Alix Trossat
L’éleveur gastronome…

Françoise Thomas
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Aux confins de la Saône-et-Loire, aux portes du Jura, Alix Trossat élève des angus et des charolaises depuis plusieurs années maintenant. En perpétuelle évolution, il vise désormais le développement de la vente directe.

L’éleveur gastronome…
Alix Trossat a actuellement plusieurs taureaux angus. À l’avenir, il souhaite vendre certains animaux pour leur génétique.

Forcément lorsque l’on est habitué aux pâturages charolais et à leurs vaches toutes blanches, dès qu’il y a un peu de couleur, cela interpelle. Qui plus est, quand les vaches sont entièrement noires et sans corne !

« Je me suis installé en 1991 en Gaec avec mon père, présente Alix Trossat. Nous étions en production lait et céréales ». Puis l’élevage laitier prend fin en 2012 au moment du départ à la retraite de son père Robert.

« J’ai arrêté le lait par rapport aux problèmes de prix. Comme nous avions déjà quelques charolaises, j’ai voulu partir en système allaitant mais en m’orientant progressivement vers l’angus en procédant par croisement ».

Il a donc opté pour cette race « pour [se] démarquer » grâce à ses valeurs gustatives car c’est « une viande recherchée pour sa qualité et notamment son persillé », ce qui permet « de développer la vente directe et des marchés de niches » mais son choix a aussi été dicté par la conduite d’élevage réputée simple entre les vêlages faciles et l’importante base alimentation à l’herbe : « il ne leur faut pas d’ensilage, cela rend leur viande trop grasse ». L’important persillé de la viande d’angus venant naturellement, pas besoin d’en ajouter...

Développement progressif

À l’époque, l’éleveur achète ses premiers embryons purs en Argentine mais il reste sur une base de croisement angus-charolais. « Je prévois mes 15 premiers vêlages en angus purs pour 2022 ».

Actuellement, avec une soixantaine de vaches allaitantes et quelques taureaux, il possède un cheptel d’environ 170 animaux.

Jusqu’à présent, ces animaux étaient écoulés par le circuit classique de marchands de bestiaux pour être traités par Bigard. Mais depuis trois ans, Alix Trossat développe aussi la vente directe.

« C’est vraiment plaisant d’être en contact direct avec les consommateurs, j’ai plaisir à communiquer avec eux et à leur expliquer comment est produite la viande », relate-t-il.

Évidemment, cela lui permet aussi une meilleure valorisation.

L’activité monte progressivement en puissance d’une année sur l’autre. « En 2020, j’ai passé dix bêtes et deux veaux ». Les animaux sont abattus près de Champagnole dans le Jura tout proche et préparés en colis de 5 ou 10 kg. Lorsque tout se met en place, « j’alerte mes clients par SMS pour qu’ils commandent leur colis et viennent les récupérer sur place ou dans des points de retrait ». Avec 150 personnes sur le fichier client, Alix Trossat n’a aucun mal à écouler cette marchandise « cependant, je consacre environ deux jours et demi à la gestion de ces commandes, de la facturation et de la livraison », ça ne s’improvise pas...

Le bouche à oreille participe grandement à faire connaître Alix Trossat et la qualité de sa viande. Mais l’éleveur alimente aussi régulièrement sa page Facebook et n’hésite pas à organiser des jeux ou des promotions : « j’ai déjà plusieurs fois proposé que pour tout nouveau client amené, un sachet de viande hachée offert, cela marche très bien et me permet de fidéliser de nouveaux consommateurs ».

Compte tenu de la proximité plus que directe de Beauvernois avec le Jura voisin, les clients d’Alix sont beaucoup sur Lons-le-Saunier et Besançon. « J’ai aussi organisé un point de retrait à Dijon grâce à mon frère qui habite là-bas ».

Des produits dérivés

En « passionné de cuisine » comme il se définit lui-même, Alix Trossat souhaite aussi développer des partenariats avec des professionnels. Évidemment en ce moment tout est malheureusement en suspens, mais l’envie est là de travailler avec des restaurateurs, comme par exemple le chef du Cibo de Dijon (une étoile au Guide Michelin 2021…) : « il m’a notamment convaincu de cuisiner le paleron grillé, moi qui ne le faisais toujours qu’en braisé ». Des nouvelles idées et des astuces que l’éleveur ne peut que partager ensuite avec « la communauté » de ses clients puisqu’il glisse ces recettes dans les colis !

Alix Trossat propose également des produits transformés, élaborés en concertation avec un ami boucher à la retraite : « je vends ainsi du rond de gîte séché et fumé, et nous allons bientôt nous pencher sur le saucisson de bœuf ».

L’organisation de l’abattoir le contraint à planifier tous ces abattages : « mon calendrier est défini six mois à l’avance ! ». Mais il faut savoir que son objectif à terme serait de pouvoir proposer une bête toutes les trois semaines. Et là aussi, Alix Trossat va rapidement se diversifier puisqu’il envisage déjà de vendre « du veau rosé, élevé sous la mère cinq-six mois. J’ai testé, cette viande a plus de goût que le veau habituel tout en restant très fine ». Et c’est là, l’un des avantages d’avoir un éleveur fin gourmet…

Conduite d’exploitation
L’éleveur fait venir les embryons d’angus d’Argentine.

Conduite d’exploitation

La ferme d’Alix Trossat compte 165 ha dont une partie céréale pour l’alimentation des animaux et la production de paille : 21 ha de maïs, 24 ha de blé, 9 ha d’orge, tout le reste en prairie dont 25 ha en prairie permanente*. « Ma tête de rotation va d’ailleurs devenir la prairie temporaire », précise-t-il, les dernières saisons estivales ayant contraint l’éleveur à réorienter 15 ha en prairie.

Sur certaines parcelles, l’évolution climatique faisait que « le rendement céréalier n’était pas excellent ». L’éleveur a ainsi fait le choix de privilégier les surfaces de pâturage et de fourrage.

Quant au développement de la race angus, Alix Trossat a beaucoup eu recours jusqu’à présent à l’achat d’embryon, essentiellement en provenance d’Argentine. Désormais, même s’il a ses propres taureaux, il insémine une grande partie des femelles en choisissant précisément les taureaux. Il prévoit à terme de stopper les croisements. Montant ainsi progressivement un cheptel à son image, il projette également de développer une partie vente de produit génétique, l’angus étant recherché.

 

* L’une de ses prairies permanentes lui vaut aujourd’hui d’être finaliste du concours général agricole dans la partie pratiques agroécologiques, pour le prix fauches prioritaires plaine et piémont, voir notre édition du 26 mars.