Adaptation au changement climatique
Une cellule de refroidissement oui, mais à quel prix ?
Bernard Gros, chargé de Projets Vinicoles au sein d’Axima réfrigération France (ARF) ne tarit pas d’éloges sur la cellule de refroidissement rapide de raisin sur fond de changement climatique, mais difficile de connaître la facture d’un tel investissement.
Si les impacts du changement climatique sont indéniables, entre sécheresses, canicules mais aussi gel tardif et grêle, il n’est pas toujours facile de s’adapter. Et les températures élevées lors des vendanges sont l’ennemi de la qualité, d’où des vendanges nocturnes.
Outre les multiples recommandations en termes de production et de récolte, certains tentent d’apporter des solutions techniques, à l’instar d’Axima avec cette cellule - sorte de container - qui permet, selon le constructeur, de faire baisser la température d’une tonne de raisins de 1 °C en moins de cinq minutes. Pas besoin pour cela d’augmenter la taille et, a priori, la consommation des installations frigorifiques, à condition bien sûr que l’on en soit déjà équipé. À titre de comparaison, les anciennes méthodes pour refroidir les raisins mettaient entre huit et dix heures pour atteindre des résultats similaires et faire descendre la température des raisins. Quant à ceux qui n’ont pas de solution de refroidissement, ils risquent de voir leur consommation électrique augmenter considérablement, même si le constructeur ne fournit pas de chiffres précis quant à la consommation réelle d’une cellule qu’il est possible d’adapter, sur mesure, aux besoins réels du viticulteur, en fonction du nombre d’hectares, du cépage, etc.
La cellule, capable de contenir 300 à 900 kg de raisins, peut parfaitement répondre aux besoins d’exploitations d’une taille de 10 hectares de vigne. À titre d’exemple, cela correspond à 90 % des exploitations en Bourgogne. Sa plus-value réside dans une nouvelle méthode de récolte, qui consiste à étaler l’arrivée des raisins, rassemblés en plus petites portions, pour les refroidir au fur et à mesure, plutôt que d’attendre d’en avoir des quantités très importantes avant d’initier un processus de refroidissement une à deux fois par jour maximum. Elle permet ainsi de refroidir les raisins et grains de raisin entiers plus rapidement, mais également plus tôt après leur ramassage, tout en diminuant la puissance et la taille des installations nécessaires à leur refroidissement. Il est effectivement préférable de fixer la cellule, même s’il est théoriquement possible d’en élaborer des mobiles.
Pourquoi refroidir les raisins ?
D’abord, il est important de faire la distinction entre refroidissement et maintien à température. Le refroidissement permet de préserver la qualité intrinsèque des raisins fraîchement récoltés en figeant au plus tôt leurs propriétés et structures chimiques grâce au froid, et le maintien du froid. Cela permet en outre d’éviter des départs de fermentation prématurés, mais aussi des déviations préfermentaires non recherchées. Les transferts de couleur de la pellicule des raisins vers le jus - point d’orgue pour l’élaboration des vins rosés - sont également limités à leur minimum. Pour cela, il faut travailler uniquement avec des raisins sains qui ne sont pas écrasés. En effet, le raisin, lorsqu’il est toujours protégé par une pellicule fine, peut-être refroidi. D’où l’importance d’encuver à froid, les premiers crus les plus mûrs en premier. Certains s’essaient parfois au refroidissement du jus, et non des raisins, qui n’est possible qu’avec les blancs. Quant au C3R, nom de ladite cellule de refroidissement, les tests ont notamment permis de démontrer qu’il n’y avait pas de perte d’eau sur les raisins refroidis. On voit parfois des camions frigorifiques lors des vendanges. Ces camions permettent, selon Bernard Gros, de maintenir les raisins à température de récolte, mais en aucun cas de les refroidir.
Un test grandeur nature au Domaine de Cardon
En 2022, le Domaine de Cardon à Rully a été équipé d’un prototype de cellule de refroidissement C3R pour en tester l’efficacité « in situ ». Prototype qui a permis de baisser la température des baies de plus de 20 °C en quelques dizaines de minutes, et cela, en flux continu. L’exploitation compte 14,5 ha de vignes, dont 1,5 de mercurey, et c’est justement cette appellation qui a été choisie pour l’essai. Une dizaine de lots de 800 kg ont ainsi été refroidis, sachant qu’un coupeur récupère en moyenne 500 kg de raisin par jour de vendange et que, dans cette configuration, il n’y a plus de porteur ni de hotte. L’emploi de la cellule C3R a permis d’éviter tout souci de dépréciation de la vendange et a permis de stabiliser la température des cuvées aux alentours de 8 °C/10 °C pour tirer le meilleur profit du potentiel aromatique du fruit.
Mais pour profiter de l’outil, il faut adapter sa façon de récolter. En effet, il faut impérativement un ramassage à la main, en caissettes ajourées adaptées à la cellule, mais aussi pour éviter d’écraser les raisins. Des caissettes dont le poids varie de 10 à près de 20 kg qui sont rapidement transportées vers la cellule. L’objectif est de maintenir un flux continu de refroidissement pour éviter de stocker un raisin cueilli trop longtemps et le laisser se réchauffer. On n’est plus, dès lors, dans l’optique de quelques transports de camion par jour. Il s’agit d’instaurer une véritable rotation en utilitaire pour alimenter la cellule de refroidissement en raisin, au fur et à mesure, tout au long de la journée. « La cellule C3R nous aide à maintenir chaque année une quantité contrôlée de production et à gagner en qualité », commente Pierre Bouget, gérant du Domaine de Cardon. Mais difficile d’obtenir une estimation précise du coût à l’achat ou d’une estimation de la consommation en énergie d’un tel investissement.