Émissions industrielles
Des eurodéputés "agricoles" tentent de préserver l’élevage

Des eurodéputés "agricoles" tentent de préserver l’élevage
À comparer avec les feed-lot d'Amérique du Sud.

Les eurodéputés de la commission de l’Agriculture du Parlement européen s’opposent aux grandes lignes des propositions de la Commission européenne de révision de la directive Émissions industrielles. Ils ont adopté (par 36 voix contre 8 et 2 abstentions) le 25 avril leur position (qui ne compte que pour avis puisque c’est la commission de l’Environnement qui est responsable du dossier) dans laquelle ils demandent d’exclure les exploitations bovines du champ d’application de la directive et de maintenir le statu quo pour les secteurs du porc et de la volaille. Cela signifie que le texte continuerait à s’appliquer aux exploitations de plus de 40.000 places pour la volaille, 2.000 places pour les porcs de production, 750 places pour les truies, ainsi qu’aux exploitations mixtes de 750 UGB.

Pour le responsable du dossier, le démocrate-chrétien belge Benoît Lutgen, « l’agriculture n’a rien à faire dans cette directive ». Il dénonce une proposition « contreproductive » qui crée des obligations administratives et des charges supplémentaires et encouragera la concentration du secteur de l’élevage en donnant un avantage concurrentiel aux grandes entreprises qui pourront plus facilement s’en acquitter. Ce qui pourrait même selon lui, mener à une diminution drastique de la production animale dans l’UE « au bénéfice de nos concurrents dont les systèmes de productions sont moins vertueux ».

Début du combat

Les organisations et coopératives agricoles de l’UE (Copa-Cogeca) espèrent que « le Parlement européen tiendra dûment compte du message clair envoyé par les députés de la commission de l’agriculture lors de leurs prochains votes ».

« Ce n’est que le début du combat », confirme Benoît Lutgen. Le Parlement européen doit encore adopter sa position en plénière (sur la base du travail de la commission de l’Environnement) puis des négociations pourront débuter avec les États membres qui ont arrêté leur position au mois de mars. Ils se sont mis d’accord sur des seuils d’entrée dans le dispositif pour les élevages de bovins et les porcs fixés à 350 unités de gros bovins (UGB) et pour ceux de volaille à 280 UGB. Une position que le Copa-Cogeca avait vivement dénoncée.

L'eurodéputé, Jérémy Decerle refuse d'assimiler l'élevage à une activité industrielle

L'éleveur Charolais et eurodéputé, Jérémy Decerle a réagi sur cette fameuse révision de la directive IED. Pour lui, la Commission de l'agriculture du Parlement Européen refuse d'assimiler l'élevage à une activité industrielle.

« IED pour Directive Émissions Industrielles, encore une appellation européenne pour le grand public, mais le monde de l’élevage, lui, sait bien de quoi il retourne. C’est simple, au Salon de l’agriculture il y a deux mois, il ne s’écoulait pas une heure sans que j’en entende parler… Mais qui, qui a eu la bonne idée de traiter un troupeau de 150 vaches, en plein air l’essentiel de l’année, comme un édifice industriel, avec la charge administrative qui en découle, mais sans le service qualité et RSE d’une entreprise pour gérer ? Qui pense que c’est là que se trouve la solution aux problèmes d’attractivité du métier d’éleveur ? », interroge Jérémy Decerle, eurodéputé et éleveur de Charolais.

Le 25 avril, la Commission de l’agriculture du Parlement européen a répondu "sans façon !" à cette vision qui peut être qualifiée de lunaire, se félicite-t-il.

Et de donner son point de vue en tant rapporteur du groupe Renew (Renaissance) sur la directive IED : « Nous ne sommes pas des marchands de tapis. Nous n’avons ni le temps, ni l’envie de cautionner une négociation sur le chiffre magique au-delà duquel, à l’animal près, une exploitation agricole deviendrait une zone industrielle ».

Et de lister la suite du "chemin législatif" et ses priorités :

- ne pas accepter que l’agriculture européenne soit qualifiée d'"industrielle" et jugée comme telle
- maintenir des seuils qui ciblent les quelques exploitations réellement à grande échelle, qui ont les moyens et le besoin de faire des progrès, même si tout est relatif quand on voit ce qui se fait ailleurs (et s’importe malheureusement encore ici…)
- éviter de pousser à la concentration et à la spécialisation des élevages, car bizarrement c’est quand on multiplie les normes et les exigences qu’on s’éloigne le plus de l’élevage extensif et familial !
- conserver une approche par espèce, car considérer qu’en additionnant des poulets et des cochons on obtient des vaches est tout simplement absurde, et à des années-lumière de la réalité de terrain.
Jérémy Decerle considère à juste titre que « chercher à résoudre un problème sans regarder les autres, c’est prendre le risque d’aggraver la situation… et in fine, d’apporter de l’eau au moulin de ceux qui stigmatisent l’élevage et voudraient en fait le voir disparaître. Ce n’est pas ma méthode », conclut-il.

 

Scrutin public nominal : https://www.europarl.europa.eu/cmsdata/268694/Voting%20Session%2025%20April%202023_rollcall_IED.pdf