Observatoire prospectif de l’agriculture en Bourgogne Franche-Comté
Construire sur des données objectives !

Cédric MICHELIN
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C’est un long travail de compilation et d’analyse de données mais l’observatoire prospectif de l’agriculture en Bourgogne Franche-Comté est central pour orienter les politiques et stratégies régionales à court et long terme. L’année 2020, marquée par la crise Covid, a « accéléré » les tendances déjà identifiées. Ces travaux - pour redonner des perspectives économiques ou s’adapter au changement climatique – doivent conduire demain à favoriser le renouvellement des générations, qui fera l’objet d’une prochaine conférence.

Construire sur des données objectives !

Pilotée par la chambre régionale d’agriculture, avec de nombreuses organisations (CER, Cuma, Interbio, JA etc.) ainsi que l’État (Draaf) et les collectivités (Région BFC, etc.), la dernière livraison de l’observatoire sur l’année 2020 est particulièrement riche d’enseignements. Avec sa double casquette de vice-président à la chambre régionale d’agriculture et au conseil régional BFC, Christian Morel rappelait que l’agriculture de Bourgogne Franche-Comté a été « très impactée par les changements climatiques ces dernières années », lui qui « essaiera de faire bouger les lignes pour plus de solidarité » côté Conseil régional, notamment envers les filières « en souffrance » : viande bovine, cultures en zones intermédiaires… ou encore vers la viticulture gelée cette année.
L’observatoire est surtout un outil permettant aux décideurs de sortir du conjoncturel pour observer les tendances à long terme. Ils étaient 140 à s’être connectés à la présentation ce 7 septembre. Pour bien prendre ce « recul » nécessaire, le président du CERFrance BFC, Vincent Landrot, présentait à tous l’évolution économique. « Il n’y a pas eu d’effet dévastateur du Covid pour nos filières », rassurait-il d’emblée mais plutôt une accélération des changements des modes de consommation (locaux, bio…) et de commercialisation (e-commerce, circuits courts…) déjà engagés.

Le monde d’avant ou d’après

Sarah Ferrier d’Interbio Franche-Comté et Nicolas Roche de CERFrance Alliance Centre entraient dans les détails économiques (lire dans notre prochaine édition). L’impact du Covid a été d’abord ressenti surtout au printemps, au début de la pandémie paralysant une grande partie des marchés, notamment pour les filières lait alors à leurs « pics de production et de mise bas ». Sans oublier l’arrêt total des activités de loisirs pour la filière équine. La fermeture des cavistes, RHD et foires et salons a aussi pénalisé les vignerons vendant sur ces marchés. À la fin de l’année, ce sont les produits festifs (volailles de Bresse, époisses, chaource…) qui ont dû s’orienter vers du « désengorgement » avec des réductions de volume, du stockage exceptionnel, de la congélation, des réorientations de marchés, des innovations technologiques… De nouveaux équilibres ont dû être construits de partout comme en viande bovine, où les problèmes de transports internationaux empêchaient les importations, faisant remonter les cours des femelles en France, mais dans le même temps on voyait le débouché italien « saturé » côté maigre mâle (JB, broutards), en raison de la fermeture des restaurants (italiens, français,…).
Si le développement des ventes directes, surtout du commerce par Internet, voire du drive complétant les ventes à la ferme, est une bonne nouvelle, « cette explosion des circuits courts a été limitée par la dimension des ateliers », limitant de fait la hausse du chiffre d’affaires final. L’observatoire 2022 sur l’année 2021 devrait dire si le monde d’après sera différent, ou non, du monde d’avant.

Le climat rebat les cartes

En attendant, 2020 a surtout été marquée par un déficit hydrique hivernal, un printemps sec, une canicule estivale provoquant un surcoût du poste alimentation animale (malgré anticipation des achats ou de substituts), des grillures et flétrissements en viticulture ou encore abaissant les rendements en grandes cultures, « fragilisant tous les systèmes ».
Premier résultat visible, la répartition des surfaces change avec le climat, les maladies et ravageurs. La sole de tournesol a triplé (55.000 ha) et dépasse désormais le soja (38.510 ha mais avec un rendement faible). Mais c’est surtout la division par deux en trois ans des surfaces de colza (91.500 ha en 2020) qui est notable. Lentilles et pois chiche viennent diversifier les rotations.
Les éleveurs ont adapté leurs périodes de pâturage et investi pour améliorer le bien-être animal (ventilateur, brumisateur…).
Car les attentes sociétales côté alimentation sont de plus en plus prégnantes « depuis 2015 ». « Si on résume, on constate un déplacement des priorités : avant sur le goût, le prix, la praticité… vers l’origine du produit et le respect de l’environnement » qu’on pourrait traduire par un besoin « de plus d’éthique dans sa consommation », analyse Sarah Ferrier. En Bourgogne Franche-Comté, 41 % de la population déclare avoir « modifier son comportement d’achat alimentaire » dans ce sens, même si chez nous « l’attachement aux produits locaux » est plus fort que dans le reste de la France comparativement. La future marque régionale des produits régionaux pourrait donc vite trouver son marché. Attention néanmoins, dans le même temps, la précarité alimentaire a augmenté même si « ce n’est pas forcément palpable sur nos filières agricoles régionales ».

Construire l’avenir ensemble

De la Draaf, Anne Bronner rappelait que la force et le positionnement de l’agriculture en Bourgogne Franche-Comté représente 4 % de la valeur ajoutée régionale contre 1,5 % en France en moyenne. « La région est engagée dans la transition agroécologique, dans la moyenne nationale, autour de 10 % des exploitations en bio et via des groupements d’agriculteurs (GIEE, Dephy, fermes 30.000, etc.) ».
L’observatoire est disponible sur les sites web de la chambre régionale ou des partenaires. Toutes les données économiques et techniques sont porteuses d’enseignements et le seront encore plus après croisement des données avec celles du recensement 2020. « Une mine de données objectivées pour agir à court et long terme ». Surtout avec une fin d’année 2021 qui devrait réfléchir à l’avenir à travers le Varenne de l’eau, la poursuite du Plan de Relance, les ÉGAlim 2… Pas de doute pour Sylvain Marmier, président du Comité économique à la chambre régionale d’agriculture : cet observatoire est « indispensable pour objectiver la situation et demain, savoir s’adapter et limiter les écarts entre agriculteurs, pour tirer tout le monde vers le haut ». À l’heure d’une nouvelle Pac et autres politiques, européenne et française, ce n’est donc que le début des travaux « pour construire ensemble, et j’insiste sur ensemble, de la valeur ajoutée économique et de la diversification pour nos agricultures ». Il citait en exemple le dossier Profilait, porté par Alliance BFC, pour des protéines locales « peut-être plus chères mais surtout plus qualitatives et aussi plus indépendantes » des variations et de la volatilité des matières premières sur les marchés mondialisés. « Il nous faut construire l’agriculture de demain et réussir à renouveler nos générations », objet d’une prochaine conférence. Là est bien l’objectif final de cet observatoire.