DÉPÊCHE JURIDIQUE
Le démembrement de propriété et le bail rural

La propriété est définie par le code civil comme « le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ». 
Cette propriété peut être démembrée. En effet, la propriété comprend le droit d’user, de percevoir les fruits et de disposer des biens. 
Alors, lorsqu’une parcelle agricole est démembrée, qui du nu-propriétaire ou de l’usufruitier peut donner à bail ? Et qu’en est-il des autres prérogatives du bailleur, telles que le droit de reprise ?

Le démembrement de propriété et le bail rural

Le démembrement de propriété 

Le droit de propriété peut être démembré entre usufruitier et nu-propriétaire. 

L’usufruitier obtient le droit d’user et de recevoir les revenus du bien : « L’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance » (article 578 du Code civil). 

Le nu-propriétaire conserve, lui, le droit de vendre et donner le bien. 

L’usufruitier et la jouissance du bien

« L’usufruitier a le droit de jouir de toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire l’objet dont il a l’usufruit » (article 582 du Code civil). 

Les fruits naturels sont le produit spontané de la terre. 

Les fruits industriels sont ceux qu’on obtient par la culture. 

Les fruits civils sont les loyers des maisons, les intérêts des sommes exigibles, les arrérages des rentes. Les fermages des baux ruraux sont aussi rangés dans la classe des fruits civils. 

Le démembrement de propriété et la conclusion du bail rural ou d’une convention de mise à disposition Safer.

Le code civil, à l’article 595, dispose que « L’usufruitier peut jouir par lui-même, donner à bail à un autre, même vendre ou céder son droit à titre gratuit ». 

Cependant, le bail rural est un contrat particulier, protégé par le statut du fermage, qui se renouvelle tacitement. 

L’article 595 du code civil ajoute que « L’usufruitier ne peut, sans le concours du nu-propriétaire, donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal. À défaut d’accord du nu-propriétaire, l’usufruitier peut être autorisé par justice à passer seul cet acte ». 

Le concours du nu-propriétaire est donc nécessaire pour donner à bail, qu’il s’agisse d’un bail rural ou commercial. En pratique, ce concours se traduit par la nécessité pour le nu-propriétaire de signer le contrat. Toutefois, le consentement du nu-propriétaire pour la conclusion du bail ne lui confère pas la qualité de co-bailleur. La qualité de bailleur n’appartient qu’à l’usufruitier. L’obligation de s’assurer du concours du nu-propriétaire incombe à l’usufruitier seul, en sa qualité de bailleur. 

Le bail consenti par l’usufruitier seul est frappé de nullité, laquelle peut être invoquée par le nu-propriétaire dans un délai de 5 ans à compter du jour où il en a eu connaissance. 

À défaut d’accord, l’usufruitier peut obtenir l’autorisation en justice de conclure le bail seul, sachant que celle-ci relève du pouvoir souverain du Tribunal Paritaire des Baux Ruraux (TPBR) qui statut en fonction des intérêts en présence. 

La Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 22 octobre 2020, que la condition de concours du nu-propriétaire s’applique à tous les baux portant sur un fonds rural, qu’ils paraissent ou non soumis au statut du fermage. Dans les faits de l’arrêt, une convention de mise à disposition Safer avait été conclue par l’usufruitier seul, alors qu’il était nécessaire d’avoir l’accord exprès du nu-propriétaire. 

Le démembrement de propriété et les autres prérogatives du bailleur

Dans le cadre du bail rural, le bailleur dispose de certaines prérogatives. 

Parmi elles, le bailleur perçoit les fermages. Lorsque la propriété est démembrée, seul l’usufruitier perçoit les fruits du bien, c’est donc à lui que le preneur doit s’acquitter du fermage. 

Dans le rapport locatif, l’usufruitier est considéré comme le bailleur qui doit supporter « les grosses réparations ».

En revanche, le nu-propriétaire est celui qui a le droit de vendre la parcelle. Toutefois, l’accord de l’usufruitier est nécessaire lorsque la cession porte sur la pleine-propriété. 

Dans le cadre d’une reprise pour exploiter, la délivrance du congé par le bailleur relève de la seule faculté de l’usufruitier, sans accord nécessaire du nu-propriétaire. Par ailleurs, seul l’usufruitier peut exercer ce droit de reprise : soit à son profit, soit à celui de son conjoint, partenaire pacsé, descendant. 

Concernant la fin du bail et le compte de sortie, l’indemnité pour améliorations apportées au fonds loué pèse sur l’usufruitier qui a seul qualité de bailleur. 
SERVICE JURIDIQUE DU GROUPE FDSEA 71