Nouvelles règles d’étiquetage
Soyez vigilants !

Sébastien Closa
-

Chaque jour qui passe rapproche les viticulteurs du 8 décembre 2023, date à laquelle les nouvelles règles d’étiquetage s’imposeront. « C’est un peu la ruée vers l’or avec beaucoup de prestataires qui proposent leurs offres, les meilleurs comme les pires », prévient Olivier Badoureaux, directeur du Comité Interprofessionnel des vins du Jura (CIVJ). « Nous avons voulu faire le tri ».

Soyez vigilants !
Olivier Badoureaux et Jean-Charles Tissot, directeur et président du CIVJ, lors des rencontres de la filière vins du Jura

Pour décortiquer ces nombreuses propositions commerciales, le CIVJ a invité Mélanie Grandguillaume, responsable juridique de la CAVB (Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne) à intervenir lors des rencontres de la filière vins du Jura, ce 25 mai à Arbois. D’emblée, la juriste prévient : « Nous n’allons pas vous présenter une solution, mais attirer votre attention sur certains points de vigilance à avoir ».

Même si la date butoir approche à grands pas, Les derniers arbitrages ne sont toujours pas connus. Ils devraient être annoncés cet été. « Nous souhaiterions pouvoir repousser le délai d’application, mais ce n’est pas gagné », explique la juriste bourguignonne. « Une période transitoire d’un an devrait être prévue pour prendre en compte la capacité des imprimeurs à répondre à cette demande, alors même que le marché du papier connaît de fortes tensions ».

Un aliment comme les autres ?

Depuis 40 ans, obligation était faite d’inscrire la liste des ingrédients sur les produits alimentaires. Le vin, produit vivant, était jusque-là exempté mais, en vue d’une harmonisation des règles européennes, devra s’y plier à partir du 8 décembre prochain. Aucune mention obligatoire actuellement ne sera supprimée et ce nouvel affichage pourra en partie être dématérialisé. Mais ceux qui le souhaitent pourront tout inscrire directement sur les étiquettes. Tous les millésimes embouteillés à partir de 2022 seront concernés, même si des questions se posent encore sur les vins à rotation lente.

Devront être inscrits sur les étiquettes la valeur nutritionnelle (exprimée en Kj et Kcal) et les allergènes. Ces derniers devront aussi être précisés sur la version dématérialisée. « Comme pour tous les aliments, les taux de graisses, d’acides gras saturés, de sucres, de protéines et de sel seront obligatoires ce qui n’est pas du tout logique pour le vin ». Pour connaître ces chiffres, un calcul sera à faire par rapport aux ingrédients ou aux analyses, en fonction d’une région de production ou d’un type de vin.

Taux de graisses et de sel dans le vin

La liste des ingrédients, précédée du terme « contient : », devra être inscrite par ordre décroissant pondéral au moment de la fabrication. Devront donc logiquement figurer en tête « raisins », « saccharose », « moût de raisin », suivis des autres produits utilisés durant la fabrication : différents acides, liqueur, dioxyde de soufre, sulfites, édulcorants, conservateurs etc.

Une taille minimale d’écriture (1,2 mm) sera imposée et le QR code devra être visible et faire au moins 1,5 centimètre de côté. Lorsque le QR code sera flashé, le consommateur devra immédiatement tomber sur la page listant les ingrédients, « sans aucun clic supplémentaire ». Cette page devrait être purement informationnelle et ne devra en aucun cas contenir de publicités ou d’offres promotionnelles. Seuls une photo de la bouteille et un lien renvoyant sur le site du producteur en bas de page seront « peut-être » tolérés, la question étant encore en délibération. Il sera toutefois possible de faire apparaître les labels bio ou Démeter après la liste des ingrédients.

Une traduction s’imposera, car les informations devront être compréhensibles, dès la première page, dans toute l’Union européenne, un avantage pour la dématérialisation qui propose des traductions automatiques. Sinon l’étiquette devra être rédigée dans la langue du pays de vente. « Il est préférable de choisir des prestataires qui effectuent cette traduction depuis la langue du téléphone plutôt que depuis le lieu de connexion » conseille Mélanie Grandguillaume. « Ainsi, un Français en voyage à l’étranger tombera directement sur la page en français ».

 

 

Quel prestataire choisir ?
Les étiquettes des bouteilles de vins du Jura vont devoir évoluer...comme celles de Bourgogne, de Beaujolais et vins de France (VSIG).

Quel prestataire choisir ?

Depuis l’annonce de cette nouvelle réglementation, les vignerons sont sollicités par de très nombreux prestataires proposant des solutions dont les prix varient de 1 à 100. Des entreprises se sont même spécialement montées pour l’occasion.

Le QR code n’est pas la seule solution possible pour la dématérialisation, mais reste la plus souple. Certains prestataires proposent par exemple d’insérer des puces électroniques sous l’étiquette pour se connecter grâce à une technologie sans contact.

Parmi les points de vigilance, la sécurité lors de l’élaboration du QR code qui peut être falsifiable. Il faut aussi s’assurer que le prestataire soit en conformité avec la RGPD (loi sur la protection des données personnelles) et que la liste des consommateurs accédant à la page d’informations ne soit pas enregistrée. « Pour cela, méfiez-vous des solutions gratuites ou presque, conseille Mélanie Grandguillaume, responsable juridique du CAVB. L’entreprise que vous choisirez doit avoir un responsable RGPD. Mais si le prestataire ne doit pas être gratuit, il ne doit pas non plus être trop cher, car réaliser un QR code et une page d’informations n’est pas compliqué. Certaines boîtes abusent un peu ».

Le prestataire devra aussi assurer une veille juridique pour adapter sa solution en cas d’évolution de la loi, surtout que tous les détails ne sont pas encore connus. L’entreprise informatique doit aussi être assez solide pour durer dans le temps et que les QR codes restent valides plusieurs années (et les pages web d’atterrissage, dites landing pages en anglais, aussi). Elle doit aussi avoir la capacité de transmettre ces données, ne serait-ce que si vous décidez de changer de prestataire.

Pour aider les viticulteurs à séparer le bon grain de l’ivraie, le CAVB en Bourgogne ou la SVJ dans le Jura ont déjà épluché les offres de certaines entreprises et se tiennent à la disposition des professionnels pour les épauler dans le choix de leur prestataire.