Val de Saône et son bassin versant
Se jeter à l’eau

Cédric MICHELIN
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Le 3 février, le Comité de rivière Saône, l’EPTB Saône & Doubs et l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse (RMC) ont invité les élus de la vallée de la Saône, des représentants de la profession agricole, ainsi que l’ensemble des acteurs et citoyens du territoire, à se concerter pour parler évolution climatique. Lors de cette rencontre, les participants ont hiérarchisé de grands objectifs pour faire face au changement climatique dans le Val de Saône. En découlera une politique de gestion à 20 ans. Un sujet majeur qui fera l’objet d’une série d’articles.

Se jeter à l’eau

Dérèglement climatique, qualité et quantité de l’eau, gestion des ressources naturelles, aménagement du Val de Saône, activités économiques… les questions « stratégiques » étaient nombreuses en ce 3 février autour de la plus grande rivière de France de par la superficie de son bassin-versant. La Saône traverse trois régions, six départements, 230 communes pour se jeter dans le Rhône après 482 kilomètres parcourus. La source est à Vioménil dans les Vosges mais prend de l’ampleur dès la Haute-Saône avec ses premiers affluents, puis en Côte-d’Or et évidemment en Saône-et-Loire à la confluence avec le Doubs.

Cette rivière de plaine peut alors dépasser les 200 mètres de large. À l’arrivée lyonnaise, la pente s’accentue alors que la particularité de la Saône est sa faible déclivité faisant que par endroits, il est difficile de distinguer dans quel sens la Saône coule.

Ainsi, passant dans cette longue plaine alluviale, lorsque la Saône monte, ses crues peuvent inonder jusqu’à 6 km au large de ses berges et ces phénomènes « naturels » peuvent durer des semaines. « Les dégâts humains sont peu communs mais les dégâts matériels sont colossaux », auxquels il faut rajouter les dégâts agricoles.

Les prairies, gage de qualité

De par son orientation Nord-Sud, la Saône a toujours été un axe fort de communication avec de nombreuses villes qui se sont construites sur son cours. Les usages se sont ainsi développés et la Saône a été, dès le XIXe S., aménagée pour le transport des marchandises. Elle est aujourd’hui navigable sur plus de 400 km, de Corre en Haute-Saône jusqu’à Lyon. L’offre de loisirs et le tourisme se développent autour.

À côté, le Val de Saône est majoritairement naturel et agricole (88 %) avec du maraîchage, des grandes cultures céréalières et des parcelles fauchées ou pâturées. « Ces prairies sont les garantes d’une eau potable en quantité et en qualité », soulignait la présentation, permettant l’alimentation d’un million de personnes (sur 2,8 millions d’habitants).

La Saône compte 1.500 zones humides, 80 platis, 60 zones délaissées et lônes et près de 150 îles. On y retrouve une incroyable diversité de milieux qui abritent de nombreuses espèces animales et végétales. À l’échelle européenne, le Val de Saône est primordial pour de nombreuses espèces d’oiseaux migrateurs. Il reste l’une des « plaines alluviales les mieux conservées de France », selon l’EPTB Saône & Doubs.

Trait d’union entre tous

Accueillant l’événement « ça Saône », le maire de Chalon-sur-Saône, Gilles Platret, rappelait que « la Saône est un trait d’union entre les mondes vivants, urbains, ruraux et à ce titre, les défis qu’elle pose, elle les pose à l’écosystème et aux activités humaines ». Il pointait du doigt par contre le « manque d’informations suffisantes » lors de la crue de l’été 2021. Solidaire des agriculteurs, Gilles Platret affichait sa volonté de « mutualiser les informations et d’être encore meilleur dans la prévention des crues qui risquent de se multiplier ». Pour le maire de Chalon, « ça Saône » représentait là « une première pierre » qui espérons ne finira pas dans l’eau.

Son collègue, le président du Grand Chalon, Sébastien Martin –qui préside également l’Association des intercommunalités de France– « saôn-ait l’alerte » alors que l’on constate une augmentation de la température de la Saône, de 1,6 à 2 °C depuis 30 ans et « sans doute encore de +1 °C dans les 20 prochaines années ». Ceci a déjà des « effets bouleversants » sur la qualité des eaux, sur la biodiversité et sur « le fonctionnement global de nos territoires ».

Des défis « complexes » se posent ainsi aux 22 intercommunalités encadrant la Saône. En tant que président de l’Association des intercommunalités de France, il plaide pour « œuvrer ensemble et favoriser la coopération de tous les acteurs impliqués » alors que nombre d’organisations ont toutes des compétences différentes : gestion des milieux aquatiques, prévention des inondations (Gemapi), sécurisation des populations, aménagement des cours d’eau… « Pour agir efficacement, […] pas d’autre choix que de coopérer ! », et ce des mairies aux Régions, en passant par les agriculteurs, notait Sébastien Martin.

L’EPTB Saône & Doubs favorise ce dialogue pour réfléchir avec les autres politiques territoriales : eau potable, assainissement, eau pluviale urbaine, ruissellement, voirie, urbanisme, tourisme… La liste à la Prévert risque d’être longue « dans ce grand cycle de l’eau ».

L’eau est une solution

La vice-présidente de la Région en charge de la transition écologique, Stéphanie Modde, rappelait qu’il va falloir lutter contre le changement climatique et ses impacts. « Il faut poursuivre sur les questions d’inondations, de sécheresses mais également de déficit d’eau en été », n’oubliait-elle pas de préciser, « pour l’avenir de l’agriculture et notamment de l’élevage si important » pour l’eau. La Région a établi un plan Biodiversité, les SDAGE (schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux) et la restauration des trames vertes et bleues. « Il nous faut continuer dans la connaissance pour établir une stratégie commune pour mettre en place des actions efficaces pour que le Val de Saône puisse s’adapter à ce réchauffement climatique ».

Son homologue de la Région Grand Est (70 % de la Saône est en BFC, N.D.L.R.), Frédéric Pfliegersdoerffer réaffirmait que « l’eau est essentielle » et rajoutait que « l’eau est aussi une solution pour résister au changement climatique » car la région Grand Est, et pas que, sera exposée à des gradients de températures « extrêmement élevés à l’horizon 2050 ».

Conflits d’usage et guerre de l’eau ?

Reste que c’est bien la Région Auvergne-Rhône-Alpes qui pilote le contrat de plan État-Régions Rhône Saône. Représentant le préfet de Région, le directeur adjoint de la Dreal BFC, Thomas Petitguyot, revenait toutefois sur la gestion des inondations qui menacent potentiellement 115.000 habitants directement en zone inondable, 15 sites Seveso (risques industriels), 13.000 entreprises (50.000 salariés)… À cela se rajoute, « une dégradation de la qualité des eaux de l’amont vers l’aval et qui sur une grande partie du territoire n’est pas satisfaisante et ne connaît pas l’amélioration attendue malgré les efforts engagés alors que c’est pourtant l’unique ressource en eau potable pour de nombreuses collectivités », nuançait-il. À la qualité se rajoute la « menace sur des quantités suffisantes en eau ». Les sécheresses de 2018-2019-2020 ont montré « de nouvelles limites d’étiage ». Pour lui, la « bonne échelle » pour travailler est celle de l’EPTB Saône & Doubs, saluant au passage le travail depuis le premier plan de gestion en 1997, le contrat de vallée inondable (CVI)… et le contrat de rivière 2015-2020 qui se doit d’être « renouvelé » par le Comité de Bassin.
Reste maintenant à trouver le bon équilibre entre les territoires, les différents usages et activités, et la préservation de la nature… Car si rien n’est fait, les conflits d’usage et la guerre de l’eau « idéologique » risque d’être bien réels demain.