Bois construction
Le métier de charpentier : témoignage de Brice Verjat

Florence Bouville
-

Brice Verjat a créé en 2012 sa propre société, Les charpentiers agricoles. Le 2 juin, il nous a ouvert les portes de sa très belle maison, au bardage en bois. Il est revenu sur son cœur de métier et les différents chantiers qu’il mène, et a menés. Pour lui, il est aussi important de souligner que devenir charpentier : « tout le monde peut le faire ».

Le métier de charpentier : témoignage de Brice Verjat
Brice Verjat a toujours travaillé dans le bois et a monté sa propre entreprise de charpentes en 2012.

Brice a d’abord étudié la menuiserie à Lyon, puis a poursuivi sa formation dans la conception et la fabrication de charpentes. Il a ensuite travaillé plusieurs années en Suisse, dans le secteur du bâtiment agricole. C’est là qu’il s’est véritablement perfectionné. En 2012, il fonde sa propre entreprise : Les charpentiers agricoles. Il mène son activité seul jusqu’en 2021, moment où il décide de recruter un jeune salarié. Aujourd’hui, ils interviennent aussi bien en Rhône-Alpes qu’en Bourgogne-Franche-Comté, mais tendent à cibler davantage de projets dans la région.

Des constructions agricoles mais pas seulement

L’expérience professionnelle de Brice dans le bâtiment agricole a fait qu’il s’est spécialisé dans ce domaine. Néanmoins, la majorité de ses projets concerne, en réalité, des constructions autres. Au total, lui et son salarié ne réalisent qu’un à deux chantiers agricoles par an. À noter que pour ce type de chantiers, la chambre d’agriculture joue un rôle important. Elle peut souvent fournir des plans aux agriculteurs, en amont. Le pôle bâtiment compte actuellement quatre conseillers, ce qui n’est pas le cas de tous les départements. Même si les usages des bâtiments agricoles diffèrent selon l’orientation de l’exploitation, il n’y a pas énormément de combinaisons de matériaux possibles. Les toits sont principalement métalliques (tôle).

Avant l’augmentation des prix, le Douglas était l’essence privilégiée pour les travaux. Ses propriétés physiologiques lui confèrent naturellement un caractère imputrescible et une grande résistance. Les bois produits sont mécaniquement très intéressants. Pour des projets couvrant généralement une surface conséquente, la différence de prix entre sapins traités et Douglas est devenue telle que, désormais, les agriculteurs se rabattent sur le moins cher.

Lors du premier contact avec le client, Brice remplit une « liste des paramètres globaux », détaillant ce qui s’appelle les « charges climatiques », prenant en compte : la prise au vent, à la neige et la sismicité du terrain. Pour la confection des plans, il fait habituellement appel à un architecte. Toutefois, pour des bâtiments "simples", il peut se dispenser de son aide. En temps normal, aucun gros changement ne survient entre ce que souhaitait le client et l’édifice proposé.

Il y a deux ans, Les charpentiers ont conçu un atelier de transformation pour des arboriculteurs basés à Irigny, dans la métropole lyonnaise. Au-delà de la résistance des matériaux, il y avait à la fois une approche industrielle et "design" à adopter. Une dimension industrielle du fait de la vocation du bâtiment, autre que la stabulation ; et un enjeu "design" car les producteurs souhaitaient, par exemple, insérer des panneaux solaires sur le toit. Il a donc fallu choisir une couverture adaptée, en accord avec les recommandations et conseils du fabricant et de l’architecte.

Globalement, « l’argument environnemental, tous les clients l’avancent », souligne Brice ; « mais c’est un argument faussé », ajoute-t-il. En effet, pour l’heure, ce qui est "écologique", coûte malheureusement plus cher. Pourtant, sur le marché, ce ne sont pas les isolants biosourcés qui manquent, garantissant une meilleure isolation thermique. Il a ainsi bien pu constater que « le prix fait changer les convictions » ; c’est un élément qu’il comprend parfaitement.

Une affaire qui marche

Malgré la concurrence, Brice se réjouit du succès de la filière bois construction. Il parvient à avoir « un an de visibilité », concernant la planification des chantiers. Conséquence : « je ne peux pas dire oui à tout le monde », confie-t-il. Ainsi, que vous soyez un particulier agricole ou non, il vous faut actuellement compter un an entre le moment où vous contactez Les charpentiers et la réalisation de votre projet.

En termes de stratégie de communication, Brice ne mise pas tout sur son site Internet, au contraire, il ne s’agit que d’un site d’affichage. Son entreprise fonctionne surtout via le bouche-à-oreille. De plus, il est déjà arrivé qu’une personne voie passer son camion floqué, à proximité d’un chantier, et lui téléphone dans la foulée.

…Et qui grandit

Jusqu’à présent, Les charpentiers agricoles louaient les machines de chantier (comme une grue), dès qu’ils en avaient besoin. Or, Brice aimerait que cela évolue, pour être moins dépendant de ces locations et gagner en autonomie. D’ici 2024, il souhaiterait donc optimiser certains processus, sans forcément « faire grossir son entreprise », insiste-t-il. Un dépôt serait justement construit pour stocker ses propres machines. L’objectif est simple : répondre plus rapidement aux demandes des clients. Afin d’assurer cette transition, Brice est, depuis quelques mois, à la recherche d’un, ou d’une deuxième salarié(e). Il avoue que c’est aussi compliqué « d’arriver à prendre du temps pour recruter de la main-d’œuvre ». En parallèle, le métier conserve une image de pénibilité. « De moins en moins de jeunes souhaitent s’engager dans ce type de métier », regrette-t-il. Pourtant, « tout le monde peut le faire », affirme-t-il. Y compris, bien sûr, les femmes. Des formations sont d’ailleurs proposées pour apprendre à piloter une grue et lever des masses. « Les agriculteurs ont des métiers bien plus durs que nous », conclut-il.

Des charpentes âgées de 150 ans

Depuis trois mois, Les charpentiers agricoles rénovent les charpentes d’un des bâtiments de la communauté monastique de Taizé. Il s’agit d’un projet de grande ampleur, avec une forte valeur patrimoniale. La tâche est complexe, Brice et son salarié doivent raccorder plusieurs charpentes entre elles, en sachant que des pièces ont été lourdement endommagées par la pluie, au fil des années. L’entreprise s’est d’ailleurs fait aider par un bureau d’études, pour le calcul de certains paramètres. On vous laisse imaginer toute la fascination que doivent ressentir Les charpentiers lorsqu’ils se retrouvent face à cette armature de bois âgée de 150 ans…