EXCLU WEB / Forum Demeter (3/3) : FARM : une initiative en quête de crédit(bilité)

« Une nouvelle géopolitique de la sécurité alimentaire mondiale. Quelle place pour la France et l’Europe ? », Tel était l’intitulé du forum organisé le 21 octobre par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) et le Club Demeter. La dernière table-ronde a esquissé des solutions de long terme et notamment l’application de l’initiative FARM.

EXCLU WEB / Forum Demeter (3/3) : FARM : une initiative en quête de crédit(bilité)

Mettre en place des mécanismes de résilience de long terme pour assurer la sécurité alimentaire mondiale dans une approche « approvisionnement » est vital pour les communautés agricoles et rurales soutient Jyotsna Puri, vice-présidente du département de la stratégie et des savoirs du Fonds international de développement agricole (FIDA). Elle estime nécessaire d’encourager les productions locales, de fournir à la population des aliments sains et de qualité et de réduire le gaspillage. Le directeur du développement durable du MEAE (Ministère De L’Europe Et Des Affaires Étrangères), Christophe Guilhou, abonde dans son sens en expliquant que de tels objectifs nécessitent de renforcer l’agriculture durable dans de nombreux pays et surtout « de structurer les filières agricoles et alimentaires ». L’initiative Food & Agriculture Resilience Mission (FARM) pour la sécurité alimentaire des pays les plus vulnérables, instaurée en avril dernier, peut répondre à ces impératifs. La France y contribue à hauteur de 700 millions d’euros par an. Mais il semble que le projet butte sur l’accès au crédit des acteurs locaux. « Le secteur agricole est orphelin du secteur bancaire », résume Kako Nubukpo, commissaire du département agriculture de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), qui se désole aussi que l’Afrique soit la variable d’ajustement du système alimentaire international. « Il faut financer l’agriculture et les industries alimentaires locales », plaide en substance Karim Aït Talb, directeur général délégué de Géocoton, dont le groupe accompagne financièrement les agriculteurs dans leurs achats de semences, de produits phytosanitaires et d’engrais. « Nous sommes les derniers », se désole-t-il, égratignant des pratiques qui font de l’Afrique « un marché de déversement qui empêche le développement des filières locales ». Plaidant pour « dérisquer les investissements », il juge plus utile de financer les petits agriculteurs.

One food system

L’initiative FARM a fait naître beaucoup d’espoirs dans lequel les Africains ne semblent pas se retrouver. « Nous sommes partagés en trois catégories : ceux qui disent “Merci et bravo”, ceux qui affirment “Vous n’allez pas nous apprendre à cultiver” et enfin ceux qui disent “Oui, mais” », explique Kako Nubukpo qui pointe aussi la « défaillance de certains Etats africains et aussi celle des marchés ». FARM repose sur trois piliers : commerce, solidarité et production. « Le volet production en particulier veut mettre l'accent sur la promotion des protéines végétales, comme les légumineuses, le niébé, l'acacia, etc. L'Afrique devrait produire ce qu'elle consomme, j'en suis convaincu », explique-t-il, rejetant l’idée de vivre en autarcie. Dans le développement futur de l’économie agricole et alimentaire africaine, il faudra tenir compte du facteur démographique et climatique : En 2050, le continent comptera plus de 2 milliards d’habitants dont 40 % auront moins de 15 ans « avec des demandes d’émancipation et de souveraineté sans doute plus grande », souligne le commissaire de l’UEMOA. « Penser la diversité climatique et la pluralité des sols dans tous leurs aspects, pas seulement techniques mais aussi politiques et sociaux est un défi à relever », affirme pour sa part Elisabeth Claverie de Saint-Martin, PDG du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD. Elle émet l’idée de construire un « One Food System » à l’image de l’objectif « Santé globale/One Health ». Il n’en reste pas moins qu’au-délà des incantations, assurer la sécurité alimentaire mondiale dans un contexte géopolitique aussi chahuté reste un véritable défi : plus de 800 millions de personnes souffrent de la faim sur la planète.

Grande muraille verte : où en est-on ? 

En novembre 2021, la COP 26 a décidé la création d’une Grande muraille verte pour le Sahara et le Sahel (GMV). En réalité, ce projet a déjà été présenté en 2002 par l’Union africaine avant d’être officiellement lancé en janvier 2007. L’idée est de créer une mosaïque d’écosystèmes verts et productifs (notamment agricoles et forestiers) sur une ligne partant de Dakar (Sénégal) et allant jusqu’à Djibouti. Cette GMV large de 15 km et s’étalant sur 7 800 km doit passer par onze pays, représentant une superficie de 117 000 km 2, soit 11,7 millions d’ha. L’objectif étant à terme d’étendre ce projet à 100 millions d’ha. Le projet global doit coûter au bas mot 19 milliards de dollars. La Muraille avance petit à petit. Fin octobre environ 15 % de la distance avait été parcourue. Au Sénégal, ce ne sont pas moins de 12 millions d’arbres résistant à la chaleur qui ont été plantés. En Éthiopie ou au Niger, ce sont des millions d’ha qui ont été rendus à la nature et à l’agriculture. Dernièrement (le 15 octobre) une campagne de reboisement s’est déroulée à Taal (Tchad) pour lutter contre l’avancée du désert sur une superficie de quatre hectares qui comprend 25 000 plants de Prosopis Juliglora et d'Acacia raddiana. Chaque année, le désert dévore 2 millions d’hectare de forêt et de savane, provoquant l’exode massive de millions d’habitants.