Appellations d'origines contrôlées
La Cnaoc pousse pour une moindre fiscalité sur le foncier

En marge de l’examen par les députés du budget de l’État pour 2025, les vignerons d’appellation (Cnaoc) ont plaidé pour une moindre fiscalité sur la transmission du foncier.

La Cnaoc pousse pour une moindre fiscalité sur le foncier
Crédit BIVB - Igé

« Le modèle viticole familial est menacé », a déclaré en conférence de presse le 22 octobre le président du SGV (Syndicat général des vignerons) de la Champagne Maxime Toubart, pointant « des transmissions de plus en plus difficiles ». « Nous sommes obligés de vendre pour payer la succession », a expliqué le patron de la Cnaoc Jérôme Bauer. Leur demande, exprimée conjointement avec les fédérations régionales de Bourgogne et Bordeaux, consiste en « un Pacte Dutreil agricole », à savoir dont le périmètre intègre le foncier. Aujourd’hui, seule la transmission de l’exploitation bénéficie entièrement du dispositif d’abattement de 75 % sur les droits de succession. Les terres, non inscrites à l’actif du bilan, se voient appliquer un plafond d’exonération (500.000 euros, depuis la loi de Finances pour 2023), à condition d’être louées par bail à long terme sur une durée de 18 ans. Avec une valeur des vignes qui s’envole, la fiscalité de la transmission empêche la nouvelle génération de prendre la suite, selon les professionnels. « On est en train de perdre des joyaux » que seuls des investisseurs financiers ou des grands groupes ont les moyens de reprendre, a déclaré Jérôme Bauer.

Un « cadeau empoisonné » à la succession

Les vignes deviennent un « cadeau empoisonné » pour les enfants de viticulteurs qui « vont s’endetter pendant 40 ans » afin de régler les frais liés à la transmission familiale et ne pourront investir, a-t-il ajouté. À l’heure actuelle, en Champagne, un hectare vaut plus d’un million d’euros, jusqu’à 1,8 million d’euros dans certains secteurs. Le coût de la transmission des terres représente en moyenne 5,4 années du résultat courant avant impôt, selon les chiffres du SGV. « On ne sera plus propriétaire de nos terres parce qu’on n’y arrivera plus », a renchéri Thiébault Huber, pour la Bourgogne, où un « groupe de luxe » – en l’occurrence LVMH – vient d’acheter 1,3 hectare pour 15,5 millions d’euros.  « Souvent, on entend : “C’est des problèmes de riches” – mais ça détruit des familles », selon le président de la CAVB.  Une flambée des prix sans rapport avec la rentabilité des vignobles qui affecte la Champagne (où le prix moyen de l’hectare dépasse le million d’€) mais aussi certaines appellations du Bordelais ou d’Alsace.

Des investisseurs financiers, des compagnies d’assurances prennent le relais en achetant de grands domaines, a relevé Jean-Marie Garde, pour le Bordelais. « Il faut permettre aux propriétés familiales de continuer, selon le président de la FGVB. C’est malheureusement impossible, vu la surenchère sur les prix, avec des valeurs vénales complètement déconnectées par rapport à la rentabilité. » « Beaucoup de propriétés ont changé de mains », a-t-il indiqué. Des domaines qui sont « plutôt bien entretenus, mais dont les maisons d’habitation restent vides. Ça tue le tissu social ».

Une fiscalité inadaptée à la réalité économique

Si le dispositif fiscal actuel destiné à faciliter la transmission des biens ruraux (abattement des baux à long terme) prévoit un abattement de 75 % lors de la transmission sur la valeur des vignes transmises, « le plafonnement à 500.000 €, bien en deçà de la valeur du foncier dans certaines régions viticoles, est aujourd’hui inadapté », argumente Thiébault Huber. Les vignerons de la CNAOC militent pour que la transmission des exploitations viticoles relève du Pacte Dutreil (qui s’applique à toutes les entreprises) qui offre également un abattement de 75 % sur la fiscalité de la transmission des entreprises familiales, mais sans aucun plafond. « Cela permet aux entreprises de continuer à générer des emplois et des impôts, ce qui compense largement les allégements fiscaux », estime Maxime Toubart, le président du SGV.

La proposition du projet de Loi de Finances pour 2025, qui envisage de porter de 500.000 € à 600.000 € l’abattement de 75 % sur la valeur des biens ruraux transmis sous condition de bail à long terme à un jeune agriculteur ou jeune installé « manque de pertinence pour répondre aux défis réels des transmissions des exploitations viticoles », estime la CNAOC. Outre que les montants envisagés restent inférieurs à la valeur réelle des terres viticoles dans de nombreuses régions de France, l’orientation exclusive vers les jeunes agriculteurs est, selon la CNAOC, « injustifiée ».

« Cibler uniquement les jeunes agriculteurs comme bénéficiaires de la mesure crée une distorsion qui ne reflète pas la diversité des situations dans le secteur agricole », selon Maxime Toubart. En effet, les transmissions familiales ne concernent pas exclusivement les jeunes agriculteurs en viticulture. Bien souvent, les héritiers ou repreneurs potentiels ont plus de 40 ans. « Limiter l’abattement à ceux qui louent aux jeunes agriculteurs crée une inégalité de traitement, ne tient compte ni de la réalité de terrain, ni de la pyramide des âges », assurent les vignerons de la CNAOC. Le texte budgétaire en discussion à l’Assemblée nationale ne concrétise donc ni les promesses, ni les attentes de la viticulture. « Or le temps presse », insiste-t-on du côté viticole. La France perd des vignerons d’années en années avec -3 % en Champagne, -5 % en Charente, -14 % en Bourgogne, -17 % à Bordeaux et plus de 20 % en Alsace depuis 2010 selon le recensement agricole 2020. « Le modèle viticole familial, qui constitue l’épine dorsale de la viticulture française, est menacé », estime le bordelais Jean-Marie Garde. « La viticulture française ne se résume pas à des hectares de vignes : c’est un écosystème vivant, composé de PME familiales qui font vivre les villages et dynamisent les zones rurales. »