Comité d’orientation transmission installation
La nouvelle DJA enfin là (ou presque) !

Cédric Michelin
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Le 20 février à la Ferme de Jalogny, Le Comité d’orientation transmission installation (Coti) se réunissait pour faire le bilan d’une année 2023 marquée par un travail toujours compliqué avec les services de la Région (lire notre précédente édition), qui ont notamment repris la gestion de la DJA au 1er janvier 2023. La nouvelle Dotation aux jeunes agriculteurs est - presque - connue : 18 mois après les autres régions.

La nouvelle DJA enfin là (ou presque) !

Accueillant la trentaine de partenaires régulièrement invités au Coti ou en lien direct (Syndicats, banques, établissements scolaires…), le président du Coti, Joffrey Beaudot - qui est également responsable du pôle installation à la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire – remerciait déjà tous ceux qui œuvrent à faire face au plus grand défi de l’agriculture du XXIe siècle : le renouvellement des générations.

En Saône-et-Loire, ce ne sont pas moins de 1.424 agriculteurs actifs en 2023 qui avaient plus de 57 ans, sur un total d’environ 7.171 agriculteurs professionnels qui étaient inscrits aux dernières élections chambre. Si en Saône-et-Loire, plus gros département agricole de Bourgogne-Franche-Comté, les installations aidées avec DJA tournaient en moyenne ces dix dernières années autour d’une centaine de projets, ce nombre est tombé en 2023 à 81 porteurs de projets qui ont touché la DJA, contre 89 par exemple en 2019 ou 91 en 2022. Cette « baisse de dix DJA est aussi le fait d’un dispositif incertain et d’un manque de visibilité avec les dispositifs de la Région », « compliquant les conseils » à donner aux porteurs de projets, déplorait Joffrey Beaudot et Maxime Bonnot, responsable installation aux Jeunes agriculteurs (JA71). « On arrive au bout du tunnel de ce dispositif pas clair », espèrent-ils maintenant. Car la « nouvelle DJA tant attendue » est enfin là. Le conseil Régional a dévoilé les premiers éléments le 2 février, même si tout n’est pas encore « calé, ni connu » dans les moindres détails (lire notre article page HH).

Les Comcom et PAT entrent en jeu

Après avoir fait un bilan complet et avant la présentation de la nouvelle DJA, s’enclenchait un débat de fond sur le renouvellement des générations. Pour attirer et recruter de nombreux porteurs de projets et chercher à remplacer chaque agriculteur, de plus en plus d’acteurs travaillent sur ce véritable défi. De plus en plus de « territoires », via les Communautés de communes notamment mais pas que, se penchent sur la question. Dans le Clunisois, Entre Arroux-Loire-Somme, le Grand Autunois-Morvan… « on répond aux demandes des collectivités. Les Comcom prennent bien main leur activité économique : artisanat, commerce, services… de centre-bourg, même si elles étaient restées plus éloignées au départ de l’activité agricole », analyse Thierry Michel, le chef du service Entreprise à la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire. Les Comcom le font d’autant plus volontiers qu’elles veulent « avoir aussi une agriculture adaptée à leurs attentes, notamment dans le cadre de leur PAT », ces plans alimentaires qui doivent « approvisionner » leur territoire, côté restaurations collectives. Elles s’aperçoivent aussi qu’elles font face à un risque de « non-transmission » et donc de non-aménagement de leur territoire avec de nombreuses déprises foncières et perte d’acteurs économiques centraux en ruralité.

L’accès au foncier ?

L’enjeu de la reprise des exploitations est également « nouveau » dans le sens ou encore, il y a une décennie, se transmettait plutôt des exploitations de « petites » tailles, relativement à la moyenne départementale, régionale ou nationale. Aujourd’hui, les exploitations classiques, « plus ou moins rentables », sont parfois « sans repreneur connu » et sont plus « conséquentes » à transmettre, dans le sens financier cette fois. « Aujourd’hui, on a moins besoin de restructuration qu’avant », débutait Christian Bajard, « mais, toujours quelques difficultés d’accès au foncier » ou aussi avec des hors-cadres ou profils « atypiques » qui n’inspirent pas confiance aux cédants ou propriétaires, s’interrogeait le président de la FDSEA.

Joffrey Beaudot voit plutôt deux cas de figure. « Si le porteur de projet est mobile, alors c’est moins compliqué d’accéder à du foncier. Par contre, s’il a un projet avec un ancrage territorial fort – comme en viticulture AOC – alors là, c’est plus compliqué ». Le représentant de la Safer confirmait qu’en Saône-et-Loire, les prix du foncier ont gardé une cohérence économique, grâce à la profession régulant. Ce qui a ses avantages et ses inconvénients. « De plus en plus de candidats ne sont pas originaires du département », avec d’un côté des jeunes cherchant à s’installer et d’autres cherchant à s’agrandir. Là encore, le succès des vins de Côte-d’Or amène par exemple une "pression" sur les vignes plus au sud. Pour la conseillère installation de la chambre, Manon Jasserand, le foncier peut éventuellement être « découpé » lorsque le parcellaire est déjà morcelé, en revanche, lorsqu’il est déjà d’un seul tenant, « il va généralement avec un seul site ». Pour Christian Bajard, c’est bien une « vraie question collective », qui demande d’être réfléchie en amont si « sur 150 ha, un porteur a juste besoin de 10 ha, au cédant peut être d’être flexible pour l’aider à l’installer », pour conserver une vie de village, quitte à dévaloriser un peu le lot. Difficile toutefois à entendre pour certains après une vie de labeur…

Le poids des bâtiments

Pour le technicien de la Safer, le principal blocage à la reprise « dans leur globalité » de ces exploitations traditionnelles, notamment en élevage allaitant, porte plus sur la bonne évaluation du prix des bâtiments (maison d’habitation parfois comprise). « Si le porteur de projet n’a pas une bonne assise financière ou assez de capitaux, et même si la structure à reprendre dégage du revenu, cela reste compliqué d’obtenir des prêts pour financer des bâtiments au-dessus de 500.000 € ». Les trois représentants des banques confirmaient implicitement par l’absence de réponse, elles-mêmes confrontées à une remontée des taux de la Banque Centrale Européenne. « On arrive à tout transmettre », positivait la Safer, « sauf ce qui est trop cher, hors marché ». Une petite allusion notamment aux bâtiments avec toitures photovoltaïques qui sont durs à évaluer alors que les opérateurs photovoltaïques continuent de les vendre à prix réduits, voire gratuits. Il s’agit dès lors d’évaluer non plus le bâtiment en soi, mais le temps de travail et les matériaux de base pour le réaliser au plus juste.

Les double-actifs se développent

Peut-être une des raisons pour lesquelles de plus en plus d’agriculteurs, notamment jeunes installés, sont double-actifs. « Mais attention avec la nouvelle DJA en juillet 2024 », alerte Joffrey Beaudot qui sait que ce critère peut exclure, alors même que « ce travail extérieur pouvait justement garantir un revenu pour le foyer du candidat ».

Reste qu’il est toujours difficile d’évaluer toutes les installations de façon exhaustives dans le département. Seule la MSA a les chiffres « en tant que cotisant solidaire ou chef d’exploitation », ceci en raison des surfaces, respectivement de plus de 3,75 ha et 15 ha (au prorata selon production, type viticulture). Souvent à l’occasion d’audit de territoires ou d’enquête de PLUi, « plein de situations hétéroclites » se retrouvent, note Thierry Michel, qui ne peut les chiffrer. De plus, les conjoints reprenant l’exploitation sont plus « en attente d’une future retraite » que réellement une transmission.