Feder
Feder est en capacité d’investir pour l’avenir

Marc Labille
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Pour ses dix ans, l’union Feder a connu une année inédite au cours de laquelle le groupe coopératif a vu sa stratégie porter une nouvelle fois ses fruits. Bien structurée, Feder peut investir pour l’avenir en ne s’interdisant aucune audace. 

Feder est en capacité d’investir pour l’avenir
Après une année 2022 très inhabituelle en termes de cours et de marchés, Feder a voulu y voir un peu plus clair dans l’avenir des filières bovine, ovine et bio en réunissant trois de ses opérateurs partenaires.

En 2022, l’union Feder a fêté ses dix ans lors d’une année « atypique » que le président du groupe Bertrand Laboisse qualifie de « bon millésime ». Malgré la décapitalisation, « notre stratégie porte ses fruits », se félicitait Yves Largy, président de Feder. Il faut dire qu’avec des cours des animaux spectaculairement remontés, « l’année a enfin profité aux éleveurs », appréciait le président. C’est une véritable « rupture de cycle », analysait de son côté le directeur Michel Millot qui faisait aussi état, grâce à cette embellie, « d’une relation fournisseur plus apaisée ». Le bémol, c’est la décote des viandes de qualité, « avec des surcoûts en bio ou en label qui ne se retrouvent plus dans les cours », regrettait Yves Largy.

L’engraissement gagne du terrain

En 2022, 200.000 bovins ont été mis en marché par Feder soit 1 % de plus que l’année d’avant, présentait Michel Millot. Ce bon chiffre lui faisait dire que Feder était parvenue à « tenir sa place » en dépit de la décapitalisation. Le volume de bovins gras progresse de + 2 % pour atteindre près 85.000 animaux tandis que le maigre se tasse légèrement à 111.000 têtes (-1 %). Le groupe a connu un fort développement de l’engraissement des mâles : + 7 % par rapport à 2021. Pour en arriver là, Feder a investi dans l’acte de production en finançant de nouveaux ateliers d’engraissement. Avec moins d’un bovin collecté sur deux qui va à l’export, Feder s’active dans la valorisation des bovins mâles en France. En 2022, le volume de la destination italienne est en recul de – 15 % au profit de la France dont le débouché progresse de + 14 %.

Avec ses trois coopératives ovines (Terre d’Ovin, Copagno et Feder Éleveurs bio), Feder a mis en marché 143.000 ovins en 2022. Dans la zone Bourgogne, Terre d’Ovins a dépassé les 63.000 animaux après une progression de + 48 % en 12 ans, indiquait son président Gilles Duthu.

Sécuriser le revenu

Fortement impliquée dans les filières de qualité et la segmentation, lesquelles progressent toujours au sein du groupe, Feder a appliqué la loi ÉGAlim 2 qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2022. La coopérative s’est engagée concrètement dans la contractualisation. Des contrats de production ont été établis avec Bigard, d’abord en jeunes bovins puis désormais en génisses. Se félicitant d’une loi qui cherche à sécuriser le revenu des éleveurs, Feder tient à « rendre compte des prix payés à ses adhérents » en exposant ses chiffres au regard de l’Ipampa (indice des prix d’achat des moyens de production agricole) et des coûts de production calculés par l’Idele. Des données qui montrent que « le prix moyen réglé aux producteurs est au-dessus de la cotation départ ferme grâce aux signes de qualité », faisait valoir Michel Millot.

Mais le directeur rappelait aussi que la « variabilité des charges et des kilos produits est bien plus forte que la variabilité des prix ». Une façon de dire que l’éleveur a encore beaucoup à gagner dans la maîtrise de ses charges, domaine où il reste « un acteur majeur », soulignait Michel Millot. Incisif, ce dernier encourageait aussi à « oser » la diversification dans de nouvelles productions, tel l’agrivoltaïsme…

Une société solide qui investit

Sur le plan économique et financier, Feder est une « société solide », assurait le directeur qui évoquait la bonne maîtrise des charges de la coopérative, parlant par là même de réussite. Signe de cette bonne santé et d’un certain dynamisme, elle a beaucoup investi dans ses différents sites et outils pour un total de 27 millions d’euros depuis 10 ans. L’investissement concerne aussi – on l’a vu plus haut – la production avec le soutien aux jeunes et pourquoi pas demain à la transmission, voire à de nouvelles formes de production, imagine-t-on. Pour cela, Feder se dit prête à rencontrer industriels et financeurs. Dans un « écosystème économique », elle semble résolument ouverte à tous les types de partenariats.

L’union grandit à l’ouest…

Ainsi, Feder anime-t-elle six GIEE (Groupement d’Intérêt Économique et Écologique). Dans le cadre du Plan de Relance, elle est investie dans le programme Changus (production de bovins croisés pour la filière) et elle est impliquée dans le projet « valorisation des bovins mâles en France ».

Affichant toujours sa préoccupation constante de « regarder loin ensemble », Feder entend conforter à nouveau sa stratégie en annonçant l’entrée de la coopérative Corel dans son union. Cette structure, dont le siège est dans les Deux-Sèvres et qui rayonne en Pays-de-Loire et Nouvelle-Aquitaine, apportera 20.000 bovins supplémentaires à l’union Feder.

Une crise des modes de consommation

Dans une conjoncture inédite, Feder proposait une table ronde pour envisager l’avenir du marché de la viande. Pour débattre, trois représentants de la filière tous partenaires réguliers de Feder : Dominique Guineheux, directeur des achats de bovins chez Bigard, Hubert Charlas, responsable de la filière ovine de Bigard Castres et Guillaume Lejal, directeur général d’Unebio.

« La consommation de viande bovine est stabilisée en 2022 », débutait Dominique Guineheux. En dépit de toutes les attaques, 97 % des Français aiment la viande de bœuf ! Par contre, les modes de consommation ont bel et bien changé, poursuivait le représentant de Bigard. La part de viande hachée atteint 55 % aujourd’hui. Ce qui a des conséquences sur l’équilibre carcasse, pointait-il. Avant, on avait des difficultés à valoriser les avants ; aujourd’hui, au contraire, ce sont les arrières qui posent problèmes ! Cette situation inédite s’accompagne d’une très forte hausse des importations de viande bovine. « Près de 30 % de la viande de bœuf consommée en France est d’importation aujourd’hui », se désolait Dominique Guineheux. Et « ce n’est pas par manque de viande », poursuivait-il. Mais parce que ces viandes originaires d’Allemagne, de Pologne ou d’Irlande sont moins chères : 1 € d’écart du kilo pour une vache charolaise.

Inquiétant retour des importations

Le retour des importations touche aussi la viande d’agneau, confirmait Hubert Charlas. « La grande distribution recommence à faire de l’import aujourd’hui », expliquait-il. Au prétexte de la lutte contre la vie chère et des promesses gouvernementales sur le pouvoir d’achat, certaines GMS « ont saisi la balle au bond ». Déficitaire en viande d’agneau depuis des années, la filière ovine est habituée à l’import, confiait le représentant de Bigard Castres. Elle s’en était protégée par la segmentation et les signes de qualité, sans quoi « il n’y aurait plus du tout d’ovins en France », assure Hubert Charlas. Mais la consommation de viande d’agneau continue de baisser. La filière tente de répondre en faisant évoluer son offre ; les modes de découpe… Un frémissement est observé dans les circuits traditionnels.

Le consommateur et le citoyen…

Frappé par « une crise de consommation », le Bio n’échappe pas à l’assaut des importations. « On a vécu 10-15 ans de développement à deux chiffres et depuis deux ans, on subit un net recul », dépeint Guillaume Lejal. L’inflation n’est pas la seule explication, car il y a aussi le fait que « le consommateur n’achète pas ce que le citoyen veut… », analyse le directeur général d’Unebio. Dans cette crise, le bio pâtit d’une surconsommation de viande hachée et d’un changement des façons de consommer. Après avoir permis au bio d’exister, « la grande distribution est bien malade aujourd’hui », rapporte l’opérateur. La filière tente de s’adapter aux nouveaux modes de consommation (restauration rapide, distribution spécialisée, proximité…). Jusqu’alors, le bio était quasiment absent de la restauration commerciale, fait valoir Guillaume Lejal qui rappelle aussi l’objectif de la loi EGAlim de 20 % de produits de qualité dans les cantines… On en serait à seulement 1,8 % pour le moment !

Ne pas baisser les bras

Pour Dominique Guineheux, « on ne retrouvera de la valeur que si on revalorise le haché ». Mais il constate aussi que « les prix de 2022 n’ont pas empêché la décapitalisation ». Et des vaches chères signifient encore plus de capitaux à financer pour les jeunes, d’où les inquiétudes sur l’avenir de l’élevage. Mais les trois opérateurs se refusent à baisser les bras. La viande française a pour elle la qualité de son élevage herbager, font-ils valoir. La contractualisation est un outil dont ils ne veulent pas se priver pour consolider leurs approvisionnements. Il faut aussi entendre les attentes sociétales des futurs éleveurs, estiment-ils. Et être solidaires pour dénoncer « l’intolérable rapport de la Cour de Compte », reprenaient-ils en chœur.