INTERVIEW
Le prix du lait ne doit pas baisser en 2024

La Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) est déterminée à faire en sorte que les prix à la production ne baissent pas en 2024, en raison de l’augmentation des coûts de production et de l’impératif du renouvellement des générations. Interview de Thierry Roquefeuil, président de la FNPL.

Le prix du lait ne doit pas baisser en 2024
Thierry Roquefeuil, président de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL). ©Actuagri

Où en est le parcours législatif du projet de loi portant sur les mesures d’urgence pour lutter contre l’inflation des produits de grande consommation ?

Thierry Roquefeuil : « Après l’Assemblée nationale, le Sénat a adopté le projet de loi, le 26 octobre. Comme les députés, les sénateurs se sont prononcés sur le créneau du 15 au 30 janvier 2024 pour finaliser les négociations commerciales entre les industriels et la grande distribution. Ils n’ont pas non plus accédé à notre demande d’exonérer la filière laitière du nouveau cadre réglementaire. Ce que nous demandons, c’est que l’esprit de la loi Égalim soit conservé et que la rémunération des producteurs de lait ne soit pas remise en cause. À ce stade, il y a un grand risque qu’il en soit ainsi. En accélérant les négociations avec un objectif de baisse des prix souhaité par Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie et des Finances, les dispositifs légaux qui protègent les agriculteurs, et notamment la non-négociabilité de la matière première agricole, risquent d’être fragilisés. 2024 ne peut pas être une année de baisse des prix du lait aux producteurs. » 

Que prévoit l’indicateur de prix de revient pour la filière laitière ?

TR : « L’indicateur du coût de production devrait être publié début novembre. Mais d’ores et déjà, je puis vous dire qu’il est orienté à la hausse. Selon les premières informations dont je dispose, il devrait s’établir à 442 euros/1 000 litres pour l’année 2022, contre 417 euros/1 000 litres pour 2021, soit une augmentation de 6 %, en raison notamment de la pression sur le prix de l’énergie et sur celle des salaires qui suivent l’inflation. J’insiste, d’autant plus, sur la nécessité de tenir compte de l’évolution des coûts de production en 2024, qu’en 2022, dans un contexte d’inflation généralisée dans l’Union européenne, les éleveurs français ont amorti une partie de l’augmentation généralisée des charges. Il ne faudrait pas qu’aujourd’hui nous soyons perdants une nouvelle fois. Je suis d’autant plus inquiet que les entreprises laitières puissent présenter leurs conditions générales de vente aux distributeurs avant d’avoir établi leurs tarifs avec les producteurs de lait. Je le redis une fois de plus : le prix de la matière première n’est pas négociable ! »

Cette remise en cause intervient après l’annulation par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de l’obligation d’affichage de l’origine du lait dans les produits laitiers. Qu’en est-il exactement ?

TR : « Effectivement, les centrales d’achat se sont engouffrées dans la brèche. Elles profitent des prix plus bas actuellement en vigueur chez nos principaux partenaires commerciaux pour s’approvisionner à l’étranger, notamment pour l’emmental et la crème, en affichant une origine UE. À la FNPL, nous considérons que profiter de toutes les occasions pour aller se servir au moins-disant est une stratégie à court terme qui affaiblit l’ensemble de la filière. Remplacer le lait produit dans des fermes « France Terre de lait » par du lait importé est contraire à toute l’action de la FNPL qui s’est inscrite pour créer de la valeur au niveau de la production et de l’ensemble de la filière. »

Que comptez-vous faire ?

TR : « Nous avons mené une enquête et identifié un certain nombre d’entreprises qui ne jouent pas le jeu, en utilisant systématiquement la mention UE. Remplacer le lait produit en France est encore moins acceptable si les MDD premiers prix, dégradant la valeur du litre de lait, fleurissent dans les rayons avec comme seule conséquence une baisse du prix payé aux producteurs en 2024. C’est pourquoi nous travaillons avec certaines d’entre elles qui accepteraient d’afficher l’origine française du produit, notamment pour l’emmental, comme nous l’avons déjà fait pour le lait. Ainsi nous pourrions ramener du prix aux producteurs et améliorer leur revenu. »

Propos recueillis par Actuagri