Agneaux de Pâques
Les consommateurs appelés à la rescousse

La crise du coronavirus impacte tout particulièrement la filière ovine car le confinement tombe en pleine sortie des agneaux de Pâques. Les éleveurs ovins lancent un appel aux consommateurs : déguster de la viande d’agneau français aujourd’hui, c’est donner un précieux coup de pouce à toute une filière !

Les consommateurs appelés à la rescousse
Viande festive par excellence, l’agneau de Pâques subit de plein fouet la désaffection des consommateurs pour les produits de qualité et les rayons traditionnels.

Le coronavirus aura durement impacté la filière ovine. En effet, la crise est intervenue juste au moment où les éleveurs s’apprêtaient à commercialiser leurs agneaux de Pâques. Une période très importante pour la viande ovine car elle représente le pic de consommation en France, confie Alexandre Saunier, président de la section ovine de la FDSEA. « Cette crise tombe très mal pour nous », confirme Christophe Fouilland du groupement Feder - Terre d’Ovins. « Cette année, les éleveurs avaient préparé beaucoup d’agneaux pour Pâques. Les résultats de production étaient très bons et les sorties devaient correspondre avec les fêtes de Pâques juive, chrétienne ainsi que le ramadan au mois d’avril ». Malheureusement, le confinement a compromis toutes ces festivités familiales. « Les agneaux nés en novembre étaient déjà partis, mais ceux de décembre ont du mal à partir », témoigne Alexandre Saunier qui, sur son exploitation, avait 300 agneaux destinés à ce débouché (lire encadré).

Ralentir les croissances…

Face à cette chute de consommation inattendue, les techniciens ovins (chambre d’agriculture et Institut de l’Élevage) ont immédiatement rédigé deux fiches techniques détaillant la conduite à tenir pour ralentir les croissances des animaux (lire en page 6 de L’Exploitant Agricole n° 2902 du 3 avril). En effet, l’agneau de Pâques est un produit qui n’attend pas. « Engraissé en bergerie, un agneau prend 3 kg par semaine et avec 15 jours de croissance de trop, il ne vaut plus rien", témoigne Alexandre Saunier. Aussi les techniciens ovins ont-ils délivré leurs préconisations pour stopper la croissance des agneaux – de sorte qu’ils n’atteignent pas 22 kg - et éviter qu’ils ne prennent trop de gras. « Une partie des éleveurs sont parvenus à ralentir leurs agneaux. Cela contribue à étaler les sorties », confie Christophe Fouilland.

Cet effort de maîtrise de la production ne suffira pas. Au niveau national, la FNO a demandé que les importations de viande ovine soient stoppées. Mais l’effet de cette mesure va prendre du temps puisqu’un bateau de Nouvelle-Zélande met six semaines pour arriver en France, précise Alexandre Saunier. La situation subit aussi un dérèglement européen des marchés puisque l’Espagne très touchée par le Covid-19 ramène des agneaux en France, indique le responsable. À l’échelle nationale, les agneaux laitiers lacaunes concurrencent aussi les agneaux de races à viande. « C’est un effet domino », résume Alexandre Saunier qui redoute une chute des prix.

Encourager la consommation

L’éventualité d’un stockage privé a été évoquée. Mais l’agneau étant un produit saisonnier et qui n’aime pas attendre, le mieux serait encore d’agir sur la consommation. « Nous talonnons l’aval afin qu’ils nous prennent un maximum d’agneaux », confie Christophe Fouilland. Car « la priorité absolue est bien de vider les bergeries avant que les agneaux ne prennent trop de poids et trop de gras ». Tout en alertant les préfets, la profession s’est manifestée au niveau national par le biais de l’interprofession Interbev. Le premier levier a été de suspendre les importations et d’encourager les opérateurs à privilégier la viande française. De gros efforts de promotion ont été entrepris pour relancer la consommation de viande d’agneau. Des publicités, spots radio, reportages TV ont été diffusés. La communication vise en particulier la grande distribution. De son bon vouloir dépend la relance de la consommation en cette période confinée. « On compte sur elle pour mettre en avant l’agneau français en rayon et pour promouvoir d’autres modes de consommation plus adaptés à des foyers de une à quelques personnes », explique Alexandre Saunier.

Toutes les initiatives sont les bienvenues

Le mot d’ordre de la filière, c’est d’encourager les consommateurs à se faire plaisir malgré le confinement en dégustant une bonne tranche de gigot d’agneau. Une occasion de redécouvrir une viande savoureuse parfois méconnue « tout en faisant un geste en faveur des producteurs », confie Alexandre Saunier. « Si chacun achetait simplement un morceau de gigot pour les fêtes de Pâques, cela pourrait aider beaucoup », confie Christophe Fouilland.

« L’arrêt des importations, un peu de stockage, le fait de garder des agneaux en ferme et surtout une relance de la consommation devrait permettre de passer le cap », veut croire Alexandre Saunier. Et toutes les initiatives en faveur de la consommation sont les bienvenues. « Dans ma commune, un marché exceptionnel a été mis en place pour des produits fermiers », illustre l’éleveur de Ciry-le-Noble.

10.000 agneaux pour Pâques

La Bourgogne produit environ 10.000 agneaux pour les fêtes de Pâques sur un total national estimé à 450.000. À Terre d’Ovins, on commercialise habituellement environ 2.000 agneaux semaine durant la période précédant Pâques. Cette année, le rythme hebdomadaire n’est que de 800 agneaux semaine, confie Christophe Fouilland. Le 30 mars, le marché de Moulins-Engilbert a dû annuler sa vente ovine faute d’acheteurs. L’agneau de Pâques étant par définition un produit festif, c’est une viande majoritairement française et qualitative. D’où l’inquiétude quant à sa valorisation dans un contexte de marché perturbé.

Agneaux rationnés et pertes directes attendues

« Nous avons dû cesser l’alimentation à volonté des agneaux qui sont désormais rationnés. Cela nous a engendré pas mal de contraintes nouvelles. Il a fallu remettre ces agneaux à l’auge alors qu’auparavant ils étaient nourris par des nourrisseurs circulaires. Il a fallu les habituer à ce nouveau mode d’alimentation. Pour mes 300 agneaux, j’ai dû m’équiper de 40 mètres d’auges », témoigne Alexandre Saunier. Des frais en plus alors que l’éleveur s’inquiète d’une chute des prix annoncée. Dans son cas, la baisse serait d’environ 1 euros le kilo ce qui équivaut à – 20 € par agneau soit une perte directe de – 6.000 € pour 300 agneaux, calcule-t-il.

Chevreaux : booster la consommation à tout prix !

Chevreaux : booster la consommation à tout prix !

« Le marché très saisonnier des chevreaux subit une chute de – 60% des ventes », rapporte Jean-Philippe Bonnefoy, président du syndicat caprin de Saône-et-Loire. En France, la consommation de viande de chevreau se fait principalement pour les fêtes de Pâques et une bonne partie est habituellement exportée en Italie, Espagne, Portugal. Mais tous touchés par le coronavirus, ces pays n’en importent plus. « Il s’est fait beaucoup de stockage sous forme de congélation », explique Jean-Philippe Bonnefoy. « D’autres animaux plus jeunes seront abattus plus tard. Il faudra leur trouver un débouché », poursuit le responsable. La meilleure solution pour soulager la filière demeure d’encourager la consommation de viande de chevreaux dans les jours et semaines à venir. Dans sa communication de crise destinée à soutenir les viandes de petits ruminants, l’interprofession Interbev a intégré la filière caprine. Une solidarité bienvenue car la viande de chevreau souffre d’un manque de notoriété en comparaison de l’agneau. La Saône-et-Loire compte environ 16.000 chèvres qui pour produire du lait ont à peu près toutes mis bas ce printemps. « Dans les semaines qui viennent, il va falloir trouver des idées pour écouler les stocks de viande de chevreaux. Les collectivités et la restauration scolaire seront probablement sollicitées », confie Jean-Philippe Bonnefoy.