Journée pépiniéristes-viticulteurs
BIVB : résussir sa plantation de vignes

Florence Bouville
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Le 23 novembre, le pôle technique du BIVB (Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne) a organisé un "rendez-vous pépiniéristes-viticulteurs", autour du plant fini, aux Pépinières Thevenet & Fils (Pierreclos). Occasion, entre autres, de rappeler les règles d’or des plantations et complantations. En compagnie de Laurent Anginot de l’ATVB (Association technique viticole de Bourgogne) et de Benjamin Thevenet, partageant chacun leur expérience et leur savoir-faire.

BIVB : résussir sa plantation de vignes
Le délai minimal de repos entre la dernière récolte et la plantation est de 18 mois.

Les causes de dépérissement des vignes – et donc d’arrachage – sont multiples : maladie du court-noué, enroulement, vieillissement des porte-greffes (le 161-49C notamment), plus classiquement un rendement insuffisant, etc. Pour limiter les dépérissements précoces, une des clés réside dans la préservation et le bon développement du système racinaire. Ce dernier ne doit surtout pas être tabulaire (autrement dit traçant). Malheureusement, en plus d’être impacté par les pratiques et le type de sol, ce caractère peut découler de certains porte-greffes (PG). En Côte d'Or, Laurent Anginot constate de plus en plus des pousses racinaires horizontales. Dans ce cas, « les ceps ne survivront pas au changement climatique », déplore-t-il. L’objectif est donc d’avoir un système plongeant ou semi-plongeant. Pour y parvenir, cela se joue dès l’arrachage.

Le repos du sol

Au moment de l’arrachage, un décompactage du sol est nécessaire, sur l’horizon 30-60 cm, en veillant à ne pas former une semelle de labour. D’où l’importance de travailler sur sol ressuyé en surface et en profondeur. Les outils à dents sont à privilégier. Sont à bannir les outils rotatifs, généralement utilisés en maraîchage ; excepté bien sûr pour détruire le couvert végétal "de repos". Benjamin Thevenet note d’ailleurs qu’ici « la roto bêche n’est pas très utilisée en trop grande présence de cailloux […] nous, on laboure encore beaucoup la charrue ». À noter qu’en cas d’abondance de cailloux, il faut trouver le juste équilibre et ne pas broyer trop fin.

Ainsi, le délai minimal de repos entre la dernière récolte et la replantation est de 18 mois. « Avec une mise en culture ou une jachère entretenue » ; s’agissant là « d’un message purement technique », souligne Laurent Anginot. En matière d’engrais verts, le seigle par exemple, possède un système racinaire assez agressif, bon pour la structuration du sol. Dose de semis conseillée : 80 kg/ha. De plus, pour les deux hommes, il est clair que « le viticulteur a tout intérêt à se servir de la phase de repos pour se débarrasser des vivaces ». Ceci impliquant de prévoir un désherbage mécanique pour « gérer en amont les adventices ».

Analyse de terre et choix des PG

Afin d’adapter le choix du ou des PG, il est essentiel, avant plantation, de connaître le calcaire actif de son sol. En termes de représentativité, « une analyse de terre requiert 16 prélèvements par échantillon », précise le conseiller viticole. Il alerte également sur l’obligation du prestataire à analyser les deux horizons : 0-30 cm et 30-60 cm. Dans la mesure où tout le développement racinaire ainsi que la capacité de plantation sont déterminés par la tranche 30-60 cm, et non sur les premiers 30 cm. Si jamais le deuxième horizon n’apparaît pas sur les résultats, le viticulteur risque, en effet, de passer à côté de carences.

L’analyse de sol sert donc de véritable base au pépiniériste pour le choix du PG. « Un pépiniériste vous présente les informations dont vous avez besoin, la décision finale vous appartient », explique Benjamin Thevenet. Parfois, pour une même parcelle, il apparaît logique de recourir à deux PG, afin de prendre en compte l’hétérogénéité du sol. « Le choix vous appartient », insiste-t-il. En contrepartie, si vous plantez différents PG au sein d’une parcelle, au bout de 15 ans, des différences de vigueur vont apparaître. Chaque PG portant en lui une précocité ou une tardiveté, en matière de récolte. « Plus on diversifie, plus on densifie le travail par la suite », affirme celui qui en fait quotidiennement l’expérience. Au bilan, il s’agit d’une réflexion lourde de conséquences, puisqu’un « mauvais choix de PG se traduit par une forte augmentation des risques de dépérissement », s’accordent les deux hommes.

Que faire pendant et après la plantation ?

Du fait de l’importance de ces étapes, il ne faut pas hésiter à « faire preuve d’exigence », en premier lieu envers le pépiniériste mais également vis-à-vis du prestataire qui prépare votre sol. Il ne vous sera jamais reproché de commander à l’avance vos plants. Comptez idéalement un délai de 18 mois, aussi pour mieux anticiper un potentiel traitement à l’eau chaude. Le viticulteur et pépiniériste précise, d’autre part, que les plants se conservent entre 2 et 4 °C, sans qu’il y ait besoin de recourir à une réhydratation. La taille des racines ne doit pas dépasser 4-5 cm ; aucun tri n’est à effectuer. « On peut toutes les laisser », indique-t-il. Et du fait de leur petite taille, il n’y a pas de risque qu’elles rebiquent.

Autre conseil utile : ne pas apporter d’engrais azoté en année 0 de plantation. Les apports magnésiens et de potasse restant à calibrer en fonction des résultats issus de l’analyse de terre. Pour ce qui est de la matière organique, cette dernière ne doit pas être trop enfouie. D’après les retours terrain, le meilleur taux s’obtient par restitution des sarments (pas forcément tous broyés). Effets significatifs garantis. Quant à l’acte de plantation en tant que tel, finie l’utilisation de la fourchette, « le plantoir va très bien », déclare Laurent Anginot, l’outil à la main. En évitant à tout prix la bulle d’air.

Une fois la croissance de la vigne lancée, il est « tentant d’avoir des raisins sur des jeunes pieds ». Seulement, le poids généré n’est pas adapté à la taille du système racinaire et à la charge qu’il peut supporter. « Les anciens rajoutaient un œil tous les ans », relate le conseiller. De même que pour Benjamin Thevenet, « l’herbe dans les plantations est préjudiciable au développement de la plante », en particulier les adventices tenaces comme le chardon et le liseron. Il convient donc de maîtriser l’herbe au moins sur les 2-3 premières feuilles. Sur le Domaine, pendant les deux premières années, les travaux type sulfatage sont réalisés manuellement, pour ne pas créer d’asphyxie à cause d’engins trop lourds.

« L’eau devient un facteur limitant »

Dans l’ordre de priorité, les critères de sélection d’un PG sont les suivants : le calcaire actif, la sensibilité à la sécheresse, l’objectif qualitatif et la fertilité du sol. Il y a dix ans, le deuxième critère, relatif au stress hydrique, était listé en quatrième position. Constat assez révélateur de l’importance accrue des problématiques autour de la ressource en eau. D’ailleurs, la faible résistance à la sécheresse de certains PG se révèle de plus en plus. C’est par exemple le cas de riparia, « excellent d’un point de vue de la vinification », témoigne Benjamin Thevenet, mais qui souffre des conditions climatiques actuelles.

Pas étonnant donc que bon nombre de messages techniques portent désormais sur l’arrosage à la plantation. Certes, « cela peut faire peur », concède Laurent Anginot, qui a bien conscience qu’on « n’a pas tous des sols profonds avec une bonne capillarité ». La dose conseillée serait ainsi de 5 litres par plant. Toute la difficulté étant finalement de « trouver la bonne dose et la bonne fréquence pour que, pendant trois ans, le système racinaire se développe », conclut-il.

La déclinaison du PNDV (Plan national de lutte contre le dépérissement du vignoble) en Bourgogne continuera en 2024 puisqu’après la multiplication (17/07/23) et le plant fini (23/11/23), l’interprofession vous donne rendez-vous en mars pour un focus sur le greffage.

Plateforme Vitiplantation

Pour rappel, toute demande d’autorisation de plantation nouvelle est à faire en ligne, sur la plateforme dédiée de FranceAgriMer : Vitiplantation. Obligatoirement entre le 15 mars et le 15 mai (réponse le 31 juillet). La durée de l’autorisation est de trois ans.