Attaque de troupeaux par le loup
Les éleveurs entre inquiétude et colère

Régis Gaillard
-

Depuis le 25 juin, pas moins de 9 troupeaux ont été attaqués par un grand prédateur dans 6 communes du Charolais : Viry, Vendenesses-les-Charolles, Mornay, Marizy, Martigny-Lecomte et Beaubery. Avec, à la clé, 33 ovins tués et 13 blessés. Une situation forcément insupportable pour des éleveurs très attachés à leurs animaux.

Les éleveurs entre inquiétude et colère
Les animaux ont systématiquement été attaqués à la gorge (Source photo : OFB, SD71).

L’inquiétude succède à la stupéfaction, l’incompréhension à l’effarement. Alors que le loup est depuis de nombreuses années déjà très présent sur nos terres, force est de constater que la cohabitation entre l’homme, les animaux d’élevage et ledit loup est plus que compliquée.

Du jamais vu

Ainsi, Claude Ducert, éleveur à Martigny-le-Comte, rappelle les circonstances des attaques dont son troupeau a été victime. « J’ai subi trois attaques. Les deux premières presque coup sur coup puis une troisième, trois jours après. J’ai eu cinq brebis et un bélier de tués. C’est la première fois qu’une telle chose m’arrive. Je n’ai jamais vu cela. Lorsque l’on observe le cadavre des animaux, on constate qu’ils ont été attaqués au cou, qu’ils ont été égorgés tous de la même façon. Ils n’ont quasiment pas été mangés, juste un peu pour certains derrière l’épaule. Au départ, nous avions un doute sur l’animal qui les a attaqué. Face à cela, nous avons décidé de changer nos animaux de parcelle puisqu’ils ont été attaqués les trois fois sur la même parcelle. Nous avons également équipé la parcelle, notamment en caméra, pour savoir qui était ce prédateur mais il n’est jamais revenu ».

Installé à Vendenesse-lès-Charolles, Alain Guilloux a subi des pertes plus qu’importantes. « Tous les matins, je fais le tour de mes animaux pour leur donner une ration alimentaire. A mon arrivée, un matin, j’ai aperçu à la barrière quatre brebis, toutes blessées. Les autres n’étaient pas là. Au fur et à mesure, j’ai découvert les animaux morts, à savoir 9 au total. Parmi les blessés, un est ensuite mort. Tous les animaux ont été mordus à la gorge. J’ai déjà eu par le passé des attaques de chiens et j’ai bien vu que les blessures ne correspondaient pas. C’est impressionnant. Sur l’ensemble des animaux morts, seulement un agneau a été mangé à l’épaule ». Dès lors, Alain Guilloux a pris quelques mesures. « Nous rentrons les animaux tous les soirs. Ce n’est vraiment pas l’idéal avec la chaleur qui règne actuellement. Puis nous les relâchons le matin. Nous avons mis le bélier pour la reproduction mais, pour l’instant, c’est calme. Nous avons décidé de laisser les animaux à proximité des bâtiments. Il faut savoir que les bêtes attaquées se situaient à seulement 250 m des bâtiments. Quant à l’indemnisation, il faut qu’elle soit à la hauteur des pertes de chaque éleveur ».

La crainte d’autres attaques

Pour sa part, Frédéric Priest n’est pas moins inquiet. Non seulement par la situation actuelle mais aussi par les futures possibles conséquences de ces attaques. « L’attaque de mes animaux a eu lieu le 10 juillet. J’étais déjà au courant qu’il y en avait eu lors des jours précédents, notamment chez Mr Ducert à trois reprises. Le mercredi précédant l’attaque de mon troupeau, ce fut au tour de Mr Guilloux d’être touché. J’avais pu voir ses animaux. Ma première intuition est qu’il ne s’agissait pas d’attaque de chiens dont j’ai été victime par le passé. Là, il y avait un trou sous la gorge. J’étais loin de penser que j’allais être attaqué sur mon exploitation à Mornay. La nuit où c’est arrivé, j’étais chez mon voisin à faire une ronde. Pendant ce temps, le prédateur était chez moi. Il a attaqué mes animaux qui se situaient dans un pré à proximité de mes bâtiments. Il a tué quatre animaux sur le coup et trois ont été sérieusement blessés. L’un d’eux est ensuite décédé et les deux autres sont aujourd’hui en piteux état. Les bêtes tuées n’ont quasiment pas été mangées. Toutes mes bêtes ont été apeurées même si cela commence à aller mieux. J’ai des petits troupeaux. J’ai donc décidé de les rentrer chaque nuit. Et le jour, elles restent à proximité des bâtiments. Mais cela ne peut pas être une situation pérenne dans le temps. Je m’interroge aussi sur le fait de savoir si mes bêtes vont accepter le bélier car la période de reproduction approche. Je me pose aussi des questions concernant le vêlage des veaux en septembre. Après le vêlage, on met les veaux au pré. Il ne faudrait pas qu’ils soient attaqués à leur tour ».

C’est dans la nuit du 18 au 19 juillet que les animaux de la famille Saborin, à Martigny-le-Comte, ont également été attaqués. « Nous n’avons eu qu’un seul animal tué, une brebis mais c’était la plus grosse du cheptel, précise Thibault Saborin. Elle a été attaquée à 70 m de la maison d’habitation. Elle a été attaquée au cou et mangée derrière l’épaule ». Une situation compliquée à gérer. « Tous nos prés ne sont pas clos. Et rentrer les animaux la nuit est très compliqué car il fait très chaud. Et pas question de les rentrer et de laisser les portes ouvertes, ce serait pire. Je suis en cours d’installation et cela pourrait mettre en péril mon installation s’il y a de nouvelles attaques. C’est sûr que ces attaques restent en permanence dans un coin de la tête ».

Cette bête a été retrouvée sur l'exploitation de la famille Saborin à Martigny-le-Comte.
Le loup doit changer de statut !

Le loup doit changer de statut !

Le 31 juillet au Breuil lors de la visite du Secrétaire d'Etat, Clément Beaune, le président de la section ovine de la FDSEA, Alexandre Saunier montait immédiatement au créneau pour demander un changement de statut du loup classé comme strictement protégé en Europe. Avec plus de 500 individus recensés, la politique de ré-introduction a fonctionné, rappelait-il. L'éleveur réclamait au nom de ses collègues que le loup passe de strictement protégé au statut d'espèce protégée. Et pour appuyer cette demande, il expliquait qu'ici en zone de plaine du Charolais, les mesures de protection actuelles ne sont pas adaptées ni suffisante et qu'ici "ce sont non élevages qui ont un critère de non préotégéabilité". Le Secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargé des affaires européennes convenait qu'un changement de statut du loup est envisageable puisque le seuil de 500 loups a été atteint même s'il avertissait que des résistances se feraient certainement jour. Mais il s'engageait devant les 50 agriculteurs présents à réouvrir ce dossier et a en parler à Barbara Pompili, ministre de l'Environnement. En ce qui concerne notre département, deux réunions sont d'ores et déjà planifié, le 11 août entre éleveurs et le 13 août avec les services de l'Etat.