Changement climatique
Au centre des préoccupations de Vinosphère

Régis Gaillard
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L’édition 2021 de Vinosphère a confirmé que le changement climatique est l’un des enjeux majeurs présents et à venir pour les vins de Bourgogne. Avec, notamment, un effet direct sur les raisins et leur niveau d’acidité.

Au centre des préoccupations de Vinosphère
Marielle Adrian s’est intéressée à l’acidité des baies.

Membre de l’Institut universitaire de la vigne et du vin (IUVV), Marielle Adrian s’est intéressée à l’acidité des baies. L’occasion de rappeler, si besoin, que 2020 était une année climatique tout à fait exceptionnelle. « Elle est au premier rang des années les plus chaudes et les moins pluvieuses depuis le début du 19e siècle ». Et de noter une certaine proximité avec 2003. Que ce soit en 2003 ou en 2020, il y a en effet une vraie spécificité en terme d’acidité des baies. Toutefois, en observant en détail l’acidité totale et le pH, les situations entre 2003 et 2020 ne sont pas finalement pas si comparables que cela. Une acidité qui, pour Marielle Adrian, est « une composante de qualité mais pas la seule ». Laquelle acidité donne un millésime 2020 avec une réelle singularité « qui a surpris ».

Tests de nouvelles variétés ?

Pour leur part, Laurent Audeguin, de l’IFV Montpellier, et l’ampélographe Jean-Michel Boursiquot ont échangé sur le sujet des cépages, entre matériel végétal et changement climatique. Une discussion à bâtons rompus qui a permis d’évoquer pêle-mêle, pour la Bourgogne, des sujets autour du porte-greffe et « de variétés qui mériteraient d’être revisitées ». Avec, peut-être, l’arrivée de nouvelles variétés dans la région. Et les deux hommes d’élargir le débat autour de variétés non seulement hexagonales, mais aussi étrangères, venues d’Italie ou de Grèce, « qui mériteraient d’être testées ». Avec, à la clé, une évolution bien évidemment très lente, en réalisant des tests, d’abord, sur quelques ares. À leurs yeux, il convient d’apporter des solutions de complémentarité en cas, notamment, de millésimes difficiles dus aux changements climatiques. Parmi les pistes, il y a la création variétale. Un moyen de conserver, via des variétés résistantes, la qualité intrinsèque du pinot et du chardonnay tout en préservant, notamment, du mildiou et de l’oïdium. « Mais faire évoluer l’encépagement est un processus très long ».

Enseignant à l'Institut des sciences de la vigne et du vin (ISVV) de l’Université de Bordeaux, Axel Marchal a remarqué qu’il y a, depuis 1998, une diminution de l’acidité. Une acidité qui a des effets sensoriels. Il n’y a pas un seul, mais plusieurs acides : tartrique, malique et citrique. Mais aussi acétique lors de la fermentation des vins, malolactique et succinique. Une acidité qui joue aussi un rôle concernant la couleur des vins, notamment les rouges. Il convient aussi de noter que l’acidité joue sur la fermentation malolactique et le développement de micro-organismes d’altération. Pour pallier la baisse d’acidité dans les raisins, il y a plusieurs leviers possibles. Qu’il s’agisse de la conduite du vignoble, du choix de la date de récolte, de l’acidification à la cave par ajout d’acide, de procédés membranaires ou encore d’échangeurs d’ions. Il faut aussi remarquer le rôle important joué par les micro-organismes ainsi qu’un effet des itinéraires de vinification (contribution des rafles par exemple).

Pour sa part, Chloé Delmas, de l’Inrae Bordeaux-Aquitaine, est intervenue sur un sujet très technique : les vaisseaux de la vigne. « Les mécanismes sous-jacents du dépérissement de la vigne restent peu connus ». Quant à la mortalité de la vigne, elle est due « à des facteurs multiples et à leurs interactions ». Concernant l’étude des caractéristiques du système vasculaire de la vigne et son rôle dans la sensibilité de la vigne aux agents pathogènes et à la sècheresse, Chloé Delmas estime que « cela confirme le rôle de la taille des vaisseaux dans la capacité de la vigne à limiter la progression d’un champignon tel que l’Esca ». Ainsi, une forte densité de gros vaisseaux suppose une plus forte sensibilité à un pathogène vasculaire.

Cette matinée a aussi été l’occasion de partager des expériences. Ainsi, Jean Masson, de l’Inrae Colmar, et le viticulteur Frédéric Schermesser ont évoqué la mise en place d’un collectif de vignerons ayant la volonté de travailler sur une baisse des phytosanitaires et sur le stress hydrique. En relation avec l’Inrae de Colmar, différentes pistes et essais ont été lancés visant à l’abandon ou la limitation du glyphosate. Sans oublier de réfléchir sur la problématique du désherbage, du couvert végétal et de l’enherbement. « Il est important d’être acteur du changement, d’avoir la main », précise alors Frédéric Schermesser.

Un plan qui porte ses fruits

Enfin, Pierre Naviaux, du Comité Champagne, a fait le point sur sa région et son plan carbone après deux décennies. Grâce à un engagement environnemental collectif, différents diagnostics ont été établis de 2001 à 2003. Ils furent suivis d’un plan d’actions en 2004 et 2005. L’occasion d’effectuer, à partir de là, un bilan carbone complet de la filière. Effectué tous les cinq ans, ce bilan carbone a vu une baisse de 7 % entre 2003 et 2013, de 14 % de 2003 à 2018. Soit – 20 % de CO2 par bouteille ! D’ici à 2025, il y aura 90 actions à mettre en œuvre entre viticulture durable, machinisme, emballages, bâtiments, fret, déplacement de personnes, économie circulaire... Avec une évaluation systématique des pratiques sous l’angle carbone. Les améliorations passent, notamment, par une sortie des engrais minéraux, une diminution de la consommation électrique, du gaz frigorigène et des emballages ainsi que par une valorisation des sous-produits et une chute du volume des intrants. Mais aussi par une augmentation de l’équipement informatique, une amélioration des bâtiments ou encore une optimisation du fret. Quant à la mise en œuvre, elle est jugée facile par Pierre Naviaux quand il y a une cohérence avec les cœurs de métier. Mais aussi bien en amont qu’en aval, il est nécessaire d’avoir des partenaires fiables, motivés et en maîtrise.