C’est la question à laquelle tente de répondre la ferme expérimentale de Jalogny. Une étude en cours vise à définir les avantages et les inconvénients de cet outil numérique en élevage. Une étude présentée lors de la journée "Fiers d’être éleveur bovin", vendredi 10 novembre à Jalogny. Certains ont paru convaincus, d’autres moins…

Petit modèle de drone, le plus accessible, entre 400 et 1.000 € HT.
Petit modèle de drone, le plus accessible, entre 400 et 1.000 € HT.

Quels sont les intérêts techniques et économiques de l’utilisation du drone en élevage bovin allaitant ? Pour répondre à cette question Adrien Demarbaix et Victorine Perrin-Peyer, de Ferm’Inov, ainsi qu’Adrien Lebreton, ingénieur élevage de précision à l’Institut de l’élevage (Idele) s’interrogent sur les intérêts techniques et économiques de cet outil. L’objectif est d’établir une liste de modèles adaptés à différents systèmes d’élevage herbagers, tout en créant un inventaire des applications sur les fermes d’élevage et proposer des recommandations.

Un gain de temps ?

« Sur Ferm’Inov, on a quatre axes de travail dont 5/6 projets sur le numérique et l’équipement. Nous sommes persuadés que, dans l’enjeu du renouvellement des générations, ce sera un atout pour réduire la charge mentale et la charge de travail », introduit Adrien Demarbaix. L’expérience est menée sur des zones pastorales et des bocages. Ici, il s’agit de bovins viande, mais cela peut fonctionner avec d’autres élevages. Le site de 2,3 hectares est réparti sur trois îlots, dont un à Cluny d’environ 70 hectares. Tous les jours, il faut donc faire le tour des bêtes avec le 4x4. Pour cette étude, l’équipe a maintenu le comptage conventionnel une fois par semaine. Le reste du temps, Victorine se gare à l’entrée de la parcelle et utilise le drone pour l’inventaire en notant l’heure d’arrivée sur la parcelle, l’heure de sortie et les activités que lui ont permis d’effectuer le drone, comme le comptage, mais aussi la surveillance des abreuvoirs ou l’état de la clôture. « Nous notons également tous les avantages et les inconvénients, comme lorsqu’il y a trop de vent », dit-elle. Des tâches facilitées par la capacité du zoom x 56, ce qui fait que l’on peut compter des vaches situées à 1,6 km. « Un éleveur qui connaît bien ses vaches peut les identifier alors qu’on est à 65 mètres de hauteur », témoigne Victorine qui le teste depuis quelques mois. Elle estime que le drone lui fait gagner du temps sur des îlots où il y a plusieurs troupeaux. « Pour compter, voir s’il y en a une qui boite, mais aussi de les ramener avec le drone quand on s’en approche. Le drone a un zoom incroyable qui permet de voir le numéro des médailles de chaque vache. Évidemment, ce n’est pas le drone qui va donner du granulé ou refaire les clôtures. Il n’a pas pour objectif de nous remplacer, mais de nous aider ». Le gain de temps serait de ½ heure sur son tour quotidien en 4X4. S’il n’est pas question d’utiliser le drone chaque jour, c’est aussi parce que les animaux ont besoin de voir l’éleveur régulièrement. Puis, il y a les tâches qui sont en cours d’élaboration, comme un drone équipé d’un capteur qui pourrait, seul, compter l’élevage, « quand on a 400 moutons, c’est un gain de temps indéniable » enchérit Adrien Lebreton. Il existe une option haut-parleur pour parler aux animaux et aux chiens de protection. Cela permet également d’orienter un collaborateur sur le terrain pour lui indiquer la position exacte d’un animal égaré. Victorine, elle, utilise le drone sans haut-parleur, mais pour orienter ses bêtes avec le simple mouvement de l’appareil. Autre précision essentielle, il faut appeler ses animaux pour des interactions positives, tel le granulé, et pas seulement pour des interactions négatives, comme les vaccins, sans quoi l’animal risque de ne plus venir.

Combien ça coûte ?

Il faut d’abord savoir quel drone on veut/peut acheter, quelle est la réglementation et les contraintes du métier et de la filière pour répondre aux questions spécifiques des éleveurs. Quand le gain n’est que sur le temps, c’est à l’éleveur d’évaluer ses besoins. Le petit modèle présenté à Ferm’Inov (voir photo) coûte entre 400 et 1.000 euros selon les options. Les plus gros, des semi-professionnels comme l’autre modèle de l’atelier, sont munis d’une caméra thermique et coûtent 4.500 HT. « Chez nous, ce modèle n’est pas forcément utile, mais il peut l’être dans des élevages pastoraux très arbustifs », admet Adrien Lebreton.

Le prix varie avec le capteur ou la caméra dessus. Pour une caméra avec un zoom x56, il faut compter 2.500 / 3.000 € HT minimum. Pour les caméras thermiques, le gradient thermique sur l’écran de contrôle indique en noir ce qui est inférieur à 9°, en blanc ce qui est entre de 10° et 19°, en rouge ce qui est au-dessus. Sur de très grandes surfaces (30/40 ha) cela facilite les repérages d’animaux isolés, même en plein jour, à condition que la différence de température entre la vache et l’extérieur soit importante.

Si les tarifs du neuf sont conséquents, il existe un important marché de l’occasion. Autre indicateur économique à prendre en compte : les intrants consommés. Moins de 4x4 c’est moins de gasoil, mais le drone consomme de l’électricité. Il faut faire le point sur l’impact environnemental et le portefeuille.

Réglementation et formation

Il est impossible d’utiliser un drone quand il pleut ou quand il y a trop de vent. « Nous venons d’achever un essai sur un mois. Nous en ferons un autre au printemps et le test durera au total deux ans. Nous menons aussi des entretiens individuels pour des retours d’expérience. Victorine est convaincue, mais certains de ses collègues ne le sont pas, ou moins. D’où l’intérêt d’entendre le plus de témoignages possibles pour avoir une bonne vue d’ensemble » détaille Adrien Demarbaix.

Quant à la réglementation, elle interdit de survoler des personnes ou une route mais beaucoup d’usages sont accessibles aux éleveurs avec une formation en ligne qui est gratuite. Une formation qui ne nécessite qu’une demi-journée, voire une journée, que l’on peut étaler dans le temps. Les vols de nuit sont interdits lorsque les pilotes n’ont qu’une formation de base, mais une formation supplémentaire l’autorise, ce qui pourrait permettre de retrouver un veau perdu la nuit. D’après Victorine, l’objet est facile à prendre en main. « Je ne sais pas jouer aux jeux vidéo mais ça, je sais faire, ironise-t-elle. Un enfant de trois ans pourrait l’utiliser ». Ce à quoi un éleveur amusé répond : « oui, mais un enfant de 50 ans ? ». Attention toutefois aux arbres et aux fils électriques même si, a priori, l’objet est résistant. « S’il tombe, il ne se casse pas facilement » promet Victorine. Il peut sortir en extérieur jusqu’à -10° mais il faut éviter la pluie. Les modèles qui peuvent aller sous l’eau avoisinent les 10.000 € HT. Une agricultrice interroge : « est-ce autorisé pour l’effarouchement de prédateurs ? ». Officiellement le drone n’est pas référencé comme tel. Dans le Sud-Est des essais sont réalisés en ce sens et ils ont voulu faire enregistrer le drone comme effaroucheur, « je ne suis pas sûr que ça marche comme outil subventionnable, prévient Adrien Lebreton. C’est surtout un outil de surveillance qui pourrait notamment rassurer l’éleveur. Nous essayons par exemple de développer un outil qui compte les moutons quand ils rentrent dans le parc de nuit pour rassurer l’éleveur, tout simplement ».

Un outil pour mesurer les dégâts sur une exploitation

Petit plus, on peut prendre des photos, des vidéos et les stocker. Quant à la télécommande, elle fonctionne comme un smartphone avec Wi-Fi qui permet notamment de faire des captures d’écran. Un outil qui peut également être utile pour la communication de la ferme. Mais il est aussi possible de l’utiliser pour prendre des photos de dégâts de nuisibles ou d’intempéries afin de les envoyer à son assureur. Un service déjà proposé par des prestataires, tel qu’exo.expert*. Le drone est même utilisé par certaines fédérations de chasse pour mesurer l’impact et l’étendue des dégâts de manières beaucoup plus précise et rapide. Cet outil est donc envisageable pour de multiples actions que l’on n’a peut-être pas encore toutes explorées. Ce qui est sûr, c’est que le modèle économique peut lui aussi évoluer avec, pourquoi pas, une utilisation en CUMA en plus des prestataires de plus en plus nombreux. Encore une fois, tout dépend de l’usage et des besoins de l’éleveur.

*L’entreprise propose également de fournir des informations sur la santé des parcelles en analysant l’indice foliaire pour adapter les apports d’intrants (lire notre article paru le 23 janvier sur Agri71.fr).