Production viande bovine
Un partenariat qui donne de la lisibilité dans la production de viande bovine

Marc Labille
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Partenaires dans l’Est et le Nord-Est du département, Sicarev Coop et Bourgogne du Sud proposent à leurs adhérents de nouveaux contrats de production de viande bovine. Des ateliers de diversification innovants, à débouchés et revenus sécurisés, valorisant les productions animales et végétales du territoire.

Un partenariat qui donne de la lisibilité dans la production de viande bovine
Samuel Chanussot accompagné de son fils et entouré de Christian Collet de Bourgogne du Sud, François Chaintron et Romain Bouillot de Sicarev Coop, Roland Guillaume de Bourgogne du Sud.

Depuis plusieurs années, les coopératives Sicarev Coop et Bourgogne du Sud sont liées par un partenariat sur la zone Est et Nord-Est du département. Se côtoyant fréquemment chez leurs adhérents communs et partageant une même philosophie, les deux structures ont eu envie d’associer leurs compétences. Pour Sicarev Coop, il s’agissait de « développer la production bovine et une structuration de filières sur ce secteur. Notre implantation a beaucoup progressé en Bresse ces dix dernières années et Bourgogne du Sud y a contribué », confie François Chaintron, directeur à Sicarev Coop Charolais Horizon. Ouverte aux voies de diversification et dotée d’un potentiel fourrager important, la zone apparait comme très complémentaire au secteur charolais plus naisseur, explique le directeur. 

Carcasses légères et homogènes

L’évolution de la filière bovine depuis six mois conforte la démarche entamée par les deux coopératives. Poussées par une évolution des consommateurs et des distributeurs, de nouvelles demandes voient le jour, explique-t-on à Sicarev. Les attentes portent sur la qualité des produits avec un impératif de régularité couplé à une exigence quant à la taille des portions, mais aussi de tendreté et de couleur, détaille François Chaintron. Derrière ces nouvelles attentes, il y a une mutation de la distribution : les magasins de type hard-discount imposent leur modèle fait de gammes plus courtes et plus strictes (nombre limité de muscles et de type de steak, poids fixes). À cela s’ajoute la montée des valeurs sociétales : bien-être animal, non OGM, environnement. « Et la crise du Covid accentue tout cela : l’essor du drive et du click and collect interdit toute variabilité dans les poids des animaux », prévient François Chaintron. Les opérateurs doivent ainsi faire face à une demande nouvelle de carcasses légères et homogènes. 

Valoriser le maigre local

Pour ne pas passer à côté de ces marchés et s’adapter à leurs cahiers des charges, Sicarev propose des solutions innovantes qui s’adressent à tout type d’exploitations : naisseurs, naisseurs-engraisseurs ou engraisseurs. « Chez un naisseur, on peut travailler la qualité en développant la valorisation en label », fait valoir François Chaintron. Mais la filière a aussi besoin de nouveaux modes de finition en voie femelle comme en voie mâle. Pour ce faire, Sicarev Coop compte sur le territoire qu’elle partage avec Bourgogne du Sud. Ce déploiement repose sur différents contrats d’engraissement de génisses et de jeunes bovins que les deux coopératives promeuvent sur le terrain auprès de leurs adhérents respectifs. Opportunités de diversification, ces contrats à prix ou marges garantis sont aussi un moyen de valoriser le maigre local, fait valoir François Chaintron. Avec cette vertu « de pérenniser deux coopératives locales, un abattoir régional, des exploitations du secteur, la filière protéine régionale… », poursuit-t-il. Le groupe Sicarev a besoin de volumes importants pour fournir des génisses rajeunies à Carrefour, McDonald’s, Casino, révèle le directeur. Côté jeunes bovins, une nouvelle demande monte en puissance de la part de pays du nord de l’Europe ne pouvant engraisser en raison de fortes contraintes environnementales. De par ses qualités vertueuses, la production française peut y répondre, argumente François Chaintron. Aussi, Sicarev recherche-t-elle des ateliers d’engraissement en France, ouvrant par la même un nouveau débouché pour les broutards.

Contrats à rémunération garantie

« Sicarev Coop propose des contrats à prix garantis pour les naisseurs et des contrats à rémunération garantie pour les engraisseurs », présente François Chaintron. La rémunération est garantie sur le bilan de croît avec une base de prix fixe. Il s’agit d’un contrat type avec un modèle de production, un itinéraire type, un GMQ… Le contrat intègre un coût de production tenant compte de l’alimentation, des frais sanitaires, du taux de mortalité, des frais financiers, frais d’élevage, eau, électricité, bâtiment, main-d’oeuvre… Possibles jusqu’à une durée de sept ans et offrant des gages de sécurité économique, « ces contrats sont à la fois très lisibles et rassurants pour nos adhérents », commente Roland Guillaume, responsable service élevage à Bourgogne du Sud. « Sans devoir fournir des performances très élevées, avec des coûts raisonnables et évolutifs en fonction du prix du blé, l’éleveur peut sécuriser son revenu. Et il peut toujours améliorer sa marge à travers sa maîtrise technique », font valoir de concert François Chaintron et Roland Guillaume.

Fourrages et protéines régionaux

Répondant à de nouvelles attentes de filière, les cahiers des charges de ces contrats imposent une alimentation non OGM. Les deux coopératives partenaires en profitent pour défendre des protéines régionales que Bourgogne du Sud est en mesure de fournir grâce à son propre outil de production de tourteau Extrusel à Chalon-sur-Saône. Les rations destinées aux animaux à l’engraissement doivent contenir au moins 35 % fibres, décrit Christian Collet, technicien à Bourgogne du Sud. Pour produire cette part significative de fourrages, la coopérative accompagne les agriculteurs en leur faisant profiter de son expertise en matière de production fourragère. 

Samuel Chanussot : « un complément intéressant aux céréales »

Samuel Chanussot : « un complément intéressant aux céréales »

Installé en 2000 à Ratte, Samuel Chanussot était, jusqu’en 2019, à la tête d’une exploitation de 200 hectares produisant 140 hectares de grandes cultures et 60 hectares de foin. Au fil des années, il a aussi développé une activité d’entreprise de travaux agricoles spécialisée dans le pressage ainsi qu’une activité commerce de fourrages. Très saisonnière, l’activité d’entreprise génère une grosse pointe de travail en été d’où le besoin d’un salarié. Pour amortir une embauche, Samuel a choisi de reprendre une exploitation qui se libérait dans la commune voisine du Fay. Désormais, l’exploitation couvre 350 hectares sur deux sites. Pour occuper le salarié toute l’année, l’agriculteur a pensé à utiliser les bâtiments d’élevage qu’il venait d’acquérir. Il s’est tourné vers Sicarev Coop qui lui a présenté ses contrats de production. Après un premier essai d’une soixantaine d’animaux au printemps 2020, Samuel a rempli son bâtiment à l’automne avec 110 génisses rajeunies « Prim Herbe » pour Carrefour et 18 génisses pour McDonald’s. Arrivés d’octobre à décembre, les animaux repartiront au plus tard en mai-juin, avant que les moissons ne débutent, informe Samuel. Les femelles ont été livrées tondues, déparasitées, vaccinées contre les maladies respiratoires. Un second protocole respiratoire est appliqué à leur arrivée sur l’exploitation ainsi qu’un vaccin contre l’entérotoxémie. Les laitonnes ont entre 8 et 12 mois d’âge pour un poids vif de 300 – 350 kg à leur arrivée. Elles donneront des génisses « Prim Herbe » abattues à moins de 18 mois pour un poids de carcasse compris entre 270 et 330 kg. Les génisses McDonald’s seront abattues vers 24 mois à environ 380 kg de carcasse.

Durant leur engraissement, les bêtes sont nourries avec une ration composée de trèfle enrubanné, de maïs épis ensilé, de foin et d’une complémentation faite de céréales et de tourteaux (colza et soja français non OGM Expellor). Une certaine teneur en vitamine E et en sélénium est imposée pour la couleur de la viande, informe Christian Collet, technicien à Bourgogne du Sud. Fournies par la coopérative, les protéines proviennent de la région. D’ailleurs, Samuel Chanussot produit lui-même du soja non OGM qui alimente l’usine Extrusel. Sur ses terres, il cultive le maïs épi nécessaire à l’alimentation de ses animaux et pour la partie fourrages, il produira en interculture un mélange de ray gras italien et de trèfle incarnat récolté en enrubannage. Avec cette ration, les animaux ont largement dépassé l’objectif de performances fixé : 1.500 g de croissance par jour contre 1.100 prévus. Les animaux sont pesés tous les mois. Leur croissance rapide nécessite un suivi très rigoureux, lequel est assuré par les techniciens de Sicarev Coop et de Bourgogne du Sud.

« C’est une production techniquement intéressante », estime Samuel qui la voit comme « un complément de revenu pour un bâtiment existant avec des céréales. Rassurant pour les banques, les contrats sécurisent », complète l’agriculteur qui envisage d’atteindre 200 places d’engraissement d’ici deux-trois ans et qui pourrait aller jusqu’à deux lots par an.

En termes d’investissement, Samuel s’est équipé d’une dessileuse-pailleuse d’occasion (3.000 €). 12.000 € de tubulaires ont été nécessaires pour adapter l’ancienne stabulation de vaches allaitantes. L’agriculteur a investi dans une cage de contention peseuse d’une valeur de 5.000 €. Une aide de 60% sur les tubulaires et la contention a été obtenue dans le cadre d’un PCAE. Un projet de deux bâtiments à toiture phovoltaïque permettra de compenser en partie les investissements liés à l'activité d'engraissement.