EXCLU WEB / Forum Demeter (2/3) : Les limites du soutien alimentaire par l’humanitaire

« Une nouvelle géopolitique de la sécurité alimentaire mondiale. Quelle place pour la France et l’Europe ? », Tel était l’intitulé du forum organisé le 21 octobre par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) et le Club Demeter. La deuxième table ronde entendait trouver des solutions à court terme. Mais l’urgence alimentaire ne peut pas tout. 

EXCLU WEB / Forum Demeter (2/3) : Les limites du soutien alimentaire par l’humanitaire

Le constat est posé : la Russie qui entend rester maître de son autarcie alimentaire et énergétique, tente de peser sur les cours mondiaux. L’une des conséquences directes est l’organisation consciente de la pénurie et l’aggravation des crises alimentaires dans le monde. Dans les 82 pays les plus pauvres (sur 195 selon l’ONU), « 360 millions de personnes sont en crise alimentaire sévère ou aiguë, soit 90 millions de plus qu’au début 2022 », a indiqué Alex Marianelli, directeur de la chaîne d’approvisionnement du Programme alimentaire mondial (PAM). D’ailleurs si on superpose les cartes des conflits armés, du réchauffement climatique et de la pauvreté, « on obtient une carte homogène à quelque chose près », a soutenu Jean-François Riffaud, directeur général de l’ONG Action contre la faim. Il parle de « crise systémique aggravée par la guerre en Ukraine ». Autrement dit, le problème préexistait à cette guerre mais rien n’a vraiment bougé ces dernières années. Pis, le PAM est aujourd’hui contraint de réduire l’apport calorifique à chaque bénéficiaire pour augmenter le nombre de personnes aidées. « au PAM, nous avons besoin d’un budget de 22 milliards de dollars (Md$) par an. Nous n’en avons obtenu qu’environ 40 % à ce jour », s’est désolé Alex Marianelli pour qui l’un des enjeux majeurs est « l’accès financier aux vivres ».

Pansement nécessaire

« Est-il normal que 70 % des personnes qu’on aide à manger soient des agriculteurs ? », s’est interrogé avec un tremolo de colère dans la gorge, Jean-François Riffaud. Pointant le paradoxe que ceux qui nous nourrissent ne parviennent pas à le faire eux-mêmes et égratignant les dysfonctionnements du système agricole et alimentaire mondial, il souhaite aussi « lutter contre le gaspillage » qui représente environ 30 % des volumes produits. Jean-François Loiseau, président d’Intercéréales, entrevoit une porte de sortie dans la mise en place de politiques agricoles locales. « En Europe, on a une PAC. Il faut permettre aux autres pays, notamment à ceux en voie de développement, de faire pareil. Encore faut-il une réelle volonté politique. Les entreprises françaises et européennes sont prêtes à accompagner les États pour mettre en place ces politiques qui devront s’appuyer sur des filières », a-t-il suggéré, précisant que cet accompagnement pouvait comprendre un volet décarbonation. Si les ONG sont un rouage important pour réduire la famine dans le monde, la réponse humanitaire, « un pansement nécessaire », ne suffit pas à résoudre tous les problèmes. A ce titre, les « objectifs de développement durable posés par l’ONU ne seront pas atteignables », a-t-il certifié. « Au plan mondial, les besoins humanitaires globaux s’élèvent à 40 Md$ par an. Mais aujourd’hui, seuls 75 % sont couverts », a assuré Alex Marianelli.