Conjoncture
Agroéquipement : 2022 une année record de production

Après une longue période marquée par les pénuries de pièces, des délais de livraison à rallonge et des ventes record, le marché du machinisme agricole semble amorcer une inflexion.

Agroéquipement : 2022 une année record de production
©Apasec_SD_ photo_d’archives

« Aprés deux années orientées à la hausse, les prises de commandes de matériel agricole neuf et d’occasion marquent le pas avec une tendance à la baisse observée par plus de la moitié des distributeurs sur les cinq premiers mois de 2023, comparés aux cinq premiers mois de 2022. » Ce bilan du début de l’année, publié le 17 juillet 2023, est dressé par le Syndicat national des entreprises de services et distribution du machinisme agricole, d’espaces verts, et des métiers spécialisés (élevage, irrigation, viticole-vinicole, etc.), le Sedima.

Une augmentation de 11,3 %

Ce constat marque un début de retournement de situation avec la période précédente marquée par des difficultés d’approvisionnement pour les constructeurs, en raison notamment de la crise sanitaire de la Covid-19, mais aussi du conflit russo-ukrainien. Avec des carnets de commandes pleins, les fournisseurs enregistraient alors des délais de livraison fortement allongés. Par ailleurs, dans un contexte inflationniste, le marché des machines agricoles a lui aussi été touché par une tendance à la hausse, à la fois des coûts de production, mais aussi des prix de vente. Ainsi, le syndicat français des acteurs industriels de la filière des agroéquipements et de l’agroenvironnement, Axema, notait dans son rapport économique 2023, publié fin mai 2023 : « En moyenne, les prix des agroéquipements neufs ont ainsi augmenté de +12 % en 2022, de + 17 % depuis le début de 2021 ». Une situation exceptionnelle, qui a conduit à des résultats tout aussi exceptionnels : selon ce même rapport, la production française d’agroéquipements a augmenté de 11,3 % en 2022. Et les ventes de matériels neufs ont atteint un nouveau niveau record à 8,3milliards d’euros (+15 % par rapport à 2021). Toutefois, il faut noter que « cette progression à deux chiffres a été portée davantage par les prix (+12 %) que par les volumes (+2,5 % seulement). »

« 2023, la dernière année avant le retournement du marché ? »

«Nous pensions que l’année 2022, marquée par le début de la guerre en Ukraine, serait difficile sur le plan commercial et industriel », se rappelle Jean-Christophe Régnier, président de la Commission économique d’Axema et directeur général de Lemken France. Et elle l’a été sous certains aspects. Les pénuries de composants et de matières premières ont ralenti la production, provoqué l’allongement des délais de livraison, mais la demande est restée forte tout au long de l’année, bien soutenue par la flambée du prix des produits agricoles. « Finalement, nous réalisons une année historique en termes de ventes», résumet-il. Avant de s’interroger : « La dernière avant le retournement du marché ? » Et en effet, les premières données économiques de 2023 laissent à penser que le marché des machines agricoles connaît un revirement. Ainsi, selon les données issues de l’enquête de conjoncture menée par le Sedima entre le 9 juin et le 23 juin 2023, 36 % des distributeurs de matériel agricole ont connu des commandes de matériel neuf ou d’occasion en forte baisse (de l’ordre d’au moins 15 %) entre les cinq premiers mois de 2022 et les cinq premiers mois de 2023. Au total, 59 % des répondants enregistrent une baisse, contre seulement 30 % connaissant une hausse des commandes sur la même période. Même constat du côté d’Axema, qui note au premier trimestre 2023 des baisses de commandes allant de 15 à 50 %, en fonction des familles de produits, avec globalement un comportement attentiste du côté des acheteurs De ce fait, les problématiques de pénurie et de flux tendus semblent se calmer, comme le relève le Sedima : « Conséquence d’un ralentissement de l’activité et des commandes liées aux problèmes d’approvisionnements en 2022, près de 70 % des distributeurs de matériel agricole déclarent une croissance de leurs stocks de matériels neufs et d’occasion sur les cinq premiers mois de l’année. »

La croissance reste paradoxalement là

Face à ces premiers signaux, les professionnels du secteur s’interrogent : est-ce un phénomène temporaire ou voit-on naitre une véritable crise de la demande d’agroéquipements ? « Selon les premières estimations, le second semestre 2023 est également sur une tendance baissière des prises de commandes de matériels neufs et d’occasion à un an pour 70 % des répondants et une contraction des prises de commandes de l’ordre de -10 % », note le Sedima. Toutefois, les effets de cette baisse ne devraient pas se faire sentir dans l’immédiat, notamment en raison des délais de production. « Les carnets de commandes sont encore bien garnis – 5,5 mois de production en moyenne à la mi-mars – et couvrent quasiment l’année civile. De plus, comme nous l’avons vu précédemment, l’effet prix restera positif, apportant 7 à 10 points de croissance. », note ainsi Axema, qui reste optimiste pour cette année : « Même si les prises de commandes se raréfient en ce début d’année, il est presque acquis que le marché des agroéquipements sera en croissance en 2023, de l’ordre de + 5 % à + 10 %. »

L. P.