Nouveau gouvernement
Jacques Mézard à l'Agriculture

Si les médias se sont donné à cœur joie de commenter la composition, les équilibres, les stratégies électorales sous-jacentes à telle ou telle nominations, attardons-nous aux personnalités du Gouvernement qui auront à faire, de près ou de loin, à l’agriculture…
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Jacques Mézard, 69 ans, a été nommé ministre de l’Agriculture, de la Pêche et de l’Alimentation du gouvernement d'Edouard Philippe. Il récupère ainsi la pêche qui avait migré au ministère de l’Ecologie dans le gouvernement précédent. Jacques Mézard est sénateur du Cantal du Parti radical de gauche (PRG). Ancien avocat, il a été élu au Sénat en 2008 après avoir siégé pendant quatorze ans au Conseil général du Cantal. Depuis 2011, il présidait le groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE), à majorité radical de gauche. Avocat de formation, il est vice-président de la commission sénatoriale aux collectivités territoriales du sénat. Les dossiers qui concernent la ruralité et l’aménagement des territoires lui tiennent particulièrement à cœur, tout comme ceux sur l’indépendance de la justice. Il a dénoncé la réforme des régions considérant qu’elle sacrifiait le Massif central, lui qui est un fervent défenseur du maintien des départements.
Très tôt dans la campagne, il avait pris position en faveur d’Emmanuel Macron, dont il a été un des acteurs dans l’élaboration du programme agricole. En revanche, il n’a aucune expérience européenne…

« Pragmatique »…


Réagissant à la nomination de Jacques Mézard, le président de la FDSEA du Cantal et secrétaire général adjoint de la FNSEA, Patrick Bénézit, décrit un homme « qui vient de la ruralité et qui connaît bien l'agriculture » et un « pragmatique ». Le président de la chambre d'agriculture du Cantal, Patrick Escure le décrit également comme « un pragmatique » et affirme avoir travaillé étroitement avec le sénateur. Selon les deux professionnels, Jacques Mézard s'est beaucoup engagé sur les dossiers d'export pour la filière bovin viande, mais également pour « mettre des limites aux normes dans le monde agricole ». « C'est un ministre qui peut amener certaines solutions », estime Patrick Bénézit.

« Le devoir d'aider les agriculteurs »


Lors de la passation de pouvoir entre Stéphane Le Foll et Jacques Mézard, qui a eu lieu le 17 mai après-midi, le nouveau ministre de l'Agriculture s'est présenté comme « un homme de conviction et de caractère » mais aussi « de concertation ».
« Je connais bien le monde agricole, venant d'un département hyper-rural et agricole », a-t-il déclaré. « Les agriculteurs sont essentiels à la vie de la Nation. Nous avons le devoir de les aider », a-t-il poursuivi, disant avoir conscience de « la tâche difficile » qui lui incombe désormais et que « tous les problèmes ne se régleront pas d'un coup de baguette magique ». Il entend constituer rapidement son équipe, « d'ici la fin de la semaine » avant d’engager les États généraux de l'alimentation, la première priorité étant « le prix payé » aux agriculteurs ! « Il faut arriver à une meilleure coordination entre producteurs, transformateurs et distributeurs », a-t-il insisté. Il faudra aussi « poursuivre la transition engagée par Stéphane Le Foll ».





Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique


A 62 ans, Nicolas Hulot a été nommé ministre de la Transition écologique et solidaire, titre qu’il a lui-même choisi. Le titre de ministre d'Etat le place comme numéro deux du nouveau gouvernement. Ce proche des ONG environnementales prend donc la suite de l'ancienne ministre Ségolène Royal sur de nombreux sujets. L'agriculture doit en attendre beaucoup. En premier lieu, l'interdiction des néonicotinoïdes inscrite dans la loi Biodiversité du précédent gouvernement est prévue à partir du 1er septembre 2018 avec certes de possibles dérogations mais qui restent encore à définir, et seulement jusqu'en 2020. Autre dossier majeur : maintenir la France comme tête de file sur l'accord climatique mondial obtenu lors de la Cop 21 de Paris. Le défi est de taille face au manque de clarté du président américain Donald Trump sur ces questions. Il reste aussi à définir les contours d'un cadre pour rémunérer les agriculteurs acteurs de la compensation écologique introduite dans la loi Biodiversité. Enfin, parmi d'autres dossiers prioritaires, celui des énergies renouvelables. Il entend poursuivre la dynamique engagée pour leur déploiement, notamment concernant le biogaz ou encore le bois énergie, la transition énergétique supputant la fin progressive du recours aux énergies fossiles et à l’énergie nucléaire…
La nomination de Nicolas Hulot, ancien président de la Fondation écologiste du même nom et personnalité très clivante, comme ministre de la Transition écologique et solidaire, sans surprise, divise d’emblée. « Pour les chasseurs, c'est la douche froide », a réagi Thierry Coste, conseiller à la Fédération nationale des chasseurs. L'organisation qualifie le nouveau ministre « d'anti-chasseur » et s'inquiète des dossiers comme celui de la police de la nature et de l'Agence française de la biodiversité à laquelle ils envisageaient d'adhérer. « Mais les conditions ne semblent plus être réunies avec la nomination de Nicolas Hulot », soupire-t-on à la FNC qui va demander sans tarder un rendez-vous avec le Président de la République. L’Agriculture a choisi de ne pas s’exprimer sur cette nomination.



Richard Ferrand, ministre de la Cohésion des territoires


Richard Ferrand, 54 ans et secrétaire général du mouvement En Marche, est nommé ministre de la Cohésion des territoires. Un intitulé inédit pour un ministère qui devrait couvrir les missions de l’ancien ministère de l’Aménagement du territoire, de la Ruralité et des Collectivités territoriales lequel relevait jusqu’alors de Jean-Michel Baylet, mais également celles du ministère du Logement, occupé par Emmanuelle Cosse, et une partie de celles incombant à l’ancien ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports qui était confié à Patrick Kanner. Richard Ferrand, ancien journaliste et communicant, a été secrétaire d’État à l’Intégration de 1990 à 1992, conseiller général du Finistère et conseiller régional de Bretagne. Il est député PS du Finistère depuis 2012. En 2014, il a été rapporteur de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron…




Agnès Buzyn, ministre de la Santé


Médecin et professeur de médecine, spécialiste d'hématologie, d'immunologie des tumeurs et de la transplantation, Agnès Buzyn est la nouvelle ministre de la Santé. A 54 ans, celle-ci prend la succession de Marie-Sol Touraine, personnalité très clivante. Pour autant, il n’est pas certain que l’arrivée de la nouvelle ministre réjouisse tout le monde. En effet, Agnès Buzyn a présidé l’Inca (Institut national du Cancer), où elle a adopté des positions intransigeantes sur la lutte contre l’alcoolisme, elle qui s’était alors élevée avec force contre la clarification de la loi Evin concernant la promotion de l’œnotourisme et des territoires du vin.




Réactions professionnelles
Du pragmatisme !


 A la question "Quelles sont vos attentes à l’égard du président de la République ?", la FNSEA répond sans détour et sans faux semblant : « Beaucoup de pragmatisme ! » Depuis longtemps, la FNSEA tire en effet la sonnette d’alarme sur la perte de terrain de notre agriculture française face à l’Allemagne. Lors des États généraux de l’agriculture en 2014, « nous avions identifié les leviers à activer pour y remédier », rappelle Christiane Lambert, présidente, pour qui il faut « en finir avec l’excès de normes, travailler notre compétitivité, notamment du point de vue du coût du travail, et accepter l’innovation… ». Et celle-ci de poursuivre : « nous attendons que le Corena, le Comité de révisions des normes en agriculture, mis en place en février 2016, soit maintenu. Il a déjà eu des effets positifs, comme celui d’éviter un durcissement des normes Phyto 2006, il doit continuer son analyse. Il faut qu’il aille dans le sens d’une application de la règle européenne, et seulement d’elle, sans transposition excessive, pour nous donner nos chances dans un marché unique ». Plus encore, « mais ce que nous attendons aussi du nouveau Président de la République, c’est qu’il entende que les agriculteurs et les habitants des territoires ruraux se sentent déclassés, stigmatisés, catalogués pollueurs, tortionnaires d’animaux, sans que jamais les ministres de l’Agriculture successifs les aient défendus. Il faut changer cela ! Sait-on qu’en cinq ans, les éleveurs de porcs français ont réduit de 21 % les antibiotiques donnés à leurs animaux ? Dans le même temps, l’utilisation a progressé de +8 % en Allemagne et de +25 % en Espagne… Et la France importe massivement cette viande. Les efforts des agriculteurs français ne sont pas valorisés dans notre pays, où il y a un bruit de fond permanent contre eux. Quel paradoxe ! Ailleurs en Europe, notre agriculture est reconnue unanimement pour son excellence et sa qualité… ». La FNSEA avertit qu’elle sera « un interlocuteur loyal et exigeant portant la voix des agriculteurs », rappelant qu’elle sera comme elle l’a toujours été « force de propositions ».
 Après la nomination du ministre de l’Agriculture, la réaction de la FNSEA n’a pas tardé. Après avoir rappelé que l'agriculture est « un grand secteur économique et social » pour la France, celle-ci insiste auprès du nouveau ministre sur l’urgence de passer à l’action alors que la crise frappe toujours sévèrement ce pan majeur de l’économie française : « une crise économique et une crise morale ». « Quelqu'un venant des territoires, c'est une bonne chose. Il faut qu'il se mette au travail rapidement », a insisté Luc Smessaert, vice président de la FNSEA. « Nous n’avons pas de temps à perdre », insiste la FNSEA pour qui il faut notamment « remettre du carburant dans le moteur franco-allemand ». Il y a aussi deux grands chantiers prioritaires que sont la loi de simplification « pour redonner de l'oxygène à nos exploitation en faisant davantage confiance grâce au droit à l'erreur » et les prochains Etats généraux de l'alimentation, « pour retrouver de véritables équilibres dans la chaîne alimentaire et notamment la juste place des producteurs ».
De leur côté, les Jeunes agriculteurs ont interpellé le nouveau ministre, le 17 mai, sur l’urgence de « susciter des vocations en agriculture ». Pour Jérémy Decerle, président des JA, « notre objectif commun doit être de ne plus perdre de paysans ». Il demande avant tout au ministre « l'affirmation claire d'une vision sur le long terme pour l'agriculture française » et revendique une posture « d’ouverture » et de « dialogue ». Simplification des normes, accès au foncier, prix décents, négociations de la futur Pac, « les chantiers en cours sont denses et nombreux », rappellent les Jeunes.