Colloque
Eau : sécuriser la production agricole

La sécheresse hivernale qui sévit en France inquiète les autorités publiques, mais aussi les agriculteurs qui voient les bases mêmes de leur métier remises en cause. Ainsi que l’ont répété les intervenants du colloque « La guerre de l’eau a-t-elle démarré ? » qui s’est récemment tenu, l’eau est un bien précieux qu’il faut préserver et partager. 

Eau : sécuriser la production agricole
Pour le ministre de l'Agriculture, il est "indispensable de retrouver de la souveraineté sur l'eau". © iStock-vpopovic

Au fil des ans, l’eau est devenue un sujet de controverses, de polémique et « un sujet très politique », a affirmé Jean-Luc Poulain, président du Salon de l’agriculture. Au point qu’il est « indispensable de retrouver de la souveraineté sur l’eau », plaide le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau. S’il concède qu’il va falloir « repenser nos pratiques et nos modèles » d’agriculture, le ministre n’entend pas transiger : « la priorité est que l’agriculture accède à l’eau ». Poussant la réflexion plus loin, il insiste sur la nécessité de développer la recherche variétale qui a permis à la France de réduire de 30 % sa consommation en eau pour faire pousser la même quantité de maïs. « Quand un agriculteur prélève de l’eau, il ne le fait pas à des fins personnelles ou privées. Il le fait pour une cause d’intérêt général : nourrir la population (…) Non, il n’y a pas de privatisation de l’usage agricole de l’eau en France », appuie Marc Fesneau.

Frein psychologique

Ce qui pose problème aux yeux des associations environnementales, c’est l’irrigation, considérée par trial comme un gouffre aquatique. Or seules 6 à 7 % des surfaces cultivées en France sont irriguées. « L’agriculture française reste très majoritairement pluviale », souligne Éric Frétillère, président des Irrigants de France. Et si Laurent Leroy, directeur de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse rappelle que l’agriculture rend moins d’eau à la nature que les autres secteurs d’activité et qu’elle prélève les mois les plus secs, il avoue que sur les 340 millions de m3 (Mm3) d’eau économisés ces dernières années, plus de la moitié (200 Mm3) viennent de l’agriculture. Tous deux convergent aussi sur le fait que le temps de l’agriculture n’est ni celui du politique, ni celui de la recherche et encore moins celui du citoyen et du consommateur. D’autres sources d’économie et de développement sont à chercher dans la réutilisation des eaux de traitement (REUT), dans laquelle Éric Frétillère et Laurent Leroy voient de réelles potentialités bien que celle-ci constitue encore un frein psychologique.

Hypocrisie

Alors que certains estiment que les retenues devraient être le« dernier recours », André Bernard, vice-président de la chambre d’agriculture du Vaucluse, rétorque : « Attention à ne pas importer d’irrigation de l’étranger » faisant écho aux propos du ministre qui, quelques minutes plutôt, avait appelé à« mettre fin à une certaine hypocrisie ». « L’eau qu’on ne prélève pas en France est prélevée ailleurs (…) On importera alors de la sécheresse et de l’irrigation ». André Bernard concède volontiers que le « stockage est un morceau de la solution ». À ce titre, les Projets territoriaux de gestion des ressources en eau (PTGE) semblent recueillir l’assentiment général pour« élaborer des diagnostics territoriaux ». De nombreux acteurs de l’eau demande en effet de gérer cette ressource sur les plans qulitatif et quantitatif à l’échelle locale. En résumé l’eau est indispensable. À Thierry Jacquet, directeur scientifique environnement de l’Inrae, de conclure : « Il faut sécuriser la production agricole et donc la ressource en eau mais aussi la qualité des eaux. Ce qui passe par un équilibre entre sciences, nature et économie. » 

Christophe Soulard