David Viard
" Les entreprises doivent savoir grandir pour perdurer "

Marc Labille
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Dans la moitié ouest du département, Viard est un grand nom de la distribution et de l’entretien du matériel agricole. Le siège historique de la saga Viard est à Cressy-sur-Somme où l’arrière-petit-fils du fondateur, David Viard, continue de pérenniser l’entreprise familiale. Portrait.

" Les entreprises doivent savoir grandir pour perdurer "
David Viard devant le site historique de la SAS Viard à Cressy-sur-Somme.

Les origines de la saga familiale Viard sont à Cressy-sur-Somme, petit bourg à 12 km à l’est de Bourbon-Lancy. C’est là qu’a débuté Louis Viard en 1911 en temps que charron. À partir des années 1950, son fils Antoine fait évoluer l’entreprise vers la vente et la réparation de matériels agricoles et de tracteurs. Malheureusement, un grave incendie anéantit l’atelier en 1958. Aidés par les agriculteurs des environs, Antoine Viard rebâtit ce qui allait devenir concession en 1963. C’est en 1982 que l’entreprise a pris la carte de la marque américaine Case. En 1984, Antoine Viard cédait l’affaire à son fils aîné François et l’année suivante, alors que le constructeur Case rachetait la marque International Harvester, la maison Viard devint concession Case-IH et adopta le statut de société anonyme. C’est à cette période que Michel Viard, le second fils d’Antoine est allé fonder ce qui allait devenir Michel Viard SARL à La Boulaye. En 2014, le fils de Michel Viard créa une autre agence de la marque Case-IH à Couches.

De la Saône-et-Loire au Puy-de-Dôme !

Le siège historique de Cressy-sur-Somme - la SAS Viard - est aujourd’hui dirigé par David Viard, fils de François. Bien qu’elles soient toutes les trois aux couleurs de Case-IH et que leurs dirigeants respectifs soient parents, les entreprises de Cressy, La Boulaye et Couches sont indépendantes les unes des autres. En revanche, elles assurent ensemble la couverture du territoire pour la marque Case-IH : Viard SAS Cressy en temps que concession et Viard La Boulaye et Couches en temps qu’agences.

En 2004, ce territoire a doublé lorsque Viard SAS a implanté une base à Vitry-en-Charolais. Cette nouvelle SARL a permis d’étendre la zone d’influence de la concession jusque dans le Brionnais. Plus tard, une autre base a été installée dans l’Allier au sud de Moulins. Fin 2019, la concession de Cressy-sur-Somme a repris une nouvelle zone s’étendant jusqu’au Puy-de-Dôme !

Perpétuelle remise en question

« C’est une remise en question perpétuelle », résume David Viard convaincu que « l’avenir appartient aux gens qui arrivent à s’adapter ». Si la mécanisation a encore de beaux jours devant elle, le concessionnaire constate malgré tout une baisse des investissements de la part des agriculteurs depuis quelques années. Les matériels vieillissent et les coûts d’entretien augmentent, observe-t-il. « À l’échelle de notre zone, le nombre d'immatriculations de tracteurs neufs a baissé de 11 % entre 2019 et 2020 et c’est une érosion qui s’accélère », informe David Viard. Face à ce contexte difficile, « il faut savoir grandir pour rester », justifie l’entrepreneur qui a fait le choix de consolider la concession avec les clientèles de maïsiculteurs de l’Allier, de céréaliers de la Limagne et d'éleveurs auvergnats en zones fromagères AOP.

La SAS emploie aujourd’hui 38 salariés sur les sites de Cressy, Vitry et Bessay (03). Abritant le siège et la gestion administrative de la concession, Cressy-sur-Somme réalise le plus gros chiffre d’affaires (12 millions d’euros). Les bases de l’Allier et de Vitry réalisent quant à elles 7 et 2 millions d’euros.

C’est la qualité du service qui prime

« Notre activité est la vente, la réparation et la location de matériel agricole », présente le patron. Si la vente de matériel est la raison d’être d’une concession, « c’est la qualité du service qui fait la pérennité de l’entreprise », se dit convaincu David Viard. Car il s’agit de trouver le juste milieu entre les obligations et objectifs commerciaux d’une grande marque et les besoins des agriculteurs d’un secteur donné.

Habitant et travaillant dans un petit bourg rural au cœur de la zone allaitante charolaise, David Viard connait bien sa clientèle et les principes qui gouvernent le métier : les saisons, la météo, l’agrandissement des structures, la pression… Aussi n’hésite-t-il pas à assurer lui-même le dépannage de ses clients au magasin un week-end de semis d’automne. « À nous de nous organiser en conséquence avec le personnel et les compétences qu’il faut », confie le patron qui cite aussi tous les travaux de récoltes et même l’hiver avec des élevages de plus en plus mécanisés dans la distribution et la manutention, observe-t-il.

Nouvelles compétences

Ce souci du service rendu passe par l’aptitude à « faire évoluer l’entreprise avec des compétences en interne », confie David Viard. Et pour lui, le volet formation de ses salariés est essentiel (lire encadré). En tant que concessionnaire d’une grande marque, l’entreprise dispose de mécaniciens agréés Case-IH. Ces derniers qui se doivent d’être incollables pour réparer n’importe quelle machine du fabricant, sont tenus de faire acter leur niveau de formation par Case-IH, puis ils ont des tests à passer en ligne et suivent toutes les formations "produits" constructeur, informe le patron. En matière de dépannage, le site de Cressy dispose de quatre fourgons ateliers pour les interventions sur le terrain. Trois autres fourgons équipés sont basés à Vitry et cinq à Bessay, informe l’entrepreneur.

« On ne démonte plus de moteur comme avant. Les motifs de pannes sont aujourd’hui essentiellement liés au système de dépollution », confie David Viard. Le dépannage repose désormais avant tout sur un protocole de diagnostic. « Pas question de changer les pièces les unes après les autres sans succès », fait valoir le chef d’entreprise. Le réparateur doit être en mesure d’éliminer des hypothèses pour in fine poser le bon diagnostic. Le développement de l’agriculture de précision avec des outils dotés de capteurs et d’informatique ; l’essor des motorisations électriques ; la télématique qui consiste à diagnostiquer la panne d’un véhicule à distance… : toutes ces évolutions demandent de nouvelles compétences, confirme-t-il.

Privilégier une relation dans la durée

« Les agriculteurs eux-mêmes ont aussi beaucoup évolué », constate le concessionnaire qui les estime plus pointus en termes de gestion qu’ils ne l’étaient auparavant. Une compétence qui s’affirme de génération en génération et qui nécessite, pour le fournisseur, de bien cerner leurs besoins. L’objectif étant, pour David Viard, de répondre aux attentes de l’agriculteur tout en préservant la rentabilité de son exploitation. Aussi la vente d’un matériel doit-elle être accompagnée d’un bon conseil, plaide l’entrepreneur. « Pas question de vendre à tout prix ! », même si cela passe parfois par un questionnement sur la nature même de l’équipement lorsqu’il ne semble pas adapté au contexte de l’exploitation, ou encore par une présentation transparente des modalités de financements… Car ce que recherche à tout prix David Viard, c’est « une relation dans la durée avec ses clients ».

Attaché à sa région et à son statut d’entrepreneur rural, David Viard fait en sorte d’adapter sa structure familiale dans un contexte d’accélération technologique, de mutation de l’agriculture et de crise économique. Lucide, le patron saône-et-loirien sait bien que le rapport de force s’est inversé entre les constructeurs et les réseaux de distribution. De même qu’il est bien conscient des mutations qui touchent la distribution de matériel agricole avec de nouveaux porteurs de capitaux sur le marché. Fidèle à ses racines, David Viard fait tout pour préserver la viabilité de son entreprise pour se projeter à 10 ou 15 ans. Et peut-être un jour pourra-t-il à son tour transmettre son entreprise comme l’ont fait avant lui son père, son grand-père et son arrière-grand-père.

Plaidoyer pour l’apprentissage

David Viard est très attaché à la formation par apprentissage. L’entreprise recrute au niveau bac pro ou BTS minimum et, pour se faire, elle privilégie des apprentis qu’elle essaie d’attirer dès le stage de troisième. Le patron tient à une bonne relation avec le centre de formation et l’élève ; entre le professeur principal et l’entreprise. La maison Viard emploie trois apprentis à Cressy-sur-Somme et deux autres jeunes sont formés dans les autres bases de l’enseigne. « J’embauche un apprenti sur trois à la sortie. L’apprentissage est la seule solution pour garder les jeunes dans le secteur agricole. Il est indispensable dans la continuité de l’entreprise ; indispensable pour passer notre savoir. Les entreprises devraient former davantage d’apprentis », défend David Viard.