EXCLU WEB : La planète face à un déficit structurel en colza, soja, tournesol

Cédric MICHELIN
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La campagne commerciale 2020-2021 et les suivantes seront tendues avec des prix de vente durablement élevés. La Chine fait exploser la demande planétaire alors que le potentiel de croissance des capacités de production des pays exportateurs d’oléo-protéagineux est très limité.

EXCLU WEB : La planète face à un déficit structurel en colza, soja, tournesol

En France, relancer la production de protéines végétales fait partie des priorités nationales. Les pays exportateurs majeurs d’oléo-protéagineux de la planète peineront, dans les années à venir, à répondre à la demande mondiale en graines et en tourteaux, tant elle croît. Lors du Paris Grain Day organisé, fin janvier, par Agritel, le spécialiste de la gestion des risques des marchés agricoles, le panorama conjoncturel dressé sur l’ensemble des filières oléo-protéagineuses interpelle. En particulier sur le canola (colza), le soja et le tournesol. 

Pertes importantes

Cette année, le canola est très convoité par la Chine, l’Union européenne et l’Asie du Sud-Est. Le Canada, premier pays producteur et exportateur mondial de canola ne parvient pas à répondre aux besoins des pays importateurs. Au rythme actuel des ventes (4,3 millions de tonnes –Mt- déjà expédiées contre 2,7 Mt l’an passé), le pays ne disposera pas assez de graines pour finir la campagne. Le pays doit réfréner ses livraisons en les limitant à 750.000 tonnes par mois.

La prochaine campagne s’annonce d’ores et déjà tendue avec des stocks de report très faibles (1 Mt, 5 % de la consommation). Le Canada projette une production de canola de 20 Mt à partir du printemps prochain en mobilisant jusqu’à 9 millions d’hectares (+ 6 % en un an). Au-delà, les risques agronomiques encourus seraient importants car les agriculteurs ne pourraient pas respecter les règles de rotation qu’impose la culture de colza. Or si, aux cours actuels, celle-ci dégage des marges importantes, l’oléagineuse coûte chère à produire. Et au moindre incident climatique, les pertes sont importantes. À moyen terme, l’Australie a l’attention de cultiver des variétés génétiquement modifiées de canola, plus productives et plus résistantes. Aussi, l’offre mondiale pourrait croître. Actuellement, le pays en produit 3,7 Mt et il en exporte 2,5 Mt. 

La productivité stagne

En ce début d’année, les exportations de soja étasunien explosent car le Brésil sera absent des marchés jusqu’à la fin de l’été austral. Or la Chine s’apprête à importer plus de 100 Mt de soja. Toutefois, les importations mondiales de graines croîtront moins vite que l’an passé car une grande partie de l’économie mondiale est entrée en récession. Selon Dan Basse (AgResource), le faible niveau des stocks de report de soja aux Etats-Unis (3 % des utilisations) conditionnera le prix moyen de campagne (13,2 $/boisseau, soit 440 €/t). Aussi, cultiver du soja aux États-Unis est plus intéressant que de produire du maïs. Mais les niveaux des cours très élevés auxquels se valorisent ces deux commodités mettent ces deux cultures en concurrence sur les 70 millions d’hectares de terre disponibles.

Dans le même temps, l’Argentine fait défection. Englué dans une crise économique structurelle, le pays ne soutient plus la production de soja. La taxation à 33 % des exportations n’incite même plus les producteurs à en cultiver autant qu’ils le souhaiteraient. La production, estimée de 47,5 Mt, est très inférieure à son potentiel de production. La productivité stagne et le taux de protéine a régressé de 5 points car les agriculteurs produisent eux-mêmes leurs semences. Pourtant, les agriculteurs préfèrent la culture du soja à celle du maïs. Le risque économique est très faible. Mais sans une politique de relance, le pays sera davantage distancé par le Brésil. Alors que la production traditionnelle de tournesol poursuit son déclin (2,9 Mt selon USDA en 2020-2021).

La conjoncture des prix des oléo-protéagineux défavorise l’essor de la filière biodiesel compte tenu du cours du baril de pétrole. En Malaisie et en Indonésie, les filières huiles de palme et palmiste sont anéanties par la succession de catastrophes climatiques.