allaient de 11.000 à 60.000 €. « Ceux qui sont en zone de plaine sont plutôt gagnants car ils atteignaient rarement les 30.000 €, tandis que ceux en zone de montagne, sont un peu perdants, mais pas trop, selon les modulations qu’ils arrivent à activer ». En revanche, Maxime Bonnot, responsable du dossier installation pour JA71, regrettait que cette « DJA n’est pas forcément plus simple, avec toujours plus de diagnostics, audits, plus verte… et des complexités sur certaines modulations ». Et même « des distorsions de concurrence entre cantons », alertait Christian Bajard, président de la FDSEA, imaginant la valse des boîtes aux lettres juridiques des sièges d’exploitation pour être en zone de "déprise" rurale. La Région a toutefois promis « une clause de revoyure pour apporter des corrections et des simplifications », concluait Maxime Bonnot ne fermant pas la porte à de nouvelles modifications de la DJA.

Une simplification pas si simple

« Fini d’être dorloté ». Le responsable du pôle Entreprise à la chambre d’Agriculture, Thierry Michel alertait sur une simplification voulue par la Région. Avant, DDT et chambre d’Agriculture suivaient les dossiers et alertaient les porteurs de projet à différents moments « par courrier ou téléphone pour leur dire de faire attention à telle pièce administrative manquante ou penser à préparer tel dossier ». Le conseil Régional ne fera pas ce travail de rappel et si « les chefs d’entreprise ne renvoient pas les pièces après le seul courrier, leur dossier deviendra caduc ». Un accompagnement beaucoup plus « lâche » et « moins bienveillant » avec un « risque de problèmes » plus grands.