Loup
Tout un plan à revoir

Françoise Thomas
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Même si le tir de prélèvement était en cours d’autorisation, les éleveurs ovins sont venus manifester vendredi 2 octobre devant les grilles de la préfecture de Mâcon, pour témoigner de leur colère, de leur tristesse et de leur volonté de voir le plan loup revu au niveau national. Ils l’ont martelé : la présence du loup n’est pas compatible avec leur mode d’élevage, il est temps de modifier la législation.

Tout un plan à revoir

L’émotion était palpable vendredi 2 octobre, au pied des grilles de la préfecture de Mâcon. La présence d’une dizaine de cadavres de brebis, les dernières prédatées par le loup deux jours auparavant, donnait l’ambiance générale et témoignait surtout du quotidien des éleveurs ovins depuis près de trois mois.
« C’est la boule au ventre qu’on se rend tous les matins dans les pâtures », « c’est la dignité des éleveurs qui est massacrée », « le panel d’activité est tellement large qu’on n’a pas assez d’une journée pour tout faire et là il faudrait surveiller les brebis même la nuit », telle était la teneur des différents témoignages.

Tous les moyens utilisés

Michèle Michel, en tant que mère d’éleveur, a exhorté ceux qui sont pro loup de se rendre dans une pâture, après une attaque. « Venez, venez voir ce que c’est ! a-t-elle interpelé. L’un des gestes les plus durs que doit faire un éleveur c’est de tenir la tête d’une bête qui doit être euthanasiée » car trop blessée pour être sauvée. « Venez croiser son regard ! »

Pourtant, Alexandre Saunier, le président de la section ovine a insisté : ce n’est pas faute de ne pas avoir mis en place les différents moyens de protection à leur disposition. Entre installation des filets électrifiés, des lots fermés chaque nuit en bâtiment, d’autres parquées au plus près des habitations, les fenêtres laissées ouvertes la nuit pour guetter le moindre bruit, … « Nous avons organisé des rondes avec d’autres éleveurs, nous nous relayons chaque nuit », a expliqué le jeune éleveur Étienne Debarnot, lui-même victime du loup.

Cohabitation impossible

Tous ont cependant reconnu que l’administration territoriale au niveau départementale a œuvré depuis le début pour les soutenir et leur fournir le plus rapidement possible les moyens de protection disponibles : achat de filet de protection, formation et habilitation des chasseurs, puis envoi de la brigade loup, et enfin autorisation (en cours à ce moment-là) du tir de prélèvement.

La volonté vendredi était ainsi de faire prendre conscience que le problème dépassait le département de Saône-et-Loire. « il y a urgence à changer les choses au niveau national car rien n’empêchera qu’il y ait un autre loup qui arrive (NDLR après celui-ci, s’il est prélevé), et que l’on revive le même processus », a insisté Christian Bajard. Le président de la FDSEA 71 a ainsi tenu à interpeler les parlementaires : « il faut qu’il y en ait qui aient le courage de reprendre ce plan loup et de le modifier car il n’est pas adapté à notre secteur de bocage ». « Nous avons l’un des plus beaux systèmes d’élevage, et il est aujourd’hui mis en péril par un plan décidé il y a 30 ans » a martelé Pascal Chaponneau, le président de l’OS Moutons Charollais.

Le bon taux ?

Pour ces professionnels, le plan est à revoir car non seulement, d’une part, la procédure à respecter est longue avant d’obtenir le fameux tir de prélèvement. « Tout le monde a avancé et fait ce qu’il a pu mais il a fallu attendre trois mois avant d’avoir l’autorisation de tuer le loup », a reconnu et rappelé Pascal Chaponneau. Un délai pendant lequel le grand prédateur a tué plus de 110 ovins et en a blessé plus d’une cinquantaine (avec quelles conséquences pour la suite ?).

Mais aussi parce que d’autre part, le loup s’implante plus vite et plus durablement, partout en France, que les systèmes d’élevage ne s’adaptent. « On parle d’une limite de 500 loups, il y en aurait 600, on peut donc en prélever 100. Mais qui dit qu’il n’y en a pas encore 100 de trop ? La question mérite d’être posée », a milité Luc Jeannin, élu chambre et FDSEA.

Présente sur place, la députée Josiane Corneloup s’est engagée à porter le problème le mardi suivant lors des questions au gouvernement. « Votre colère est légitime, a-t-elle souligné. Le taux de prélèvement à 17 % s’avère insuffisant puisque le loup a colonisé tous les territoires en France. À l’heure où l’on évoque le bien-être animal, il faut une réponse forte ».

André Accary de son côté s’est engagé à prendre le relais de l’État dès que c’est possible. « Comme le Département le fait depuis le mois d’août, nous allons poursuivre l’accompagnement pour l’achat de filet de protection. Nous étudierons aussi la possibilité de compléter les indemnisations car les tarifs proposés ne sont pas suffisant ».

Réduit à néant

C’était là un autre problème évoqué : le montant des indemnisations pour des moutons charollais, « le fruit d’un long travail sur la génétique ». Plusieurs ont vu leurs années de sélection réduites à néant « quand le loup tue votre bélier, ce sont dix années de perdues, car de vrais bons béliers reproducteurs c’est très long à obtenir », témoignait un éleveur.
Le message autour de la revalorisation de la grille d’indemnisation a aussi été passé et entendu par le préfet…

Enfin l’appel au soutien de la population a aussi été renouvelé. Alexandre Saunier, le président de la section ovine s’est ainsi insurgé que les éleveurs ovins passent aux yeux de certains « du statut de victimes à celui de suspects. Suspecter de ne pas respecter l’ensemble de la procédure. Suspecter de profiter des indemnités. Suspecter de ne pas protéger correctement leurs animaux ».
Or les éleveurs présents l’ont aussi martelé : « nous ne sommes pas contre le loup, mais il faut le cerner correctement ».