Élevage
Une filière caprine porteuse d'avenir en Auvergne-Rhône-Alpes

Le 29 novembre dernier, les acteurs de la filière caprine régionale se sont réunis à Montrottier (69) pour dresser le bilan de l’année écoulée et échanger à propos des prochains enjeux. Pour que la dynamique régionale reste favorable, l’installation en élevage de caprins est au cœur de tous les défis.

Une filière caprine porteuse d'avenir en Auvergne-Rhône-Alpes
Aymeric Duclos, éleveur caprins récemment installé à Montrottier (Rhône), a accueilli les acteurs de la filière au sein de son exploitation.

À l’échelle de la France, Auvergne-Rhône-Alpes est la région qui possède le plus d’éleveurs caprins. Un palmarès qu’elle partage avec celui de la production fromagère fermière. Au total, 1 000 producteurs fermiers produisent 35 % de la transformation fermière française de lait de chèvre. Pourtant, la région représente seulement 14 % du cheptel national. Un pourcentage qui peut paraître relativement faible, mais qui permet la production de trois AOP reconnues : le picodon, la rigotte de Condrieu et le chevrotin. L’axe de production continue de suivre un axe nord-sud. Ainsi, 75 % des élevages se situent en zone de montagne où 82 % des installations se font.

La production fermière en pleine dynamique

En moyenne, la taille des exploitations de la région est de cinquante hectares. Les fromagers possèdent, en moyenne, 65 chèvres. Les livreurs ont, quant à eux, connu un doublement du nombre de chèvres élevées en l’espace de 15 ans pour atteindre, en moyenne, 180 chèvres et une livraison moyenne égale à 120 000 litres. En termes de production sur l’année 2020, les résultats ont progressé (876 kg de lait par chèvre en Rhône-Alpes). Mais l’écart avec la moyenne nationale se maintient (989 kg). Au total, 1 000 producteurs transforment à la ferme, avec une majorité de produits lactiques. La commercialisation se déroule surtout en vente directe, puisque plus de 70 % des producteurs vendent à la ferme et plus de 60 % sur les marchés.

Un prix du lait en progression

Au sein de la zone Rhône-Alpes, près de 30 millions de litres de lait de chèvre sont livrés par 275 producteurs. Agrial et la Fromagerie de la Drôme sont deux laiteries qui font, à elles seules, 85 % de la collecte régionale. Le reste des livraisons de lait se répartit entre plus de 20 établissements appartenant à des grands groupes, des PME ou des très petits collecteurs de taille artisanale. Fait notable : d’après les données datant de 2018, Auvergne-Rhône-Alpes est la première région pour le nombre d’élevages caprins bio. Ils seraient 288 élevages en AB ou en conversion, essentiellement en fromagers fermiers, pour 15 144 chèvres, soit 12 % des effectifs régionaux. Selon l’enquête mensuelle laitière de FranceAgriMer, 29,3 millions de litres de lait de chèvre ont été livrées en Rhône-Alpes en 2021. Un résultat plus faible qu’en 2020 (29,5 millions de litres), principalement lié aux mauvais fourrages de l'année. À titre de comparaison, ce volume était de 31,8 millions de litres en 2011. Néanmoins, le prix moyen annuel du lait de chèvre payé aux producteurs progresse. En 2021, 1 000 litres correspondaient à 772 €. Une jolie augmentation, par rapport aux 603 € payés en 2012.

Favoriser l’installation en filière caprine

Pour préserver cette dynamique favorable au lait de chèvre, les partenaires de la filière se sont engagés à valoriser la production, via une charte à l’installation créée en 2018. Cette démarche est déjà très suivie par la Fromagerie de la Drôme, qui a comptabilisé quatre nouvelles installations en 2021-2022 sur sa zone. Pour faciliter ces nouvelles arrivées, la structure s’engage notamment à garantir le prix du lait pendant sept ans sur la grille 2021-2022 et à assurer un appui technique avec le contrôle laitier. Un véritable défi pour cette fromagerie bien connue pour la production de l’AOP picodon.

L.R.

 

« Les entreprises de collectes ont une vraie volonté d'accompagner une installation »
Thierry Gastou, responsable au Centre régional interprofessionnel de l'économie laitière Alpes Massif central (Criel).
Le mot du professionnel

« Les entreprises de collectes ont une vraie volonté d'accompagner une installation »

Thierry Gastou, responsable du centre régional interprofessionnel de l’économie laitière Alpes Massif central (Criel), en est persuadé : la filière caprine peut attirer un public qui n’est pas forcément issu du milieu agricole. « Par rapport à la filière bovine, le fonds d’investissement est moindre, détaille-t-il. Les entreprises qui collectent le lait caprin ont une vraie volonté d’accompagner une installation, car elles sont à la recherche de volumes. » Reste néanmoins une condition : la formation. Le point accueil et installation, situé à la chambre d’agriculture, constitue alors une première étape. Aymeric Duclos est un éleveur de caprins récemment installé dans le Rhône (voir encadré). Lors de cette journée dédiée à la filière, l’exploitant âgé de 23 ans a accepté d’accueillir les acteurs de la filière pour faire part de son expérience. Bien qu’il ait grandi au cœur de l’exploitation de son père, le jeune homme apprécie le suivi et les conseils de Rhône Conseil Élevage. Il faut dire que les premières années de production et d’installation sont déterminantes pour la suite. « Notre seul regret, c’est que les banques ne se soient pas forcément déplacées lors de cette visite chez Aymeric, car la filière caprine est porteuse, le prix du lait y est valorisé », conclut Thierry Gastou.

« J'ai fait le bon choix »
Pour Aymeric Duclos, jeune éleveur caprins situé à Montrottier (6Rhône), convaincre les banques de suivre son projet fait partie des plus grosses difficultés pour s'installer.
TÉMOIGNAGE

« J'ai fait le bon choix »

Aymeric Duclos est un jeune éleveur de 23 ans dont le cheptel, récemment constitué, se situe dans les monts du Lyonnais. Son parcours est suivi de près par les divers acteurs de la charte installation en filière caprine.

Après trois années de salariat, Aymeric Duclos a pris le virage de l’installation caprine en 2021. Tandis que son père avait toujours misé sur les vaches laitières, le jeune homme, installé à Montrottier au cœur des monts du Lyonnais, possède actuellement 130 chèvres. Son objectif est d'augmenter son cheptel à 250 bêtes. Ses chèvres donnent du lait depuis mars dernier. Une satisfaction pour celui qui a acheté et élevé ses chevrettes lui-même. « Plutôt que d’aller en pépinière, j’ai acheté un premier élevage dans le Rhône et deux autres dans la Loire auprès d’éleveurs réputés pour la génétique, détaille-t-il. Je pense avoir fait le bon choix. »

Le projet de construire une nurserie


Dans un premier temps, Aymeric Duclos souhaitait se doter d’un bâtiment en dur. Mais après un refus de la banque, le jeune homme s’est dirigé vers un tunnel complètement fermé de 60 mètres de longueur par 12 mètres de largeur. « Les mises bas ont eu lieu huit jours après, le timing était serré », se remémore-t-il, le sourire au coin des lèvres. Le jeune homme avait pourtant le soutien de l’entreprise coopérative Agrial. « Mais la banque disait que je n’avais pas assez d’expérience… Ils ont pris peur car je suis sur une zone à vaches et moins à chèvres », détaille-t-il. Ce qui n’a pas empêché la structure de lui garantir un prix d’achat sur le lait durant les premières années et de lui apporter une aide financière pour l’acquisition de ses chevrettes. L’année prochaine, l’éleveur prévoit d’investir dans un second de tunnel, de dix mètres par trente mètres, pour accueillir une nurserie et du stockage. « Je suis très bien suivi… Alors pourquoi ne pas vendre ensuite de la génétique suit. » Un projet que sa conseillère en élevage, Séverine Fontagnères, approuve : « il y a beaucoup de demandes alors une fois que tu seras dans l’annuaire Capgenes, cela partira ! »

L.R

La filière caprine régionale en 2022
Auvergne-Rhône-Alpes est la première région pour le nombre d’élevages caprins bio.
En chiffres

La filière caprine régionale en 2022

  • 1330 élevages d'au moins 20 chèvres,
  • 330 producteurs livreurs qui collectent 39 millions de litres de lait, soit 7,5 % de la collecte nationale, 
  • 1000 producteurs fermiers, soit 35 % de la transformation fermière française de lait de chèvre,
  • 3 AOP lait de chèvre produites dans la région : le picodon, la rigotte de Condrieu et le chevrotin,
  • 85 000 chevreaux de boucherie par an valorisés en viande de chèvre,
  • 36 installations aidées par an en moyenne, soit 2,7 % de l'effectif total d'éleveurs, dont 82 % en zone de montagne.