Julien Denormandie, un agronome à l'Agriculture

Mis en ligne par Cédric MICHELIN
-

A la surprise de Didier Guillaume et de son cabinet, le Premier ministre l'a démis, le 6 juillet, de ses fonctions, pour le remplacer par Julien Denormandie, jusqu'ici ministre du Logement. Haut fonctionnaire rattaché au corps des Eaux et Forêts (Ipef), cet ingénieur agronome de 40 ans, proche d'Emmanuel Macron, s'est affiché dans la continuité de son prédécesseur lors de la passation de pouvoirs.

Julien Denormandie, un agronome à l'Agriculture

A quelques jours près, Didier Guillaume n'aura pas eu le temps de finaliser sa réforme de la gestion des risques agricoles. Alors qu'il devait s'exprimer mi-juillet sur ce dossier qu'il porte de longue date, le Premier ministre lui a finalement trouvé un remplaçant, ce 6 juillet.

C'est Julien Denormandie qui a été nommé au poste de ministre de «l'Agriculture et de l'alimentation». Né en 1980, Julien Denormandie est un ingénieur agronome (AgroParisTech) et un haut fonctionnaire rattaché au corps des Eaux et Forêts (Ipef), ce qui n'avait plus été le cas d'un ministre de l'Agriculture depuis le mandat de Pierre Méhaignerie (1977-1981).

Julien Denormandie était jusqu'ici ministre en charge de la Ville et du Logement, et auparavant secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Cohésion des territoires. Proche d'Emmanuel Macron, il a été son directeur adjoint de cabinet lorsqu'il était ministre de l'Economie, et l'un des principaux artisans de sa campagne à l'élection présidentielle.

Pas de fusion ministérielle donc ; la rue de Varenne n'a pas été rattachée à l'Ecologie ou à l'Economie, comme le craignait le syndicalisme majoritaire. A l'heure où nous écrivons ces lignes, le sort de la pêche (maritime) n'est pas encore scellé. La direction des pêches maritimes et de l’aquaculture pourrait tout aussi bien rester Rue de Varenne, qu'être rattachée au tout nouveau ministère de la Mer.

Surprise de Didier Guillaume

Du côté de Didier Guillaume et de son équipe, c'est la surprise et la déception. «Si l'on m'avait dit il y a 48 heures que je serai là ce matin pour la passation de pouvoirs avec Julien (Denormandie, ndlr), je ne l'aurais surement pas cru». C'est ainsi que l'élu de la Drôme a débuté son discours de passation, le 7 juillet, affichant sa surprise d'être démis de ses fonctions, et mettant en avant la dureté du jeu politique.

Mais «les cimetières sont pleins de gens irremplaçables», a-t-poursuivi. Et d'enchainer par l'éloge de son successeur, de «ses qualités humaines, professionnelles, sa connaissance des dossiers agricoles et de la forêt». Car, note-t-il, en désignant les fonctionnaires de l'administation centrale présents lors de la cérémonie: «n'oubliez pas que le ministre est un Ipef (ingénieur des ponts et forêts, ndlr) et il y en a beaucoup ici».

«Je serai le ministre des agriculteurs»

Pour son premier discours, Julien Denormandie n'a pas donné signe de redirection particulière. «Je serai le ministre des agriculteurs, à leurs côtés, fier de leur travail que je connais bien, je serai le ministre également d'une alimentation française durable, accessible à tous», a conclu le nouveau ministre de l'Agriculture le 7 juillet lors de la passation de pouvoirs.

Il s'est affiché dans la continuité de son prédécesseur et des Etats généraux de l'alimentation. Il n'a pas évoqué les dossiers d'actualité portés par Didier Guillaume, comme la gestion des risques climatiques, ou l'organisation d'une «grande conférence» à la rentrée sur la souveraineté alimentaire.

Il a toutefois plaidé pour «renforcer à l'échelle européenne notre souveraineté», et affiché sa détermination pour que «l'agriculture et l'alimentation soient des éléments importants du plan de relance». S'affichant enfin en homme de «dialogue», il a annoncé qu'il recevra «dans les prochains jours» syndicats et organisations professionnelles.

Mathieu Robert

Une opposante aux 1000 vaches à l'Ecologie

Autre changement notable de ce remaniement: la députée LREM Barbara Pompili a été nommée ministre de la Transition écologique. Elue dans la Somme depuis 2012, cette ancienne d'EELV a été une fervente opposante au projet de Ferme des 1000 vaches dans son département. De 2016 à 2017, elle fut brièvement secrétaire d’État chargée de la Biodiversité, sous la présidence de François Hollande. Lors de sa passation de pouvoir le 7 juillet avec Élisabeth Borne, Barbara Pompili a considéré sa prise de fonction comme «un symbole de continuité» pour l’État. «Je me garderai bien d’établir tout de suite un programme d’action», a prévenu Barbara Pompili. Ce programme sera construit progressivement «en concertation large» avec les associations, les parlementaires, les collectivités locales et les entreprises. «Nous aurons à concrétiser les travaux de la Convention citoyenne sur le climat», a précisé la nouvelle ministre, reconnaissant avoir partagé «certains doutes», lors du lancement de l’initiative il y a un an.

 

 

Réactions des organisations professionnelles agricoles

Julien Denormandie plutôt bien accueilli par les syndicats agricoles:

L'APCA demande un ministre qui «accompagne les transitions»

Réagissant auprès d'Agra presse à la nomination d'un nouveau ministre de l'Agriculture le 6 juillet, le président de l'APCA (chambres d'agriculture), Sébastien Windsor, souhaite un ministre «à l'écoute» et qui «accompagne les transitions» auxquelles sont confrontées les agriculteurs. «L'agriculture vit une crise et des difficultés importantes, avec une moisson qui s'annonce compliquée, une sécheresse, des difficultés liées aux ravageurs, des attentes très fortes de la société et une restructuration économique, résume-t-il. Il faut accompagner les agriculteurs dans ces transitions». S'adressant aux trois ministres, de l'Agriculture, de la Cohésion des territoires, et de la Transition écologique, l'agriculteur de Seine-Maritime demande «une politique plus incitative et moins coercitive, une politique d'accompagnement des agriculteurs dans le changement». Et de mettre en avant les propositions faites ces derniers mois par son réseau, au travers du plan stratégique des chambres d’agriculture pour 2025, ou du plan de relance. «Voyons-nous et regardons ensemble les propositions que nous pouvons mettre sur la table», conclut Sébastien Windsor.

La FNSEA veut que la «souveraineté alimentaire» soit une priorité

Réagissant à la nomination de Julien Denormandie au poste de ministre de l'Agriculture le 6 juillet, la FNSEA demande, dans un communiqué, que la «souveraineté alimentaire» soit «une priorité d'action», concrétisant ainsi «la promesse du Président de la République» faite lors de ses allocutions de la période de confinement. Pour le syndicat majoritaire, cela passe «par des politiques publiques qui valorisent l'acte de production sur nos territoires», des «stratégies de filières, dans des conditions de compétitivité et de partage de la valeur ajoutée permettant aux agriculteurs de vivre du prix rémunérateur de leurs produits et en s'appuyant sur la pluralité des formes d'agriculture française». Côté agenda, la FNSEA attend notamment le nouveau ministre sur la «séquence européenne qui s'ouvre par la discussion du cadre financier pluriannuel dès ce mois-ci et qui va se poursuivre par la discussions du plan stratégique national (PSN)». Le syndicat avertit que «ces premiers pas du ministre et les choix faits indiqueront clairement l'ambition du gouvernement pour un secteur agricole et agroalimentaire dont la crise du Covid a rappelé le caractère stratégique».

Les JA veulent la «résilience» et le «renouvellement» à l'agenda

Les Jeunes agriculteurs (JA) se «félicitent» de la nomination de Julien Denormandie, et l'appellent à placer les thèmes suivants «à l'agenda politique»: la «résilience» de l'agriculture, le «renouvellement des générations» et une «politique alimentaire européenne et internationale cohérente». A l'instar de la FNSEA, les JA appellent le ministre à poursuivre le récent travail engagé «répondre à l'enjeu d'assurer notre souveraineté alimentaire» et lui demandent de ne pas abandonner le projet de loi foncière, dans l'objectif «de faciliter l'accès des terres aux jeunes et de réguler les transactions foncières». Concernant le renouvellement des générations, ils appellent Julien Denormandie à prendre les mesures suivantes : «promotion du métier», «renforcement de la formation initiale et continue, de l'accompagnement humain et financier» et «facilit(ation de) la transmission des exploitations». Ils rappellent enfin leur demande d'un budget de la Pac «ambitieux», leur «refus des accords commerciaux internationaux qui sacrifient l'agriculture», à laquelle ils préfèrent «une logique de complémentarité des échanges».