Rencontres régionales du Tourisme social et familial
Entre AirBnB et le Club Med, les villages vacances se diversifient

Cédric Michelin
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Le 29 mai à Chalon-sur-Saône se tenaient les Rencontres régionales du Tourisme social et familial (TSF). Après une matinée consacrée à des ateliers de travail, notamment autour de l’alimentation bio et locale, deux interventions revenaient sur le Plan d'action 2024 de la Région Bourgogne Franche-Comté Tourisme ainsi que sur la présentation de la Note nationale de tendance sur le Tourisme Social. L'évolution des attentes des usagers, la transition numérique, les enjeux environnementaux et sociaux, impactent le développement touristique de ces établissements. Mais pas que…

Entre AirBnB et le Club Med, les villages vacances se diversifient
Antoine Tredez, à gauche et Serge Poinet à droite

L’organisateur de ces Rencontres régionales du TSF, l’équipe de l’Unat BFC et son président Serge Poinet rappelaient tout d’abord leur « soutien à une politique sociale des vacances pour les rendre accessibles au plus grand nombre, notamment sous toutes ses formes en plein air ». Car l’Unat œuvre depuis plus de cent ans pour les « publics souvent démunis – jeunes ruraux et des quartiers, foyers précaires, personnes en situation de handicap, séniors dépendants – vers l’accès à des vacances abordables, respectueuses des territoires ». En quelques chiffres, ce secteur regroupe plus de 1.600 structures en France, soit 250.000 lits, pour 4,5 millions de vacanciers et 16 millions de nuitées par an. Leurs chiffres d’affaires cumulés pèsent au total pour 1,4 milliard d’€, créant 40.000 emplois partout en France. En Bourgogne-Franche-Comté, ce sont plus de 300 structures relevant du tourisme social et solidaire dont 95 établissements spécialisés dans l’hébergement, dont beaucoup accueillent des mineurs (colonies de vacances…).

Administrateur de ce réseau, Vincent Charpentier accompagne les adhérents de l’Unat BFC, et fait la promotion des activités de ces villages vacances, auberges de jeunesse, centres internationaux de sportifs, camping, MFR… « vecteurs de mixité et de progrès sociaux » puisqu’un Français sur deux n’a pas la possibilité de partir en vacances. Pour 39 % (source Credoc) pour raisons financières ; santé, raison familiale ou professionnelle étant aussi citées. Si un quart des Français fait le choix délibéré de rester chez lui et que le vieillissement de la population amplifie cette tendance, comme celle des retraités partis vivre dans le Sud de l’Europe, les populations à faibles revenus – se trouvant majoritairement en milieu rural – disent se restreindre sur les vacances et les loisirs. C’est là ou le Tourisme social et familial se positionne, à la croisée des chemins entre les aides publiques et des collectivités et celles des entreprises et organisations, via les Chèques vacances notamment, fruits de la « longue histoire de conquêtes sociales ».

Les cartes touristiques rebattues

Mais depuis l’ère des stations thermales en passant par l’instauration des congés payés développant donc le « tourisme de masse », les vacanciers ne cessent de changer. Antoine Tredez, coordinateur à Hexopée, présentait justement une Note de tendance sur le tourisme et les « grandes tendances qui impactent et impacteront la branche TSF ». La Note d’Hexopée compare notamment cette branche de l’économie sociale à ses homologues du secteur « lucratif », comme Le Club Med qui historiquement vient de ces rangs, mais qui a su monter en gamme comme actuellement les Centers parcs (Pierre & Vacances). Reste une vérité touristique, l’emplacement est capital : montagne, littoral et campagne sont les destinations privilégiées, hors étrangers visitant Paris ou les Châteaux de la Loire.

Mais… « fin de la neige, recul du littoral, pénuries de main-d’œuvre, difficultés de logement dans certains secteurs, inflation… », l’économie et le changement climatique rebattent les cartes touristiques. Et les tendances s’accélèrent avec l’essor du numérique, influençant les modes de réservation et les expériences touristiques. C’est ainsi que le TSF est « concurrencé » par des campings aux activités folles ou par le « C2C », via des plateformes de locations entre particuliers du type Abritel ou Airbnb. Les villages vacances TSF se retrouvent dès lors coincés entre, à tous les niveaux. « Les particuliers sur Airbnb tirent les prix vers le bas dans de nombreux lieux », donnant en plus un « sentiment de liberté », voire une « augmentation de la qualité des équipements », à tarifs et services comparables, analyse Hexopée dans sa note. Pour Antoine Tredez, une seule solution : « monter en gamme dans vos établissements, notamment sur la qualité des hébergements ». D’ailleurs, le secteur TSF se tourne vers « des familles aux revenus plus conséquents pour équilibrer les comptes ». Ce plan “Réinvention 2025” porte ses fruits puisque les dépenses journalières sont passées à 88 €/j, « supérieures » à celle du plein air à 71 €/j.

Le milieu de gamme souffre

Reste tout de même à « revoir le marketing et la communication » pour passer « de l’accès à tous ; à un discours sur les bénéfices usagers et la qualité des vacances ». Une forme de renoncement pour la vingtaine de présents dans l’amphithéâtre de l’IUT de Chalon. « Malheureusement, la dimension solidaire n’apparaît pas comme un avantage concurrentiel. On ne peut pas utiliser notre identité », déplore Antoine Tredez.

Alors quelles offres mettre en avant ? L’enquête menée auprès du secteur, côté clients et concurrents, indique qu’il faut « se diversifier ». Les offres « aqua ludiques » étant le minimum. Avant de présenter les possibilités, Antoine Tredez rappelait la perspective du secteur, « divisé en deux avec de grands groupes et plein de petits acteurs qui maillent les territoires ». Le « milieu » du marché, si l’on peut dire, est en pleine « concentration » avec Miléadre issu de la fusion entre Cap’Vacances et Vacanciel et prochainement Villages clubs soleil et Vacancéole, deux autres opérateurs qui ont annoncé leur « rapprochement », donnait-il pour exemples.

Cette diversification pourrait se traduire par des animations (parfois à visée éducative), des loisirs, une offre de restauration rénovée – « sachant que la pension et demi-pension marchent de moins en moins » –, une offre de séminaires, l’organisation de séjours avec visites de sites est même est envisageable, des offres de bien-être, de sport ou de garde d’enfant/club. « Les individus cherchent une expérience en lien avec leur affect, en liberté et spontanée », synthétise Antoine Tredez.

Restera ensuite à régler la question délicate des recrutements ou de la montée en compétences des collaborateurs, avec de plus en plus de métiers pointus (marketing, numérique, data clients…). La vérité du tourisme social et familial se trouvera sans doute à mi-chemin entre leur situation actuelle et les préconisations d’Hexopée. Pour preuve, une dernière question en guise de conclusion : « peut-être devons-nous revenir à des vacances qui donnent confiance », véritables « étapes » dans la vie d’un jeune ou de personnes voulant s’élever. Finalement, le rôle premier du tourisme social et familial sous une nouvelle forme, sans toucher le fond.

La région divisée en trois destinations

Chargée de promotion au CRT, comité régional du Tourisme, Marie-Hélène Vernerey a présenté le Plan d’action 2024 de Bourgogne-Franche-Comté Tourisme. Les frontières touristiques ne sont ni celles des anciennes régions, ni celles des Départements. Trois marques « de destinations » séparent la grande région BFC entre Bourgogne « jusqu’à Vesoul (70) », les montagnes du Jura et enfin le Massif des Vosges du Sud. La mission du CRT peut se résumer ainsi : « mieux communiquer pour que les touristes viennent dépenser un maximum ». Notamment la clientèle étrangère… tout en mettant en avant le tourisme « responsable ». Après tout, c’est aussi un luxe. Plusieurs labels permettent de rassurer sur la qualité touristique, avec notamment des labels partenaires tels que Vignobles et découverte, accueil vélo, villages fleuris, tourisme et handicap ou Séminaires et events pour le tourisme d’affaires. « Nous mettons aussi l’accent sur la thématique de la gastronomie avec les régions Aura et Paca » autour du concept de la Vallée de la gastronomie, allant initialement de Dijon à Marseille. Pour autant, l’arrêt de la Cité de Lyon et les faibles fréquentations à Dijon ne sont pas des plus porteurs. Pour relancer cette Vallée, « un projet de route numérique du repas des Français est dans les tuyaux », avec l’Unesco qui l’a classé au patrimoine mondial immatériel, au même titre que les Climats de Bourgogne.

En ce qui concerne la destination Bourgogne, via le programme de communication “Reconnexion intense” visant les touristes d’Île-de-France, du Grand Est, d’Auvergne-Rhône-Alpes et d’Allemagne, de Belgique, des Pays-Bas, de Suisse, de Grande-Bretagne, des États-Unis et du Japon… l’objectif est « aujourd’hui de rajeunir les clients ». La Bourgogne devant devenir « une référence à l’automne notamment ». La Région ne vise pas les mêmes touristes pour les Montagnes du Jura, cherchant à conquérir plutôt les pays frontaliers, type, Allemagne, Belgique, Pays-Bas et Suisse. Le Jura servant de lieu « pour faire des petites et des grandes explorations » en montagnes. Enfin, la marque Massif des Vosges est une destination plus « buissonnière », cherchant à attirer les Hauts-de-France, le Grand Est et l’Allemagne « juste par proximité ».

Viennent ensuite des offres touristiques par filières. Évidemment l’œnotourisme, mais on retrouve aussi la filière itinérance, avec notamment des itinéraires sur l’application référence des randonneurs, Komoot. La filière patrimoine va, elle, se positionner sur « nos neuf sites Unesco ». Enfin, la filière tourisme d’affaires mise sur un moteur de recherche web sur son site pour filtrer par activités, taille… parmi les 140 adhérents référencés sur ce site web dédié. Via le suivi des statistiques de fréquentation et son observatoire, le CRT « voit des différences. Par exemple, les Hollandais sont moins en recherche de prestations luxueuses, à la différence des Suisses », à pouvoir d’achat pourtant équivalent. Des données précieuses par rapport à son propre positionnement ou ses développements en perspectives.