Chambres d’agriculture France (ex-APCA) organisait le 29 septembre, un débat sur le thème « Les hommes et le monde sauvage. Mythes et réalités ». Le loup a concentré l’intégralité des échanges qui ont été courtois compte tenu de la sensibilité du sujet. 

Une cohabitation toujours compliquée

Pure coïncidence du calendrier. Quelques heures avant la tenue du débat organisé par l’APCA, le préfet de l’Ardèche Devimeux, annonçait avoir pris la décision d’autoriser des tirs de défense contre le loup, dans son département (lire encadré). Un sujet d’importance pour les éleveurs victimes d’actes de prédation sur leurs troupeaux. « Ils sont de plus en plus fréquents, les éleveurs sont démunis et on sous-estime l’impact psychologique de ces agressions », a témoigné Jean de Lescure, président de la Communauté de communes Mont-Lozère, quelque peu irrité des lourdeurs administratives nécessaires pour l’obtention de tirs de prélèvement. S’il se dit « tout à fait d’accord pour défendre les espèces protégées », il remarque qu’aujourd’hui, « le loup ne l’est plus. Il faut le réguler », insiste-t-il.

Cédric Laboret, éleveur laitier et président de la chambre d’agriculture Savoie Mont-Blanc, lui fait écho en soulignant « l’explosion des attaques malgré les protections » et s’inquiétant que les loups s’en prennent maintenant à des animaux plus gros que les moutons. « 10 % des animaux prédatés sont des gros bovins », indique-t-il. Sans nier la détresse des éleveurs et le surcoût engendré par les mesures de protection, Jean-David Abel, administrateur de France nature environnement (FNE) rappelle que les massifs et les plaines ont vécu « pendant quatre à cinq générations sans prédation, ce qui nécessite un “réapprentissage” » et que les attaques lupines se « concentrent sur certains territoires qui dénombrent 20 à 30 attaques par an. C’est sur ces territoires que les efforts doivent être concentrés », soutient-il, sans se porter volontaire.

Éthologie du loup 

La cohabitation entre l’homme, le bétail et le loup semble compliquée, d’autant qu’il n’existe « pas de solutions standard », affirme Philippe Gamen, président du Parc naturel régional du Massif des Bauges, plutôt partisan d’une prophylaxie propre à chaque territoire, autour des élus locaux qui savent faire dialoguer et concerter. « Même s’ils ont eu du mal à s’emparer de ce dossier », souligne Jean-David Abel. Cette cohabitation semble plus complexe encore parce que le Plan loup 2018-2023 ne « semble pas à la hauteur des enjeux et ne satisfait ni les agriculteurs ni les associations de protection de l’environnement », concède en substance l’ensemble des intervenants. Les fédérations de chasse se plaignent également qu’en période hivernale, le loup prélève des animaux sauvages comme le mouflon n’en laissant que peu aux chasseurs, remarque Philippe Gamen. De plus, les mesures de protections préconisées dans ce plan sont parfois contreproductives pour l’environnement. « On nous demande de parquer les animaux. Nous le faisons. Mais les montagnes sont fragiles et les endroits où les bêtes stationnent finissent par être surpiétinés », indique Cédric Laboret, soucieux de conserver ces territoires ouverts propices à la biodiversité. « C’est aussi grâce à l’élevage en alpages que nous trouvons encore des grands tétras », affirme-t-il. Afin de mieux prévenir les attaques et bien connaître ce prédateur, les éleveurs demandent à avoir des comptages plus fiables du loup. « On manque aussi de connaissance sur son comportement, ses mœurs, l’éthologie du loup », a conclu Philippe Gamen. 

Les tirs d’effarouchement autorisés en Ardèche 

Lors d’une réunion le 29 septembre, Thierry Devimeux, préfet de l’Ardèche, a annoncé sa décision d’autoriser les tirs d’effarouchement contre le loup « en raison des attaques de troupeaux qui se sont multipliées depuis le début de l’année ». Cette autorisation est limitée dans l’espace puisqu’elle ne concerne que quelques communes du plateau du Coiron. « Il ne s’agit pas d’ouvrir la chasse aux loups mais de protéger ses bêtes en cas d’attaque d’un animal », a indiqué le préfet. Environ une dizaine d’attaques ont été constatées sur le plateau du Coiron depuis le début du mois de mai 2021. Le stade supérieur au tir d’effarouchement est le tir de défense simple par l’éleveur ou les personnes dûment autorisées par arrêté préfectoral disposant d'un permis de chasser validé. Il ne peut être effectué qu'à proximité immédiate du troupeau protégé. Enfin, il existe un stade ultime : le tir de défense renforcé, notamment quand le troupeau a subi au moins trois attaques successives dans les 12 mois précédant la demande de dérogation. 

« Le loup va être là longtemps » 

« Le loup va être là longtemps », a affirmé Jean-David Abel, de FNE. Cette présence sur un temps long est confirmée par Vincent Vignon, directeur recherche et développement à l’Office de génie écologique. Il a rappelé quelques informations sur le loup. « Il est partout là où il y a à manger et où il n’est pas tué », a-t-il dit contestant l’estimation d’une population à environ 624 loups en France. Une estimation pourtant réalisée par l’Office français de la biodiversité (OFB). « Il y en a environ 2.000 en Espagne mais ils n’ont pas franchi les Pyrénées ». Prédateur d’ongulés (chevreuil, sanglier, chamois, mouton, etc.), ses ressources alimentaires sont composées à 80 % d’animaux sauvages. Les meutes sont généralement constituées de cinq à sept individus sur une surface d’environ 200 km2 et peuvent parcourir des distances de 150 km à 1.500 km ! Comme le renard, c’est une espèce qui s’adapte.